Chemin du 17 octobre 2018
On était fleur bleue ...

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Le truc pas bidon, en pays breton, c’est la floraison ! Que tu viennes à Noël, à Pâques ou à la Toussaint, les pétales s’étalent, le pistil et les épines pétulent, la palette s’enflamme, les parfums s’envoient en l’air, c’est du tonnerre !
De Brest à Morlaix, de Quimper à Plogoff, de Chateaulin à Camaret, il y a dopage à l’iode, à l’embrun, à la brume, et la flore minuscule ou majuscule prospère sans retenue, soutenue qu’elle est par un doudou très doux : le Gulf Stream.
Ce courant marin, très malin, réchauffe la poiscaille d’Iroise, et aussi nos arpions à l’été naturiste. Il transforme le littoral en bouquet mélangé, de Cornouaille et de ProvenceChemin du 17 octobre 2018, d’hortensias et de jasmin, courant chaud et courant d’Eire dont on nous dit qu’il pourrait un jour disparaître sous les coups de boutoir du réchauffement climatique. Le nez de la France en serait alors sur le cul, la pointe bretonne transformée en tarin glacé, en péninsule givrée, en pif congelé, en paf pétrifié, transi, raidi, pointe sèche, pointe à pitres, point d’espoir... Adieu sarrasin, adieu galettes de Pont Aven, finie la jouissance celtique, terminé le biniou en chaleur, oublié l’orgasme druidique, disparue la potion magique, hydromel ou liqueur de fraises de Plougastel !

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Dans un avenir terrible de fièvre et de gaz carbonique, de chimie et de pollution organique, ce genre d’augure pourrait fort bien se concrétiser.
Alors, il sera temps, évidemment, d’ouvrir l’album aux souvenirs, ou le disque dur d’un passé fleuri. Il faudra ressortir l’herbier béni et jauni, le cahier collé serré de nos moments heureux, quand la rose et le lilas faisaient l’amour sur les rives de l’Aulne ou de la Ria d’Etel, quand les immortelles d’or embaumaient de miel la lande d’Herlin et de Baluden, à Belle-Ile-en-mer, quand la bruyère et les chardons composaient un tapis mauve et piquant sur le Cap de la Chèvre, quand le camélia vernissé, l’agapanthe violette ou la Véronique bleue habillaient les pierres très vieilles du hameau de Kersiguénou, chez nous !
Ces fleurs de sel, ces couleurs et ces odeurs perpétuelles, sont en suspend, fragiles sur un fil, en équilibre difficile, luttant contre une adversité abrupte et impitoyable : la rapacité humaine. Il est des moments où la maladie sursoit, et provoque un afflux de beauté irrésistible, de senteurs indescriptibles, je crois que nous y sommes, hélas c’est souvent à deux doigts de la fin. Peut-on encore éloigner l’apocalypse ?

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