Chemin du 3 novembre 2021
Derniers feux

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Autour de moi, les feuilles tombent, le jaune passe au rouille, le vent charrie des nuées de suie. La montagne se dépouille. Elle entre dans ce temps incertain qui précède la première neige et les verglas soudains. J’avance sur un tapis ocre, pourpre et moelleux. Les grands arbres penchés en tunnel bienveillant, me rassurent : «pas grave petit, on va dormir un peu, se cailler les arpions, mais l’hiver est un pote à nous, une drogue utile, du CBD pour nos troncs qui poussent trop vite. Faut savoir ralentir kiki, maîtriser la croissance, y aller mollo, se refaire la cerise avant le printemps...»
C’est quand même chouette une écorce confidente et vénérable, qui apaise, calme et console !
Sauf que, dans mon casque audio, ce n’est pas le même refrain. Le flash info ouvre sur la COP 26 et souligne la tiédeur des encravatés de Glasgow. Là-haut, les dirigeants du monde, enfin ceux qui ont bien voulu se déplacer, font semblant de soigner la planète et, je suppose, préfèrent boire du single malt 16 ans d’âge.
COP 26 de mes deux , entourloupe et poudre aux yeux !

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Quand donc la jeunesse va-t-elle surgir et balayer ce foutoir intégral, soi-disant libéral ? Quand donc les peuples vont-il cesser de confier leur destinée à des tyrans, des Trump-la-mort, des criminels écologiques, des assassins en herbe ?
J’aurai soixante-dix balais le 23 décembre. La veille du miracle natal et de l’immatriculée conception ! C’est un long chemin pavé d’espoirs et d’utopies. J’ai toujours donné priorité à la qualité de vie. Longtemps j’ai espéré que les pionniers de l’écologie politique, et notamment mon regretté voisin savoyard Pierre Fournier qui alertait le pays toutes les semaines dans Charlie, seraient écoutés. Il hurlait ses mots sur le papier, il prédisait nos désastres actuels. C’était il y a un demi-siècle. Et toujours rien ! Alors, arriver en bout de course et se dire que derrière la banderole il n’y aura pas de bouquet, sinon peut-être nucléaire, c’est un brin décevant, non ?

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Une fois de plus, cette année, le père Noël sera donc une ordure. Pour mon entrée dans la septième décennie il pourrait faire un effort, vous ne croyez pas ? Mais non, il continuera de balancer du plastique dans les cheminées, il poursuivra son périple universel en avion cargo et porte-conteneurs, il trucidera de la dinde industrielle et du gibier d’élevage, il larguera des bombes glacées de chez Tricatel, il fera écrire sa pub et chanter sa communication par les esclaves de Bolloré, si bien qu’au final son bilan carbone explosera celui des usines chimiques de Monsanto et compagnie !

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Quand je vois la forêt flamboyante et les sommets accrochés par des nuages galopins, je sais bien qu’ils seront toujours là dans un siècle ou dans dix mille ans. Mais comment accepter sans gronder le suicide collectif d’une humanité trop docile, d’une communauté réduite aux aguets.
Se consoler en pleine nature, bien sûr ! C’est une réponse. J’essaie, toujours, tout le temps. Mais cet exercice quotidien, cet exorcisme à l’oxygène pur, me paraissent de plus en plus difficiles, de plus en plus vains, presque inutiles. Pendant les confinements récents, sous la pression du virus migratoire, dans le silence et la paix retrouvés, sans moteurs dans la vallée, sans avions dans l’azur, il était naïf et réjouissant de croire à des lendemains meilleurs.
Pauvres couillons que nous sommes !

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Nous en passerons probablement par les larmes et le sang avant de retrouver raison. Comme cette montagne d’automne qui pleure et jette ses derniers feux, s’éclate, écarlate et carmin, comme ces soldats de l’an vieux, effeuillés, meurtris, écorcés vifs, arme au pied et solides dans leur souche avant le grand sommeil, comme ces buissons d’églantine ou gratte-cul, qui piquent celui qui s’y frotte...
Partout le rouge est mis, alors merde, action !
Sinon nous rejoindrons l’hiver éternel et l’univers pétrifié du dessinateur Rochette. Oh, il y aura bien un ou deux «Transperceneige» pour conserver ovules et spermatos. Et puis la copulation reprendra, ce sera la COP 01, on se refera la cerise comme dit le hêtre, mon voisin branchu et branché !
Etre, ne plus être ? Telle est toujours la question !

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