Dans le Landerneau culturel ...

Chemin du 19 octobre 2018

Dans le Landerneau culturel ....

Landerneau ! Très connu. Mais mal situé par la plupart des gens. En Bretagne c’est sûr.
Très connu pour l’expression populaire «ça va faire du bruit dans le Landerneau». Elle remonterait au 18ème siècle. Son origine est discutée : pour certains il s’agirait du canon de la forteresse de Brest qui tonnait lors d’une évasion de prisonnier et prévenait la population, une bombarde que l’on entendait jusqu’à Landerneau ; pour d’autres elle évoquerait le charivari fait sous les fenêtres d’une veuve locale remariée trop tôt ; ou encore elle renverrait à une pièce de théâtre, «les Héritiers», de l’auteur breton Alexandre Duval, donnée à Paris en 1796, et au cours de laquelle un personnage s’exclame «sa mort a fait du bruit dans le Landerneau»....
Bref, Landerneau existe bel et bien. Ce n’est pas qu’une expression. J’en reviens.

Ce gros bourg de 15 000 âmes est posé à l’embouchure de l’Elorn, un fleuve côtier qui permet aux habitants de sentir les marées montantes et descendantes et à la municipalité de posséder un port sympathique entre rivière et océan.
Mais Landerneau est aussi la base commerciale historique d’un petit gars prénommé Edouard qui avait des idées. Cet épicier futé ouvre au début des années 50 le premier centre distributeur à prix cassés de France dans l’ancien couvent des Capucins de la ville. On connait la suite, et la saga déferlante des magasins Leclerc.

Aujourd’hui, le fils, Michel Edouard, et son épouse Hélène, ont fait de Landerneau un lieu culturel où l’on se presse régulièrement. Dans le couvent restauré, ils ont remplacé le premier centre commercial du papa par une galerie d’art spacieuse, à l’architecture légère, éclairée, où les expositions prestigieuses se succèdent depuis 2012, tout au long de l’année, sur 1200 m2 de surface.
Après Dubuffet, Giacometti, Chagall, Picasso et bien d’autres, le Fonds Hélène et Edouard leclerc pour la culture accueille actuellement (octobre 2018) les sculptures et dessins de l’artiste britannique Henry Moore.

Que dire ? Des dizaines de milliers de visiteurs et de scolaires viennent faire leurs courses spirituelles dans ce magasin splendide. C’est gratuit pour les jeunes. Pas besoin de caddie, pas de Coca Cola dans la boutique, rien que du beau, rien que l’art à portée du plus grand nombre. La zénitude du lieu, la sobriété des couleurs, la clarté sous charpente, incitent à la détente, à la dégustation esthétique, à la jouissance sans retenue. Jusqu’aux formes rondes et voluptueuses des allongées de Moore qui renvoient à une éducation sexuelle douce, platonique et voluptueuse, bien à l’opposé du déferlement pornographique numérique actuel.
En somme, au coeur d’une ruralité que l’on dit fracturée, isolée, éloignée, voici proposée une épicerie cérébrale de luxe, un Bon Marché de la culture, un centre distributeur de bonheur, une galerie des grâces à prix discount, un nouveau temple des Lumières avec ses chefs d’oeuvre en tête de gondole. Franchement, chapeau Edouard, on en veut Moore and more !