Grève générale !

Chemin du 1er mai 2019,

Grève générale !

Le marchand de sable est passé l’autre soir ! Un peu tôt quand même, avant l’apéro, à 18 heures. Mais ce camelot avait du stock, et la distribution a duré deux plombes.
Il est venu sur son nuage. Avec son pipeau. Et son sourire de premier de cordée. Franchement, il avait belle mine ce quadra séduisant : il était bien mis, aimable, l’oeil vif, le cheveu en bonne santé, la gestuelle large et généreuse, le gendre idéal en somme, quoiqu’un peu perché...
De fait, il a distribué sa cargaison, abondamment, de manière aérienne, grand seigneur, à brassées amples. Il a magnifiquement rempli son office : au bout d’un quart d’heure je ronflais !
Ce grossiste en grains nous a pris de haut.
A ses côtés, il n’y avait pas de gros nounours pour partager le nuage, nulle peluche pour attendrir le client, non, rien que lui, l’aristocrate aux dents blanches, lui tout seul, l’homme orchestre de la nouvelle France, le VRP universel, le magicien auto-proclamé.
Quand j’ai ouvert les mirettes, ça piquait : il m’a fallu un bon collyre pour virer ma colère et laver ma cornée.

Ce sable qu’éparpille à grandes mandales clinquantes, et à longueur de mandat subclaquant, Emmanuel Macron, je n’en peux plus, je n’en veux plus ! C’est de la poudre aux yeux, un condensé de perlimpinpin, du feldspath pour faire aux pattes, du sable mouvant pour étouffer le vivant, sans même un zeste de grain à moudre .
Alors je vous le dis carrément : assez de ces pitreries présidentielles, assez de ces singeries gouvernementales, marre du troupeau en marche bêlant derrière l’homme à la flûte, marre aussi des types encagoulés qui tapent à tout va, qu’ils soient blocs, ou qu’ils soient BAC, et marre enfin de ces politiciens ou syndicalistes incapables d’unité et de générosité face à l’arnaque gigantesque .
Je décrète en conséquence la GREVE GENERALE !

Mais pas n’importe quelle grève : celle tout à l’ouest, au bout du monde,  où le sable est propre, où le sable est blond, où le sable est naturel, soumis depuis des siècles au lissage de l’eau et du vent, cet endroit souvent rêvé qui donne à respirer, qui prête à résurrection, où nul colporteur de silice trafiquée ne vous endort avec du granulé sophistiqué, où le flux et le reflux éternels dessinent d’éphémères chefs d’oeuvre sous les dunes, au pied des falaises, où l’humain s’émerveille devant les incrustations joaillères, de coquilles colorées et nacrées .

Là-bas, les plages vierges sont des pages blanches sur lesquelles les enfants bâtissent les châteaux de leur vie, des déserts lumineux où les voiles emportent des papillons humains, un autre monde, sans limites, où l’on redevient bambin, biquet, bouchon, mignon, micron, mais pas du tout Macron, pas du tout Matignon, un milieu fabuleux empli de goguelins et de korrigans, loin, très loin, du cirque cabotin et tocard d’une Cinquième tragi comique.
Ma grève personnelle consistera donc en un retour initial, une démarche initiatique, vers la beauté minérale. En attendant la vraie grève générale, celle qui viendra, celle des travailleurs définitivement sur le sable.