Chemin du 6 août 2019
Alamo en Vercors

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Je suis arrivé au belvédère, balcon en arc de cercle fermé sur le vide par un garde-fou en béton. J’ai posé le vélo contre la rambarde, car ici tout le monde s’arrête. 75 ans après les événements, des cyclistes, des motards, des touristes venus de la France entière, et beaucoup d’étrangers, Allemands pour certains, stoppent leur élan, essaient de lire le paysage et tentent de comprendre ce qui s’est passé en ces lieux, se recueillent, parlent à voix basse, spontanément..
Le site reste tragique, prenant, magnifique. Comme si l’écoulement du temps renforçait le scénario écrit sur ce promontoire par une poignée d’hommes héroïques le 23 juillet 1944 .
Ce jour là, devant cette barrière définitive, acculés au précipice et trempés par les larmes incessantes d’un ciel catastrophé, sont morts Chabal et ses plus fidèles Chasseurs Alpins. Assiégés, coincés, attirant vers eux la puissance de feu allemande, écrasés de mortiers, déchirés par les balles de mitrailleuses, éventrés, la cervelle explosée...
Ils avaient choisi la mort en toute lucidité.

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Ce sacrifice autorisait le retrait du reste de la troupe, permettait le repli momentané des hommes traqués, jusque dans le plus profond des bois, au coeur de la vaste forêt d’épicéas, vers les entrailles vertes et rocailleuses du Vercors.
Dans son dernier message jeté rapidement sur une feuille de carnet et transmis aux hommes de la compagnie Prévost, le lieutenant Chabal avait écrit : "je suis presque encerclé, nous nous apprêtons à faire Sidi-Brahim. Vive la France".
Faire Sidi Brahim : remplir la mission en allant jusqu’au sacrifice suprême ! Il faut en avoir, hein, il faut se constituer une très haute, et très noble idée du patriotisme pour agir ainsi. Qu’aurions-nous fait, nous autres, à sa place ? Je me le demande souvent ...
Valchevrière, belvédère de la gloire . Où souffle en permanence un vent de liberté.

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Depuis cet endroit extraordinaire vous prenez un sentier descendant sous les grands arbres jusqu’au village en ruines. Dix minutes de marche tranquille et ce qui reste du hameau éclate sous vos yeux dans la lumière vive d’une clairière devenue lieu de mémoire. C’est un vrai coup de poing qui vous attend, semblable à celui qui vous coupe le souffle dans les décombres figés d’Oradour. Dans ces maisons squelettes de Valchevrière s’étaient installés les maquisards de la section Chabal, un peu comme les amis de Bowie, Travis et Crockett dans l’enceinte de la mission Alamo. C’est là qu’ils avaient attendu l’envahisseur, là qu’ils avaient organisé leur résistance, sans grand espoir de victoire, sous la pluie lessivante et dans le froid aigu de cette fin juillet 1944.

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Il s’agissait de freiner l’avancée des milliers de soldats allemands lancés à l’assaut du Vercors par le général Karl Pflaum, sorte de Santa Anna exaspéré et sans pitié, il fallait les empêcher de surgir au coeur du massif avec leurs artillerie, leurs mortiers, leur puissance de feu extrême, il était indispensable au-moins de ralentir ce rouleau compresseur et d’ouvrir des solutions de repli aux maquisards : combat à un contre dix, perdu d’avance !
Au terme de la journée du 23, fatale à Chabal sur le belvédère, les Allemands brûlèrent le village. De Valchevrière ne subsiste debout que la petite chapelle au bas de l’amphithéâtre. Le hameau est en morceaux. Ce sont des murs et des embrasures heureusement entretenus, sauvegardés, pareils à des momies, étonnamment émouvants.
Si vous passez dans le coin, arrêtez-vous à Valchevrière. Et dans la petite chapelle allez jeter deux mots sur le livre d’or placé sur l’autel, comme Chabal a jeté sa dernière phrase au nez des barbares . Vous n’oublierez jamais ce lieu.
https://www.vercors-tv.com/Le-6-juin-1944_v700.html
http://www.liberation.fr/…/20…/05/17/heros-du-plateau_479754
https://baladesenisere.wordpress.com/…/abel-chabal-martyr-…/

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