- Allo, Monsieur Casale ?
- Oui, allo.
- Ici la MAIF. Je suis Raymonde Pigounier.
- Oui bonjour Madame.
- J'ai regardé vos contrats d'assurance, Monsieur Casale et je me suis demandé ce que vous avez en complémentaire santé ou en assurance décès.
- Oh je dois avoir des tas de trucs. À une époque, j'ai souscrit à des tas de choses que je paye régulièrement.
- Mais savez-vous ce que vous payez exactement ?
- Il faudrait que je me concentre. Vous me prenez un peu au dépourvu. Il fait chaud, c'est l'été.
- Parce qu'au vu de ce que vous avez chez nous, je me disais la chose suivante: imaginez, Monsieur Casale, que vous vous coupiez la main avec un sécateur dans votre jardin...
- Ah eh bien vous êtes charmante, vous...
- Bon la main ou tout autre chose...
- Mais je n'ai pas de jardin, ni de plantes, ni de fleurs, pas de sécateurs non plus...
- Non, mais c'est une hypothèse...
- Ah, si c'est une hypothèse... Savez-vous, Madame, que l'écrivain italien Giorgio Manganelli a écrit que "Qu'aucune activité n'est plus digne de l'homme que celle d'émettre des hypothèses" ?
- Ah non , je le ne le savais pas. Comme quoi, vous voyez...
- Vous le connaissez, Manganelli ?
- Non, pas vraiment. Pas du tout, même.
- En juillet, je suis allé en Italie et j'ai pu acheter deux de ses livres qui n'ont pas été traduits en France.
- Non, Mangani, je ne vois pas.
- Vous connaissez l'Italie ?
- Oh l'Italie... non, enfin un petit peu quand même, j'y suis allée quand j'étais jeune.
- Vous n'êtes pas jeune ? Sans vouloir vous flatter, votre voix l'est.
- Merci Monsieur. Pourriez-vous m'accorder encore un peu d'attention ?
- Je vous en prie.
- Avez-vous fait votre testament ?
- Euh... eh bien c'est à dire que j'ai... eh bien... cinquante ans...
- Il faut y penser. Nous avons une proposition à vous faire pour subvenir aux besoins de vos proches...
- Madame, notre conversation ne me déplaît pas... Mais j'étais en train de lire et de rêver... Et ce que vous me dites commence à me donner l'impression (un petit peu angoissante tout de même) qu'un malheur ou la mort sont en train de frapper à ma porte pour m'annoncer que ça va bientôt être mon tour. Pour être tout à fait franc avec vous, je vais vous avouer aussi que depuis deux minutes, je vous écoute en formant une paire de cornes avec ma main droite pour conjurer les mauvais sorts... Je me fais des cornes alors que je pensais ne plus être superstitieux...
- Oh Monsieur Casale...
- Non voyez-vous, je suis vivant, vous l'êtes aussi, il fait beau. Ne prenez pas ce que je vais vous dire pour une avance car je suis actuellement très amoureux, mais si vous voulez vraiment discuter avec moi, prenons un verre ou un café et...
- C'est très aimable à vous.
- Je vous en prie.
- Voulez-vous que je vous envoie une documentation sur les formules dont je voulais vous parler ?
- Oui, je veux bien et je vous le promets, je la lirai. Je préfère lire. Et au besoin, vous rappeler. Vous êtes ?
- Raymonde.
- J'ai connu une Raymonde qu'on surnommait "Raymonde, la terre est ronde".
- Je ne connais pas de Noël. Enfin pas personnellement, je veux dire... Vous êtes le premier. Au revoir, Monsieur Casale.
- Au revoir, Raymonde.