Chemin du 14 mars 2020
Fin du monde ...
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La terre se noie, l’eau ressort des sols, elle ne sait plus comment rejoindre les racines profondes.
Il pleut ! Presque tous les jours il pleut !
A l’extrême ouest du pays, dans le Finistère, cela dure depuis l’automne. Les Bretons qui ont pourtant le cuir tanné aux intempéries n’en reviennent pas. Ils font grise mine. Ils grognent leur humeur sombre dans le vent bruyant et la fureur des hallebardes célestes.
De collines herbeuses en dunes sableuses, de sentiers côtiers en vicinaux tortueux, de falaises sévères en plages circulaires, le littoral se sent mal, subit l’embollie, n’évacue plus grand chose, respire de la flotte, expire des larmes. Les hameaux charmants et épars du Cap de la Chèvre émergent péniblement d’une ouate dégoulinante. Les brumes pesantes et les vapeurs suintantes recouvrent un paysage laissé aux sorcières et aux korrigans.
Territoire de légendes dit-on. Sous les Monts d’Arrée. Sous le Roc’h Trevezel. Sous le Ménez Hom. Sous la chapelle de Brasparts.
Oui ! Le diable est aux affaires.
Depuis quelques mois, il pisse sa copie maléfique sur le sol d’Armor, comme un localier vicieux dégueule ses faits divers dans les colonnes d’un canard à désespoirs.
Le malin s’en donne à coeur joie, s’épanche, s’ébroue, se secoue, crache, urine, défèque, brise le bois, envole le fer, administre les tempêtes, gère l’arc-en-ciel et la cruelle éclaircie, déchaîne la vague, assomme le roc, blanchit l’océan, rend dingue la marée, il a des naseaux d’écume et la goule dégobillante !
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Nous sommes au bout du continent et cela se sent. Les colères ont du relief, elles avancent en légions, et si ce n’est encore le déluge biblique, on s’en rapproche !
Dans le hangar mitoyen, résonnent les coups de marteau, et les clous se plaignent : Noé a sorti la boîte à outils. Il est à l’attaque, il rassemble les troncs, rabote et transperce le chêne, l’arche se construit, combien de marins, combien de capitaines, combien d’animaux dans la bétaillère de survie ?
A peine le temps d’estimer l’affluence que, vlan, sans prévenir, tombe des nues un ovni baptisé Ovid, un virus affublé du chiffre 19, sorti d’Asie mais immatriculé en Corrèze, un microbe aux yeux bridés mais avec la tête de François Hollande : tous aux abris , tous à la cave, tous au bunker !
Allez, finalement, on n’est pas si mal dans cette pointe bretonne inondée, sauvage, et peu accessible. Confins rassurants, avant l’heure du confinement général. Désert de bord de mer. Surplomb d’infini. Nature délavée, nettoyée, balayée, aspirée, récurée, si loin du caniveau urbain et des rats sortis du pavé. Tiens, je vais me relire du Camus sous le menhir de Lostmarc’h : «La Peste», ça devrait le faire, non ?
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Et bien oui mesdames et messieurs cela pue la fin du monde. Ou plutôt la fin d’un monde. Celui de l’esclavage cinq étoiles, de la soumission aux marchands du temple, de l’indifférence aux crève-la-faim, de l’absolue nécessité d’avoir du PQ pour faire propre sur soi, alors que le papier journal, hein, le papier journal et l’encre des rotatives imprimée dans le sillon fessier, c’était plutôt sympa non, comme la cabane au fond du jardin, et le trou dans la planche de guingois... Hé, hé, hé !
Aujourd’hui c’est la planche à billets qu’il va falloir utiliser pour torcher une planète dégueulasse après deux siècles de diarrhée industrielle !
«Mais nom de Dieu de bordel de merde», comme disait le mariole Marielle à Pont Aven, quel cul que d’être à l’isolement marin, et quelle jouissance que cette fessée monstrueuse administrée aux pantins de la mondialisation à outrance .
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