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Billet de blog 17 mars 2019

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Les griffeurs de nuages

Je n'aime pas trop le mois de mars en montagne. C'est une période délavée. Mais il y a toujours les arbres, mes compagnons, et notament les feuillus qui s'accrochent à l'éternité ...

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Chemin du 25 mars 2018

Les griffeurs de nuages

Illustration 1
© Patrice Morel (mars 2018)

Mars, en moyenne montagne, n’est pas un mois de vraie beauté et d’émois.
Aidez-moi !
Il me faut trouver les mots pour dire la fonte, la bouillasse, l’herbe jaune, la glue qui colle aux godillots, le peu de neige sale accrochée aux racines, bref mission difficile, envie de démission .
Mars, en moyenne altitude, vaut par les éclaircies rares et soudaines qui allument la chape grise, comme un espoir de primavera fleurie : on attend les crocus, mais sur le moment on est cocu ! Rien dans la mousse des talus, pas une tâche mauve, rien sous les feuilles devant les brodequins, nul éclair blanc, que de la tristesse en décomposition.
Mars n’est pas un Dieu de paix. J’en lève les yeux au ciel !
Et là, révélation, stupéfaction, admiration, inspiration, immobilisation .
Au-dessus de ma crinière disparate une autre tignasse a disparu : celle des feuillus, celle de l’immense futaie de fayards, celle des arbres moins chanceux que le sapin, l’épicéa ou le pin sylvestre, celle des écorces anonymes qui perdent plumage à l’entrée de novembre pour vivre, au crochet des brouillards, un hiver de patience.

Illustration 2


La «grande chevelure» , comme la nomme mon amie Lydia, s’est envolée sous la tondeuse du barbier de sévices, monstre invisible qui rase gratis aux premiers frimas.
Je sais, un brin désuet le mot frimas, et pas très djeune sur les réseaux sociaux, mais je l’aime bien . Il vous a un petit côté Théophile Gauthier qui ramène au pupitre en bois et à l’encre violette ...
Donc je regarde vers le haut, et l’évidence me tombe sur la tonsure. Je sors l’iPhone 4 ... Oui, oui je vous entends, pas très récent le 4, mais je l’aime bien, et vous savez ce que je vous dis, rien : je plante simplement un décor pour vieilles branches mélancoliques ou juvéniles ramures que le fantastique et l’au-delà fascinent, un tableau de monstres endormis, de squelettes dressés vers l’orage, de spectres efflanqués cherchant l’azur.
Ce sont des aspirants à l’éternité. Des griffeurs de nuages. Je les ai rencontrés ce samedi 24 mars sur les hauteurs du Peuil, hameau du Vercors, à la porte de la grande forêt désespérée. Ils jettent leurs bras décharnés vers l’oxygène rare. Mais au fond de leurs troncs d’hibernants ils savent parfaitement que leur appel sera entendu, que renaîtra bientôt la toison gaillarde, vigoureuse et chlorophyllée, car Théophile l’a dit et l’a écrit :
«Tandis qu’à leurs oeuvres perverses
Les hommes courent haletants
Mars qui rit, malgré les averses,
Prépare en secret le printemps . »

Illustration 3
© Patrice Morel (mars 2018)

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