Et le ciel s'assombrit ...

Chemin du 20 décembre 2023

Et le ciel s’assombrit …

Je me promène souvent dans la neige de décembre, quand il y en a, ou qu’il en reste, à l’heure bleue, entre chien et loup, par un froid de canard, une bise piquante,  un air glacé brûlant les pommettes. C’est une manière de sentir la vie qui bat en soi, la liberté aussi parce que personne ne me conteste ce droit d’errance montagnarde. 

Vivre libre c’est pouvoir ainsi, sans barrières, aller où je veux, où vibre la nature, où se concrétise la poésie de l’existence. C’est une chance que tout le monde n’a pas. Un vrai privilège aujourd’hui parce que notre société dite civilisée ne tolère plus autant d’affranchissement, parce que nos dirigeants ne voient plus la misère et l’exclusion qui les entourent et la renforcent à coups de lois indignes, parce qu’ils disent que pour être libre il faut absolument travailler. Travail , famille, etc ….

Ce 19 décembre 2023, ils ont mis une sorte d’étoile jaune dans le sapin de Noël, mais pas tout en haut, non, une étoile bien cachée sous des feuillets législatifs honteux et bien cracras, une étoile de haine comme celle que Pétain et ses sbires ont accepté de l’envahisseur pour une partie du peuple de France il y a 80 ans.

On me dira que la comparaison est inappropriée, hors du contexte, au mieux hardie. Non, elle est juste. Pourquoi ? Parce que dans les deux cas l’étranger est officiellement, légalement, de manière institutionnelle devenu un bouc émissaire. L’étranger, dans la loi, est désormais suspect. Même l’étudiant étranger qui va devoir payer une caution avant de venir en France ! Et l’étranger va devoir apprendre la langue française illico sous peine de renvoi à la maison. Moi je connais des entraineurs de football étrangers qui ne parlent pas un mot de Français et qui gagnent des millions dans notre pays depuis des années ! Je ne crois pas qu’eux seront renvoyés. 

Nous somme donc entrés dans le domaine du deux poids deux mesures. Le préfet sera l’homme du choix, celui du pouce levé ou abaissé. Ben merde alors ! C’est ça la France ?

Quand la montagne fait naître dans le coeur du promeneur que je suis des enthousiasmes existentiels, et des flots de lyrisme, j’ai peine à imaginer qu’en assemblée nationale, au coeur d’une capitale soit disant phare de l’Europe, des bouffons au cul bordé de graisse, au ventre gavé du foie gras de la cantine parlementaire, puissent abîmer, raboter, bouleverser une Constitution exemplaire créée par d’autres montagnards, enthousiastes, et lyriques, il y a deux siècles et des broutilles. 

Ce matin, je ne voyais plus le paysage de la même manière. Comme si je me trouvais sur une terre enlaidie, à la merci d’événements lourds, inquiétants et proches. Des hommes jeunes, en costards trois pièces, à la chevelure gominée, à l’assurance hautaine et méprisante surgissaient dans mes chemins de traverse. Derrière un hêtre centenaire, un président de la République pactisait avec une femme à cheveux jaunes. Je ne rêvais pas. Je marchais dans les bois. Et les trolls identitaires du réseau forestier bondissaient de tous côtés. Brrrrrr , pire que l’océan sombre sous les yeux de Victor, l’exilé de Jersey !

Allons, voyons, du calme ! L’environnement est changeant et il faut espérer que la nature morte de ce décembre sinistre évoluera vers un impressionnisme lumineux. 

En attendant, je me demande ce que va devenir Issam …. 

Issam est un jeune Syrien qui a quitté sa famille et la guerre pour franchir pendant des mois les frontières puis arriver en France, dans mon village. Il est aujourd’hui boulanger et heureux de son travail. Mais je ne sais pas s’il a des papiers en règle. Nous lui avons fourni un matelas pour des nuits plus confortables dans son petit studio. D’autres l’aident au quotidien. Il fait un pain excellent chez un maître boulanger qui ne tarit pas d’éloges sur ce môme courageux.  Issam est-il sous le coup de la loi du 19 décembre ? Va-t-il devoir entamer un parcours du combattant pour rester dans nos montagnes ?  Je l’ignore encore. Ce que je sais, c’est que d’autres combattant, sont chez lui, là-bas, et tyrannisent le peuple.  

Combien d’Issam en France ? Combien de néo-pétainistes aussi ? Que disait Lucie Aubrac au fait ? Ah oui : « le racisme est la pire plaie de l’humanité. Il triomphe quand on laisse le fascisme prendre le pouvoir » .

Réveillons nous !