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Billet de blog 27 avril 2023

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Marée basse

Autant de manifestations, autant de répression, autant d'espoirs et de déceptions... J'ai le coeur qui flanche et le moral sur la quille !

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Chemin du 27 avril 2023

Marée basse

Illustration 1
© Patrice Morel (avril 2023)

Les lendemains de conflits sociaux sont parfois très amers. C’est le cas en ce moment. Ne pas être écouté, se sentir méprisé, respirer un air d’arbitraire, se plier à une autorité dévoyée, voir son pays gouverné par des médiocres, et filer droit vers un extrémisme qui attend son heure : cela donne la nausée.

Aujourd’hui j’ai vraiment le coeur à marée basse. J’éprouve le même dégoût qu’en juin 68, quand la police reprenait l’Odéon et mettait fin au sursaut de vie qui nous avait emporté face à la gouvernance moribonde du vieux général.

Oh, il n’était pas méprisable l’homme du 18 juin, bien au contraire. On l’avait admiré, et on l’admire encore, mais franchement, il avait fait son temps. Il l’avait bien compris d’ailleurs et son référendum suicide de 1969 n’était qu’une manière de s’en aller dignement, chapeau l’artiste !

Illustration 2
En attendant le flux © Patrice Morel (avril 2023)

Ce ne sera probablement pas le cas avec le petit banquier poudré qui nous regarde d’en haut, et dont la morgue affichée, l’orgueil déplacé, justifient tous les concerts de casseroles qui résonnent dans l’hexagone. Lui n’a rien d’un artiste et tout d’un politicien de pacotille. Il ira jusqu’au bout de son aveuglement. Il marquera l’histoire, oui, mais comme l’homme qui aura donné les clefs de l’Elysée à Marine Le Pen.

J’espère me tromper.

En attendant, quitte à souffrir de déprime profonde, autant s’évader et emprunter la diagonale ascendante me conduisant aux limites celtiques, iodées et ventées, de notre France maltraitée.

Là au-moins, dans les ports du Finistère, ou des Côtes d’Armor, sur les sables du Morbihan ou sur celui des îles du Ponant, la marée basse est splendeur : grise, brune, ocre, azur, turquoise ; elle sent fort, puissamment même, par grand coefficient, mais moi je trouve qu’elle cocotte très bon. Elle exhale l’algue fermentée et le plancton en décomposition, la vase, le sel et les coquillages béants, elle ouvre sur un horizon très large et chargé d’imaginaire.

Illustration 3
Pleumeur Bodou, grande marée © Patrice Morel (avril 2023)

On a tous besoin de rêver, de voir plus loin.

« L’imagination au pouvoir » racontaient nos murs de mai.

Hélas, on n’a pas beaucoup progressé depuis.

« Métro, boulot, caveau » récitent les murs d’avril 2023.

Où en est-elle notre vie ? Et notre idéalisme, que devient-il ? Sur quels océans naviguent nos espoirs de Français et nos utopies d’Européens aujourd’hui ? Le lointain est bouché. Chez nous, Il n’y a qu’un point de vue, celui d’un homme qui se prend pour un souverain, mais dont la Cour est déjà en repli, à la recherche de bouées auxquelles s’accrocher.

Que disait la chanson, rappelez - moi … Ah oui :

« Etre né sous l'signe de l'hexagone

C'est vraiment pas une sinécure

Et le roi des cons, sur son trône

Il est français, ça j'en suis sûr »

Illustration 4
Retraitée mal en point © Patrice Morel (avril 2023)

Pendant ce temps la boule bleue flambe, les tyrannies se multiplient, le fric va au fric, la haine fertilise les réseaux sociaux, la jeunesse prend un sérieux coup de vieux.

Que faire ?

Moi, je suis en Bretagne et je regarde la mer.

A 70 printemps, l’impasse est plutôt physique que spirituelle. On touche aux limites et le miroir n’est pas très sympa. Il serait possible de tout ignorer, de se fermer comme une huître, de s’accrocher à sa pension comme une bernique, en fermant les esgourdes. Mais non, l’inquiétude se cristallise autour des marmots, des petiots, des loustics, des « gones » comme on les appelle dans ma région de naissance. On ne peut plus leur promettre beautés et merveilles.

Alors ils viennent s’asseoir, et ils regardent la mer eux aussi . A côté de moi.

Illustration 5
Attendre son heure... © Patrice Morel (avril 2023)

En face, à bâbord, l’île de Sein et son grand phare qui porte loin le soir, avec ses quatre éclats blancs. Il a été construit en 1951. Il a donc mon âge. Un conscrit, comme on dit encore dans certaines campagnes. C’est rassurant un phare. Quand au milieu de la nuit tu te lèves pour un pipi nécessaire et que tu aperçois ce feu sur l’océan tu te sens accompagné, en sécurité, même si depuis longtemps la lampe est automatisée, seule, sans gardien.

Il faudrait de vrais phares à la France !

Ces derniers jours, les grandes marées ont laissé sur la quille, de nombreuses embarcations. Tout comme ces grands flux revendicatifs d’avril qui nous plantent là, sur le flanc. D’accord, il y aura un autre grand coefficient de colère le premier mai, mais ce sera comme pisser dans l’Atlantique. Et puis, le muguet c’est festif, pas tellement fleur de querelle ou de combat, ça se brandit mal, ça penche comme les barques à l’abandon. Le muguet c’est gai, et moi je suis triste.

Il y a quelque chose qui cloche …

Illustration 6
Le coeur et la couleur à marée basse ... © Patrice Morel (avril 2023)

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