Hier à Ajaccio, j'ai rencontré une femme qui veut faire un film "sur les Arabes en Corse". Genre de sujet qui sent déjà la soirée Théma sur Arte bien que ni les Arabes ni la Corse ne soient des thèmes mais des réalités bien vivantes. Sujet aussi bien sûr potentiellement polémique. Du type, les Français en Algérie, les Serbes en Bosnie, les Chinois au Tibet, les Romains en Galilée et ainsi de suite. Bon et alors. Alors, elle rencontre des Arabes qui vivent ici depuis plus ou moins longtemps et des Corses. Et ce dont je voudrais essayer de parler, c'est la rencontre inévitable avec "le raciste qui semble s'ignorer" et face auquel on feint de ne pas comprendre ce qu'il dit. La semaine dernière, elle rencontre un Corse qui lui assure, chiffres à l'appui, que les Corses sont en train de devenir minoritaires sur l'île. Elle lui répond, Oui et alors. Le type se reprend et lui répète la même chose. Elle lui renvoie, Je ne comprends pas. Quand elle me rapporte cet échange, je vois qu'elle a très bien perçu l'angoisse sous les mots de l'homme. Et à son ton souriant et malicieux, je sais aussi que elle, elle ne se confrontera pas à cette angoisse, à cet inconnu-là. Je devine facilement ce qu'elle pense du bonhomme et je l'imagine déjà, lui ou un autre (il y en a plein des comme ça en Corse), dans le film. Il est fort probable que ce film ressemblera à presque tout ce que l'on voit aujourd'hui sur nos écrans. Des films faits par des gens qui ont l'air de très bien savoir de quoi ils parlent. Même et surtout si ce dont ils parlent est très difficile - meurtre, guerre, amour, sexe... et, potentiellement, bien mystérieux. Dans la presse, c'est pareil. Mais il arrive quelquefois un miracle. Pour Libé, Patricia Tourancheau avait couvert le procès du tueur en série Michel Fourniret à Charleville-Mézières. Pendant des semaines, elle a rapporté, au jour le jour, les minutes du procès. Rapports plus ou moins intéressants selon le degré d'intérêt que l'on porte à l'affaire. Et tout juste après le procès, elle a écrit, toujours dans Libé, comment elle, elle l'avait vécu durant ces semaines d'hiver. L'audition de récits et de témoignages insoutenables, les verres d'alcool nécessaires le soir, seule ou avec des collègues, les cauchemars, les insomnies peuplées d'images atroces et de mots qui flottent, qui disent et qui ne disent pas, l'impossibilité de s'y remettre le lendemain, de retourner au palais de justice, la peur à la vision dans la rue d'un homme et d'une enfant... J'avais lu ses articles durant le procès mais je n'en ai aucun souvenir. Mais son récit final, je ne suis pas près de l'oublier.
Billet de blog 25 juillet 2011
Jeudi 7 juillet, Des Arabes en Corse et ainsi de suite
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