Ils racontent les tensions qui montent entre les murs, l’incertitude, leurs questions qui restent sans réponse, les téléphones qui sonnent dans le vide… Nous les conseillons, répondons à leurs questions, les orientons. Si leurs inquiétudes se ressemblent, leurs mots, venus de toute la France, illustrent les situations spécifiques à chaque établissement, à chaque juridiction. Ils évoluent quotidiennement, suivant les annonces nationales et les nouvelles dispositions prises. Nous avons décidé d’en rendre compte dans un journal, que nous publions ici chaque semaine.
NB : Nous reproduisons ici une sélection des appels reçus. Il ne s'agit pas d'un compte-rendu exhaustif.
- Pour plus de détails sur la situation nationale et les différentes annonces, voir notre page dédiée.
- Lire le journal d'appels des semaines précédentes.
10 avril 2020
Appel de la femme d’un détenu de Fleury : « Il y est depuis deux mois, et il doit sortir fin septembre. Ces derniers jours, au SPIP, j’ai eu quatre interlocuteurs différents : trois m’ont dit qu’il pourrait sortir en juin grâce aux remises de peine exceptionnelles, et le quatrième m’a dit que ces remises de peine n’étaient pas encore mises en place donc que sa sortie restait bien prévue en septembre. Mon mari a de l’asthme et de gros problèmes de santé à cause du stress. Comment le faire sortir ? Comment savoir ? »
Appel de la compagne d’un détenu : « Mon compagnon est indigent. Il reçoit donc 20€ chaque mois. À la mi-mars a reçu 40€ supplémentaires correspondants au crédit exceptionnel pour le téléphone. Mais pour avril, n’a toujours rien reçu sur son compte. Il en a besoin pour cantiner son tabac. La directrice lui a dit qu’il devrait attendre le 23 avril pour recevoir son virement. Comment faire pour qu’il reçoive au plus tôt au moins ses 20 euros d’indigence pour son tabac ? Par ailleurs, sa fin de peine est en 2024, mais il est permissionnable que depuis fin 2019. Il a constitué un dossier de demande d’aménagement de peine très bien ficelé, avec un logement, et une promesse d’embauche en vue. Mais c’était dans le domaine des assurances, avec la crise sanitaire il y a moins de sinistres, des agences ont dû fermer, j’ai peur que ça fragilise son dossier… »
Appel de la compagne d’un détenu : « Il paraît qu’il a déposé son linge sale à la blanchisserie de la prison en début de semaine dernière mais qu’il n’a jamais pu le récupérer : on lui dit qu’il a été perdu. Comment faire pour qu’il le récupère, ou au moins que je puisse lui en apporter du nouveau ? »
Appel de la compagne d’un détenu de La-Roche-sur-Yon : « Il y a de gros problèmes d’hygiène. Le personnel ne porte ni masque, ni gants, les cantiniers non plus. Les bacs de nourriture ne sont pas couverts et sont donc trimballés à l’air libre. Les portions de nourriture sont restreintes, et lorsque mon conjoint demande un peu de rab, on lui répond “tu as ce que tu as et rien d’autre”. Là-bas, depuis les ordonnances de la ministre, il y a eu pas mal de libérations. Mon conjoint est là pour défaut de permis, il répond aux critères pour une libération anticipée, on a vite envoyé un dossier, mais il est toujours là-bas… »
Appelle d’un détenu de Coutances (cf. 7 avril) : « Ici, c’est une maison d’arrêt atypique, car il n’y a que neuf cellules pour quarante détenus, en ce moment. On est par douze, par dix ou par six en cellule. Moi je suis dans la plus petite, où on est deux ou trois. Si un détenu venait à être contaminé, on devra lui laisser notre cellule puisque c’est la plus petite et qu’il y a une douche. Actuellement, il y a un cas suspect, il est isolé dans une cellule pour une personne, mais sans douche. Ici il n’y a plus de nouveaux arrivants, la prison est trop petite, ce serait trop risqué. Le personnel est doté de masques et de gants mais ils ne les portent pas tout le temps. Le jour de livraison des cantines a été décalé du mardi au vendredi, du coup pendant dix jours on n’a pas eu de cantines. L’eau du robinet n’est pas buvable, il y a beaucoup de résidu et on n’a pas de filtre : on l’utilise seulement pour le café. »
