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Billet de blog 2 décembre 2023

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Meuh !

On connait la vache qui rit, on l’apprécie. On découvre la vache qui pète, on la déteste. Gaz à effet de serre, paraît-il ! Je dis halte : ce ruminant n’est pas un bouc émissaire.

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Chemin du 2 décembre 2023

Meuh !

Illustration 1
La belle Aubrac © Patrice Morel (octobre 2023)

C'est donc la dernière vacherie qu’on lui fait : la bête à lait produit du méthane et cela contribue au réchauffement climatique. L’animal rote, se soulage et relâche de la bouse, c’est mal, c’est très mal ! D’ailleurs la Cour des Comptes le souligne dans ses récents rapports : elle souhaiterait que le bétail diminue en quantité dans notre pays.

Mais sans vache rien dans le biberon, rien dans la faisselle, une campagne sans compagnes, et point de poésie dans la prairie !

Or, la belle à cornes nous est indispensable.

Attention, je n’aborde pas au rivage viandard et sanglant de la cuisine traditionnelle, même si par météo carnassière il est possible de saliver sur un onglet échalotes ou une entrecôte frites.

Non, je m’attarde seulement sur la voie lactée du problème et les sentiers sentimentaux qui s’y rattachent. Voyez-vous, quand je chemine entre plaine et alpages, entre littoral et prés salés, ou dans le bocage resserré, je parle toujours aux vaches. Je les aime.

Illustration 2
Vaches caméléons © Patrice Morel (octobre 2023)

Depuis tout môme je les aime.

Avant de partir à l’école, et avant les tartines beurrées, je me rendais chaque matin à la ferme voisine, celle du père Rivoire, avec mon bidon en alu, et mes gros godillots, parce que la bouse évidemment…

Parfois la traite n’était pas terminée et j’entrais dans l’étable : l’odeur de paille, d’urine et d’excrément me prenait à la gorge, mais ce n’était pas désagréable. La chaleur aussi me cueillait d’entrée, une moiteur réconfortante quand il faisait moins cinq ou moins dix en hiver. Et là, j’entendais de suite le bruit du lait qui giclait contre le métal du seau, le meuglement de la vache apaisée, le « bonjour p’tit » de la mère Rivoire assise sur son tabouret, en train de tirer sur les pis de la bestiole ; je restais debout pas loin, l’or blanc moussait dans la bassine, les doigts de la vieille pinçaient les tétines en rythme rapide et régulier, j’étais au spectacle !

Illustration 3
Moi, froid, jamais ! © Patrice Morel (Vercors novembre 2023)

L’ Adèle, puisque c’était son prénom, jouait une symphonie pastorale à toute vapeur, sa tête et son foulard penchés vers la mamelle, son tablier incurvé autour du récipient, « tu vois p’tit, ça va te faire une crème du tonnerre », et le concert durait encore cinq bonnes minutes histoire de purger la bête. Une buée rustique montait du fumier et du cuir des bovins alignés, un brouillard général baignait le lieu, la lueur faiblarde des ampoules perçait péniblement, on aurait dit un show des Bodin’s : c’était beau, c’était gratuit .

Donc oui j’aime les vaches !

Alors quand je les observe, passives et pensives, en négligé de peau, au bord du chemin, avec leur regard un peu vide mais bien ourlé, bien maquillé, je viens leur faire une causette, leur dire deux mots : tu vas cocotte ? Tu rumines ou tu fulmines ? La vie ça roule ? Y a eu pis non ? Bref je me marre, et parfois leur regard s’allume un peu, leur queue bat la mesure, leur mufle s’approche, je lance une caresse …

Illustration 4
Solitaire et montagnarde © Patrice Morel (Vercors, novembre 2023)

Je ne comprends pas que l’on s’en prenne au cheptel sous prétexte qu’il y a rejet de méthane dans l’atmosphère. Déjà que cet animal souffre d’une image négative très injuste ! Pourquoi dit-on « peau de vache », « coup en vache », « vacherie », « vache à lait », « amour vache », «il pleut comme vache qui pisse», «bouffer de la vache enragée», etc …

Que l’on s’oppose, et fortement, aux nouvelles fermes industrielles destinées à enfermer des centaines de bêtes qui ne verront jamais le pré, oui, absolument, car ça c’est dégueulasse.

Mais dans le même temps, laissons paisibles celles qui peuplent nos paysages et les transforment en poèmes vivants. Les premiers hommes l’avaient compris qui les peignaient en majesté dans les grottes aujourd’hui visitées de Dordogne, d’Ardèche, du Hoggar, du désert de Lybie, et d’ailleurs.

Illustration 5
Fin de journée, retour à la ferme © Patrice Morel (Vercors, novembre 2023)

Ah , la merveilleuse vache rouge à tête noire de Lascaux ! 15 000 ans de présence, et toutes ses cornes !

Dans l’Egypte antique les déesses Hathor et Nout étaient des vaches cosmiques. Et ne parlons pas de l’Inde où toute circulation s’arrête encore si une cornue s'endort au milieu de la route !

Alors mesdemoiselles et mesdames les ruminantes de race Aubrac, Villarde, Blonde d’Aquitaine, Tarentaise, Bretonne pie noire, Parthenaise, Charolaise, Limousine, Salers, Montbéliarde, Abondance, et les autres, s’il vous plaît meuglez tranquille, pétez, rotez à votre aise, continuez à nous faire de l’oeil, vous êtes bien plus utiles à l’avenir des générations que tous les puits et les barils de ces magnats caressés dans le sens du poil par les puissants de la planète. Meuh et remeuh !

Illustration 6
File de fessiers phénoménaux © Patrice Morel (Vercors, novembre 2023)

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