Chemin du 4 avril 2018
Voyage après la quarantaine ...

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J’ai ouvert la fenêtre et j’ai vu la montagne. Immédiatement j’ai pensé ce matin au «docteur Vertical», ce toubib, secouriste et guide de haute altitude, spécialiste des accidentés du roc et des gelures éternelles. Emmanuel Cauchy, 58 ans, a disparu pendant le week end pascal dans une avalanche près de Chamonix. Le massif des Aguilles Rouges a été son ultime rendez-vous avec la beauté. Pionnier de la médecine extrême, il avait encore soigné dernièrement les membres figés de la miraculée du Nanga Parbat, Elisabeth Revol. Docteur Vertical repose à l’horizontale.
Pourquoi cette quête perpétuelle des sommets enneigés ? Pourquoi ces sorties à hauts risques les matins de grande vidange blanche ?

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La même semaine sainte, un marin, expérimenté lui aussi, est tombé de son bateau, pour ne plus jamais y remonter. Il a disparu verticalement dans le Pacifique, à l’horizontale du Cap Horn. John Fisher, navigateur britannique de 47 ans participait à la Volvo Ocean Race, une course en équipage. Il a défait l’attache de son harnais de sécurité pour nettoyer une voile de portant. Il n’a pu être récupéré par ses coéquipiers.
Pourquoi cette quête perpétuelle des immensités liquides ? Pourquoi ces moments d’oubli sur des coques de noix ballotées comme des bouchons, loin des premiers rivages salutaires ?
Ce sont toujours les mêmes interrogations.

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J’ai l’impression qu’il y a parfois chez ces êtres hardis, mûrs, réfléchis, ayant vécu leur part d’aventures et de découvertes, comme un défi lancé à la grande faucheuse, un bras d’honneur exécuté à la face de cette emmerdeuse qui nous guette, qui ausculte notre physique, qui ricane de nos premières articulations douloureuses...
"Tenter le diable" dit l’expression consacrée ! Mais pourquoi pas ? A cet âge là, tout est permis. C’est la quarantaine hurlante, la cinquantaine déferlante, la soixantaine délirante, rien n’est foutu, le pire serait de garder raison et d’accepter l’impasse obscure sans rébellion.
Tenez, il y a cinq mois le breton Guy Bernardin, a été déclaré perdu en mer au large des côtes américaines : 73 ans ! Et il y a eu Tabarly, tombé de son bateau en face de l’Irlande : 67 ans. Et Tomasz Mackiewicz, le compagnon d’ascension d’Elisabteh Revol, 43 ans.
Pourquoi cette part de provocation, cette voie ouverte vers l’ultime voyage à l’âge où d’autres commencent à plier les gaules, à compter leurs points de retraite, à boire un whisky devant le feu en écoutant John Mayall .
Mince, c’est moi ça !
Alors j’ai refermé la fenêtre, j’ai regardé les premières lueurs du soleil sur les pentes immaculées de la Grande Moucherolle, et j’ai décidé d’aller au bourg ausculter les rayons de la petite librairie pour dénicher le dernier livre du docteur Vertical : «Médecin d’expé : survie au sommet» . Je crois qu’il est dans ce titre, le bras d’honneur dont je parle plus haut !

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