Chemin du 15 octobre 2020
En terre Cheyenne ...

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Il y a parfois des mots qui se généralisent et s’imposent comme des sésames, des termes que l’on utilise sans y réfléchir, par facilité, parce qu’ils viennent sur la langue sans difficulté, des expressions qui débarquent et s’installent on ne sait trop comment ni pourquoi, et que l’on finit par entendre à tout bout de champ.
Les champs, justement, la ruralité, la France d’en bas soi-disant, et même la France des grandes cités régionales, on la ramène aujourd’hui, mille fois par jour, à ce vocable large et suffisant, condescendant : LES TERRITOIRES !
Immanquablement les politiciens, les journalistes, les commentateurs de l’actualité française emploient à la pelle ce mot global pour dire la France, mais pas Paris !

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Comme si dans les régions, les départements, les cantons, les communes, les gens vivaient au coeur de zones particulières, enfermés dans des réserves d’indiens, respirant un air différent, subsistant dans des espaces lointains, ensauvagés .
Comme s’il y avait une ville phare, et des secteurs périphériques plus ou moins obscurs, crépusculaires.
Comme si le nombril de l’hexagone se trouvait en bord de Seine, et le corps du macchabée près de la fosse mortuaire.
Comme s’il fallait remplacer le désuet et marginalisant «province» par une dénomination moins vieillotte et moins clivante.
En fait c’est pire ! Le nouveau monde veut se pencher sur la vie des Français, et s’englue dans une rhétorique d’énarque sans humanité.

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Alors, depuis des mois et des mois, quand j’entends le mot «territoires» je sors franchement mon humeur noire.
Et je ne suis pas le seul apparemment. Dimanche soir, dans le journal de Delahousse, Francis Cabrel était l’invité du beau gosse. Ce dernier lui a parlé d’Astaffort évidemment, et a enchaîné sur les «territoires». Dans l’instant, le chanteur du Lot et Garonne a réagi et décliné sans fioriture l’expression.
Pan sur le bec de Kent !
Il a raison Cabrel. On n’est pas des ..... Quand même !
Que voulez-vous, je suis comme ça. Brut de décoffrage. «Territoires» fait surgir dans mon esprit l’image des Cheyennes ou des Apaches relégués dans leurs ghettos stériles, ou encore la vision des jeunes Palestiniens sous vigilance israélienne dans les «territoires occupés».
On ne se refait pas. Chez moi, c’est instantané. Peut-être suis-je trop à cheval sur le discours jacobin du moment, mais si je monte sur mes grands bourrins comme Géronimo, c’est que quelque part on m’y contraint, non ?

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Allez, je me calme, je sors le calumet de la paix, je bois ma potion magique : la santé par les plantes, toujours ! Nous sommes mi-octobre. La nature se referme. J’écarte les peaux de bison et je regarde la montagne. Il y a du brouillard. Il fait froid. L’été indien justement éclate dans les feuillages. Il me faut descendre au village acheter la pitance journalière, je vais sortir du tipi, prendre mon tomahawk, on ne sait jamais, il pourrait y avoir un vilain visage pâle sur ma piste, j’embrasserai ma squaw, je chevaucherai mon étalon blanc, j’irai signaler ma présence au shérif, je lui tendrai mon attestation signée d’une croix, il me regardera salement, je m’écraserai mollement, évidemment, puisque je suis confiné dans mon territoire !

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