Appel d’un proche d’un détenu des Baumettes : « J’ai le fils d’un ami qui est en préventive depuis plus d’un an. On a entendu parler d’un plan de libération des prévenus, avec le Covid. C’est vrai ? »
Message du neveu d’un détenu : « Sa peine finit en 2020 mais il a déjà fait plus de la moitié de sa peine, il a un bon comportement, il travaille. Il a presque 50 ans, sa santé empire de jour en jour, il prend des médicaments pour le cœur plusieurs fois par jour et la nuit il dort avec un appareil, le médecin a même déclaré qu’il ne pouvait plus travailler. Est-ce qu’avec le Covid-19 et sa mauvaise santé je peux demander des mesures spéciales ? Il est comme un père pour moi, il pourrait venir chez moi. J’habite à côté de la gendarmerie, je ne sais pas si ça peut aider… Je ne sais pas quoi faire. »
9 avril
Appel d’un détenu de Fleury-Mérogis : « Je bénéficie d’une sortie anticipée grâce au Covid, je viens d’apprendre que je sortais dans trois jours. Mais j’habite à 800 km de Fleury, et je n’ai pas un sou pour un billet de train ! J’ai écrit au CPIP pour demander une aide mais je n’ai pas de réponse, et personne ne peut me renseigner ici… »
Appel du frère d’un détenu de la Santé [il a des sanglots dans la voix] : « J’ai envoyé une carte postale à mon frère avec mon numéro de téléphone dessus pour qu’il puisse m’appeler, mais je n’ai pas de nouvelles. Comment savoir si la carte est bien arrivée ? Je suis très inquiet, j’espère qu’il va bien… Je regrette de ne pas avoir été plus présent pour lui, avec le Covid j’ai tellement peur que l’un de nous meure sans que l’on ait pu se revoir. »
Message de la compagne d’un détenu de Bois d’Arcy : « Je suis malentendante, je ne peux pas téléphoner, alors je communique par SMS. Mon conjoint est sourd aussi, on ne peut pas s’appeler, et les parloirs sont suspendus. C'est très très dur, avec nos surdités. Nous avons deux petits garçons qui ont besoin de voir leur papa. Mon conjoint devrait terminer sa peine en juin. Beaucoup de détenus ont pu sortir à cause du conoravirus, je me demande pourquoi lui ne pourrait pas rentrer à la maison. Comme il est sourd, il doit être noyé, ne rien comprendre et ne communiquer avec personne… Je m'inquiète tellement, comment faire ? »
Appel d’un détenu de Villepinte (qui appelle régulièrement ces derniers temps) : « On ne nous dit rien, on a peur de crever. Ici il y a un nouveau cas possible de Covid chez un détenu qui était auxi. Il a été emmené on ne sait pas où, en confinement, à l’hôpital, personne ne veut nous dire… Mon codétenu se plaint d’avoir très mal à la tête. Aujourd’hui, on a appelé les surveillants pour qu’il voie l’unité sanitaire, mais on nous a dit qu’il devait écrire, et que de toute façon ce ne serait pas avant mardi ! »
Appel d’un détenu en semi-liberté à Grenoble : « Il me restait trois mois à faire, mais j’ai été assigné à domicile à cause du Covid. Et là je viens d’apprendre que ma peine était suspendue le temps du confinement, mais que je devrais ensuite retourner au centre de semi-liberté pour finir ses trois mois. Sauf que je ne suis pas sûr d’avoir encore un boulot à la fin du confinement, et sans boulot, j’ai peur de ne pas être accepté en semi et d’être renvoyé en détention normale. Est-ce que je peux contester cette suspension de peine et avoir un autre aménagement ? »
