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Billet de blog 28 janvier 2012

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À table avec Johnny

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Il reste une semaine pour courir à la galerie L'Usine au 102 Boulevard de la Villette à Paris (www.usine102.fr) pour découvrir les compositions fantastiques de Johnny Lebigot.

Johnny a fabriqué un cimetière. Une table de bois haute, étroite et longue, surmontée d’un portique de six cadres (dont deux mobiles) où semblent reposer depuis une éternité une foule d’herbes folles, de fleurs séchées, peuplée d’insectes morts et d’une multitude d’objets minuscules. Ces objets familiers – boîtes, lettres, vieux disques, photos, crayons… - à demi-enfouis dans des compositions végétales et minérales (présence de pierres) d’une complexité indescriptible retiennent immédiatement l’attention. Mais un peu à la façon dont nous captent des objets sortis de terre sur un champ de fouilles voué à la découverte et à la compréhension d’histoires anciennes. Passée cette première perception, on plonge, on entre dans le végétal, l’animal, le minéral. Les mille millions de bouts de fleurs, de plantes et de bois sont non seulement déposés ou suspendus mais beaucoup sont assemblés – colle, nœuds, liens… - à mille millions de bouts de bêtes – os de poissons, ailes d’insectes, becs d’oiseaux… - dont l’inventaire serait difficile à réaliser. On observe les innombrables compositions qui en résultent, on pense à Jérôme Bosch, à ses déploiements de monstres tous plus grotesques les uns que les autres et, en même temps, comme le disait Delacroix au sujet de son Christ descendu au tombeau, « pas un détail ne s’élève pour se faire admirer ou distraire l’attention ». Cette table, la première fois que je l’ai vue, c’était en musique. Tino Rossi. Le Tango de Marilou. Souvenirs d’amours mortes, de désirs éteints, de beauté fanée. C’est ce que cette table pourrait nous chanter si elle le pouvait. Mais c’est un tango un peu moins strict, un peu moins sensuel, un peu moins ondulé que nous danserions en silence autour d’elle, parfois dans les ombres fantastiques projetées par de subtiles mises en lumière, comme pour croire encore que de ce cimetière, nous parviendra un léger frémissement dans les feuilles et les fleurs comme le souffle de quelqu’un qui dort. Une invitation à écouter les voix de celles et ceux qui « ne sont plus que pour avoir été » (Ferré), car ils parlent ensemble de nous lorsque, grâce à une œuvre comme cette table de Johnny, nous nous détournons un instant du visible pour parler avec les morts.

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