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Billet de blog 7 mars 2019

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Un cap, une péninsule !

Depuis 2013, je ramène quelques clichés de mes promenades en solo et les accompagne d’un petit texte que j’adresse à mes amis de Facebook. Modestement je tente d’arrêter l’horloge de la vie là où elle semble prendre du sens. Six ans après, j'ouvre ce blog sur Médiapart du haut de ma passerelle de commande, au-dessus des vagues, en plein dans les nuages...

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Chemin du 5 mars 2019

Un cap, une péninsule !

Illustration 1
Pointe de Dinan à Crozon (Finistère) © Patrice Morel ( janvier 2019)

Ce mercredi 6 mars 2019, dans les salles de cinéma, sort le film «Le mystère Henry Pick» réalisé par Rémi Bezançon, adapté du roman sympathique et éponyme de David Foenkinos. Vous y aimerez Fabrice Luchini évidemment, mais vous y découvrirez aussi les plages magiques, qui s’étirent de Morgat à Telgruc, du Fret à Landevennec, les landes désertes du cap de la Chèvre, les maisons portuaires de Camaret, les pointes escarpées de Pen Hir et du Toulinguet, le goulet de Brest.
Et vous aurez peut-être envie d’y faire un séjour !
Quoiqu’il en soit vous comprendrez pourquoi j’ai décidé de conduire ma barque ici, de jeter l’ancre à mille bornes des montagnes, de prendre vigie sur ce promontoire éloigné, à l’ouest, tout à l’ouest, là où finit le sol, là où commence le liquide.

Illustration 2
Les Tas de Pois (presqu'île de Crozon) © Patrice Morel (janvier 2019)


Je vous explique : quand j’ai arrêté le job, sur le coup de mes 61 balais, j’ai tourné en rond pendant trois à quatre mois. Normal, je voyais tellement de gens, je dévorais tellement de kilomètres, je m’abreuvais tellement d’images neuves, denses, colorées, chaque heure, chaque jour, chaque mois, qu’une fois assigné à résidence, privé d’étourdissements, d’éblouissements, d’émerveillements, et aussi d’énervements, j’ai morflé grave comme disent les rétrécis de la sémantique aujourd’hui.
(Tiens, au passage, en aparté, bien entre nous, je m’énerve gravement contre les utilisateurs du terme "grave" à tout bout de champ, et même mes confrères en viennent à banaliser le mot, le détourner, le trahir. Par exemple j’entends à la radio «trois blessés dont deux graves» ... Mais "punez" comme s'exclame parfois ma fille en sms, on ne dit pas blessés graves, on dit blessés grièvement atteints, ou trois blessés dont deux grièvement !  " Ah vindiou de vindiou, crénom de gu', mon pov'petit", comme s'indignent les purs Dauphinois avec l'accent de Saint-Marcellin, un peu de respect pour la langue de Molière ! )
Je poursuis : donc, une fois retraité, je tourne en rond chez moi tel un chien qui court après sa queue, excusez l’image. Un jour je m'interroge, je m'interpelle, je me hèle : "faut te secouer loustic, faut sortir du marasme petit, tu prends ta voiture et tu fais une virée en Bretagne. Vas respirer l'iode et boire un coup de chouchen chez les bonnets rouges !"
Chemin faisant ( hé, hé) je repère sur la toile une quarantaine de maisons à vendre, en bord de mer, et je prends rendez vous avec quelques agents immobiliers, comme ça pour avoir un but, sans intention réelle d’achat ...
Je choisis le Finistère parce que c’est moins cher que le Morbihan ou les Côtes d’Armor. Et plus sauvage, plus rude, plus sévère, plus austère.
Cela n’a pas duré longtemps : au deuxième jour de mon périple en armorique, paf ! L’illumination, la révélation, la foudre qui me tombe "grave" sur le paletot !

Illustration 3
Depuis ma vigie ... © (Patrice Morel, janvier 2019)


Musique s’il vous plaît, petit blues avec verre de cidre, et galette saucisse : j’aime bien les mélanges ...
La fille de l’agence m’amène devant une modeste mais harmonieuse bicoque en pierre, un penty breton, au-dessus des vagues, à portée d’Amérique, avec ivresse du large et tempêtes garanties.  Ni une, ni deux, elle me fait monter à l’étage, là où le regard porte vers Sein et Ar-Men, où derrière le Velux s'impose le vrai luxe, où la plage en forme de lune borde l'éternité bleue, je suis au septième ciel quoi, et de suite je prends pied, je prends mon pied, je tiens la barre, je donne des ordres, à babord toute, je lance les machines, je deviens le capitaine du navire, j’ai la casquette qui s’affole, la barbe qui pousse, je suis Haddock, solide à ma place, les jambes écart, ad hoc vous dis-je, planté au gouvernail, prêt au voyage, prêt à border, prêt à barder, et hop une bouteille de rhum !
Voilà, c’est aussi simple que cela ; c’est banal mais c’est ainsi que j’ai adopté cette terre du bout de l’hexagone, la presqu’île de Crozon. J’y ai découvert des sables longs et paisibles, des criques d’enfer et des falaises du vertige, des eaux calmes et turquoises, des marées sombres et furibardes, des ports de charme pour touristes amoureux et des quais de sueur pour marins courageux... J’espère que l’on retrouvera cela dans le film, et que le littéraire Luchini, acteur captant, catapultant, scandant les mots, n’éclipsera pas totalement la beauté de ce roc, de ce pic, de ce cap, que dis-je de cette péninsule !

Illustration 4
Plage de La Palue à Crozon © Patrice Morel (janvier 2019)

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