Ajaccio sous le soleil, quartier des Cannes. Large bâtiment plat et rose de la médiathèque et de quelques autres services sociaux. D'un côté, autour d'une ou deux de leurs voitures, occupés par quoi, des jeunes blancs. De l'autre, autour d'une aire de basket défoncée et taguée d'insultes racistes, occupés par quoi, des jeunes Arabes. On passe le temps. - Qu'est-ce que vous faites ? Côté blancs.- On n'a rien. On n'a pas d'endroits à nous. On avait l'association, le local, dans l'ancienne école maternelle. Y l'ont fermée. Y vont faire un marché couvert à la place.- Vous n'avez pas un bar ?- Ici Monsieur, les bars c'est le Far West. Y nous voient entrer, on dirait qu'y voient des aliens.Côté moins blancs.- Ce soir, on va voir OM - Manchester au Kebab. Des fois, au Kebab, on pense qu'on pourrait se prendre une bombe. Vous avez vu les attentats en janvier ? Avant pour nos parents, ici, y avait le couvre feu. Mais ceux qui écrivent "les arabes dehors" y viennent pas nous le dire en face. Ça change quand même.- Ils venaient d'où vos parents ?- Algérie, Égypte, Tunisie, Argentine, Maroc.Qu'est-ce que vous aimeriez faire ?Silence des deux côtés.Puis, côté blancs.- On aimerait avoir un endroit à nous.- Pour faire quoi.- Rien de spécial. Un endroit juste pour ne pas rester dehors. Vous voyez bien. Tout l'hiver, on est là dehors. Les gens y gueulent. On fait rien de mal. On discute. Mais les gens y voudraient qu'on reste à la maison devant la télé comme eux. Y nous reprochent de sortir, de discuter, de rigoler, de vivre... quoi.Puis, côté moins blancs.- Qu'y nous réparent au moins ce terrain de basket. Vous voyez bien. Regardez. Quand on est pas là, y en a qui arrachent le sol. Ça serait bien aussi que les flics, y z'arrêtent de nous brancher. Les menottes y nous mettent. Pour rien. Juste parce qu'on n'a pas notre carte d'identité avec nous, des fois, y nous mettent les menottes et y nous embarquent. Y nous gardent deux heures.- Ils ne vous connaissent pas ?- Ceux qui font les rondes, oui, mais les CRS, non. L'autre jour, y en a un, il a frappé un de nous.- Vous vous entendez bien avec les autres jeunes ? Avec les Corses ?- Non, ça oui, et puis, nous aussi, on est un peu corses. Non, mais ici entre nous, y a pas de problèmes. Et puis on est tous pareil, on se fait chier. Voilà la vie ici, on n'est pas mal, mais on se fait chier.
Billet de blog 24 février 2011
Mercredi 23 février, Ajaccio l'ennui
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