Noël Mamère

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Billet de blog 16 mai 2016

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Chacun son monde

En défendant avec acharnement la loi travail et son monde, ce gouvernement a perdu toute légitimité dans la population et dans la gauche. C’est donc à nous mêmes de nous organiser et de décider, que nous soyons au Parlement, sur les places, dans les entreprises.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Manuel Valls a un avantage certain : Nous ne sommes jamais surpris par sa capacité de combattre le mouvement social, la gauche et les écologistes, les syndicats de salariés et, en général, toutes celles et tous ceux qui refusent de se soumettre à sa politique néoconservatrice, bonapartiste et identitaire. Ainsi, avait-il annoncé depuis des semaines l’utilisation du 49.3 pour empêcher tout débat au Parlement et il a fait ce qu’il a dit…Mais il n’avait pas prévu la réaction d’une partie significative des députés de la majorité gouvernementale, écologistes, Front de gauche et socialistes qui, pour la première fois dans l’histoire de la Cinquième République, ont refusé de se coucher devant ses oukases. Nous avons été cinquante six à oser tenter de déposer une motion de censure du gouvernement Valls. Si nous avons échoué à deux voix près, notre « geste » politique ne restera pas sans lendemain. Pour nous, en effet, il s’agissait de sonner le tocsin à gauche, de prévenir ce qui apparaît aujourd’hui comme inéluctable : un nouveau « 21 avril » en mai 2017.  Face à un déni de démocratie, nous avons pris nos responsabilités. Dans ce régime présidentiel qui ne dit pas son nom, le 49.3 n’est ni plus ni moins que l’extension du domaine réservé du Président de la République. Ce n’est plus seulement la politique étrangère et la défense qui lui sont dévolues, mais la totalité de l’action publique puisqu’il peut interrompre le débat parlementaire, comme il le veut, quand il le veut et imposer sa loi aux députés issus du peuple. C’est ce conflit entre deux légitimités qui a suscité notre tentative de motion de censure.

De fait il y a désormais deux oppositions au Parlement : Une opposition de droite, réactionnaire, qui veut aller encore plus loin dans la direction ouverte par ce gouvernement social libéral, en s’appuyant sur une loi qu’elle n’aurait jamais osé rêver imposer au monde du travail ; Une opposition de gauche, qui est restée fidèle à l’esprit de mai 2012 et au combat contre la finance.

La tentative de motion de censure a donc été un signal fort, qui va dans le même sens : favoriser l’irruption citoyenne pour construire une alternative crédible et répondre à l’aspiration de celles et ceux qui se sentent trahis par cette gauche de gouvernement. La construction du « socle commun », qui permettrait le rassemblement des forces d’émancipation, est possible. A condition de s’en donner les moyens. Ce n’est pas dans une course à la primaire de tous les ego que nous y réussirons, mais en lançant une démarche qui réunisse toutes celles et tous ceux qui pensent que le mot « réforme » ne rime pas forcément avec régression sociale et démocratique, comme voudraient nous le faire croire les tenants de la pensée unique au gouvernement.

Ce bras de fer ne fait que commencer. Il y aura sans doute un nouveau 49.3 en juillet, lors du retour de la loi  travail à l’Assemblée. D’ici là, et notamment cette semaine, le bras de fer sera social, avec deux manifestations contre la loi Travail et des grèves reconductibles dans le domaine des transports, des raffineries et des PTT. Rien n’est donc joué. Cette loi n’est pas encore votée. D’autant plus que le gouvernement, qui joue la diversion avec la manipulation des violences policières et le vote de la reconduction de l’Etat d’urgence, continue à rabougrir sa majorité de plus en plus relative et précipite sa décomposition. Cet entêtement est un aveu de faiblesse du Premier ministre, qui entraîne le Président de la République dans sa chute. De fait, rien ne se passe comme prévu pour l’équipe au pouvoir : Nuit Debout croit et se multiplie jusqu’au fin fond de la France et à l’étranger comme l’a montré dimanche l’impressionnant « Global Debout », qui célébrait l’anniversaire du 15 mai 2011, le 15 M des « Indignados » espagnols. Non, rien n’est joué et le 49.3 ne nous a pas découragés.

Ce qui se passe depuis trois mois est une forme inédite de contestation où chacun joue sa partition dans une sorte de Mai rampant, où une génération s’éveille à la politique et donne le ton tandis que ses aînés reprennent le chemin de la rébellion et de la désobéissance sociale. Nous fêtons le 80ème anniversaire du Front Populaire, quand Léon Blum avait su rassembler les gauches divisées. Mais ce qui  aurait pu être une victoire sans lendemains qui chantent, sans congés payés ni réduction du temps de travail, se transforma en un évènement fondateur pour la classe ouvrière, du fait de l’occupation des usines, des bureaux et des grands magasins…Le Front Populaire d’aujourd’hui se nomme convergence des luttes. Mais, faute de Léon Blum, la France doit se contenter du tandem Hollande-Valls, qui croient savoir ce qui est bon et juste pour ceux d’en bas et qui représentent un monde dans lequel nous ne nous reconnaissons pas : celui de la précarité généralisée, du pouvoir des marchés financiers et des managers payés en millions d’euros pour avoir  délocalisé et « dégraissé » leurs entreprises. Ce monde où une femme qui refuse de changer son prénom arabe pour un prénom bien français de souche est licenciée sans préavis dans un centre d’appel ;  Ce monde où l’on apprend chaque jour un nouveau scandale, comme celui d’Areva et de la filière nucléaire, ou  du Crédit Agricole enfoncé jusqu’au cou, comme tant d’autres banques, dans les Panama Papers.  Ce monde où on signe des chiffons de papiers sur le climat qui sont mis à la poubelle dès le lendemain pour respecter des accords d’armement avec les pays producteurs de pétrole autrement plus importants… Non, ce monde n’est pas le nôtre.  

En défendant avec acharnement la loi travail et son monde, ce gouvernement a perdu toute légitimité dans la population et dans la gauche. C’est donc à nous mêmes de nous organiser et de décider, que nous soyons au Parlement, sur les places, dans les entreprises. Bye  Bye Messieurs Valls, Hollande, Macron et consorts !

Noël Mamère

Le 16/05/2016

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.