À Rome, que vouloir de plus

   Hier, après avoir couru pour la seconde fois en un mois derrière un tramway, j’ai réalisé que je n’avais jamais vu un Romain courir pour sauter dans un tram, bus ou métro. Ni courir tout court d’ailleurs. Je disais dans un billet précédent que les horloges publiques romaines ne sont pas à l’heure et maintenant, voilà que les Romains ne courent pas. Les conducteurs d’autobus, eux, roulent à toute blinde (avec casques ou oreillettes bien fixés sur les portugaises), comme les automobilistes qui, à la différence de ceux du Caire (mais eux aussi en klaxonnant), cherchent à vous éviter. Au Caire, c’est à vous qu’il revient d’éviter les voitures qui vous foncent dessus, klaxon bloqué. À propos d’autobus, hier j’étais derrière le conducteur de celui qui allait donc de la Piazza del Popolo à la Piazza Venezia (à fond la caisse) quand sa mère lui a téléphoné. J’ai vu son écran de smartphone s’éclairer sur « Mama ». – Si, Mama, che succede / Oui, Maman, qu’est-ce qu’il y a … - No, non ti preoccupa… / Non, pas de soucis, - Sono fermato… / je suis à l’arrêt… Dimi… / Dis-moi… S’en est suivie une longue discussion au sujet d’un repas et d’une sortie familiale pour demain dimanche. Mais peut-être qu’il s’agirait là aussi, dans cette manière de se « hâter lentement » (Ovide, je crois), d’une sorte de façon de vivre héritée de leur Imperator des Imperator, le grand Auguste, dont les repas consistaient le plus souvent en un morceau de pain trempé d'eau fraîche, une tranche de concombre dans une feuille de laitue et un fruit frais bien juteux. De temps à autre, un poisson, un fromage de vache, quelques figues. Après manger, une petite promenade, une partie de dés ou d'osselets. Et après cela, sans prendre la peine de se tourner vers les gens de sa suite, on dit qu’il déclarait volontiers - Que vouloir de plus ? – avant que son esclave favori ne se penche sur lui pour y assurer son unique mission quotidienne en lui soufflant à l’oreille – N’oublie pas que tu es un homme.