Appel hebdomadaire d’un détenu de Nantes : « Je suis confiné au quartier arrivants pour suspicion de Covid. Ici, l’unité sanitaire passe tous les jours pour prendre la température et relever le taux d’oxygène dans le sang de chaque détenu. Auxis et surveillants portent des masques. L’administration censure les journaux, par exemple certains qui ont des articles sur le Covid et la prison, ou celui qui parlait du détenu mort dans l’incendie de sa cellule – celui-ci n’a pas été distribué. On a bien reçu le crédit de 40 € pour le téléphone mais au début, c’était compliqué car tous les détenus voulaient appeler, alors qu’il n’y avait qu’une cabine par étage. Je ne sais pas comment ils se sont débrouillés mais en trois jours, ils ont fait installer le téléphone dans les cellules ! Maintenant c’est mieux. »
Appel de la part d’une détenue de Rennes (cf. 7 et 8 avril) : « Elle ne peut plus vous appeler directement car elle n’a plus de crédit téléphonique. En plus, avec le Covid et la suppression des parloirs, il y a énormément de demandes de détenues pour le téléphone, du coup l’administration a restreint les horaires et la durée de appels. Avez-vous eu des réponses concernant ses démarches ? »
Appel d’un détenu de Bedenac : « Je suis confiné car suspecté d’être infecté. Mais on ne nous donne aucun produit d’hygiène, je n’ai même pas de savonnette ! »
Appel d’un détenu : « Ça ne va pas bien, je suis en détresse. J’ai de gros problèmes de santé, aux poumons, j’ai déjà été hospitalisé trois fois, et je suis sous Ventoline. J’ai des certificats médicaux pour avoir une couverture et des draps spéciaux, mais ici on me les refuse. Plusieurs fois, j’ai dit que je n’étais pas bien et que j’avais du mal à respirer… À mon arrivée ici il y a deux mois je suis resté deux jours privé de Ventoline et de mes autres médicaments. Mes produits d’hygiène ont également été confisqués quand je suis arrivé, parce que je ne les avais pas cantinés ici. »
Message d’un proche de détenus de Châlons-en-Champagne : « J’ai à ce jour le témoignage de sept détenus m’indiquant que leurs conditions de détentions sont insoutenables. Ils m’ont tous fait part du non-respect du port du masque par les surveillants. Leurs douches, trois fois par semaine, se déroulent au milieu des moisissures, et aucun nettoyage des parties communes n’est fait. Les promenades sont effectuées par groupes de trente ou quarante détenus, dont des malades. Depuis les mesures prises par la ministre, il n’y a eu que très peu de sorties, et ils sont trois, voire six par cellule, ce qui ne permet pas de se prémunir contre le virus. »
Appel d’un détenu de Niort : « On nous dit de bien nettoyer les cellules, de bien nous laver et d’aérer souvent, mais la fenêtre de la cellule est en hauteur et on ne peut pas l’ouvrir. Je suis indigent, je n’ai pas de gant de toilette et qu’une toute petite serviette. Les seuls produits donnés par l’administration sont une dose de Javel diluée par mois, du produit vaisselle, de la lessive pour le linge et une petite savonnette. Aux repas, on ne nous donne plus de fruits et légumes frais car ça coûterait trop cher. Hier, pendant la promenade, des détenus nous ont balancé de l’urine dessus par la fenêtre. J’ai demandé à pouvoir prendre une douche mais le surveillant a refusé car ce n’était pas le jour de la douche : “Tu n’as qu’à te laver en cellule.” Et en cuisine, les détenus qui préparent les repas le font souvent sans porter gants et masques. On a peur. »
Appel de la grand-mère d’un détenu : « Mon petit-fils est passé en commission de discipline car lors d’une fouille de sa cellule, ils ont trouvé de la levure pour gâteaux et du papier aluminium – ça c’est moi qui lui ai apporté au parloir, parce qu’il aime faire des gâteaux – un câble de téléphone, trois cachets pour les maux de gorge, des élastiques et une poêle non règlementaire. Son avocat s’est présenté à la prison pour l’assister mais il n’a pas pu accéder à la commission de discipline à cause du virus. »
Appel d’un détenu de Fresnes : « Depuis la suppression des parloirs, on doit laver et faire sécher notre linge comme on peut, dans la cellule. Est-ce qu’il n’y a pas d’obligation pour l’administration d’assurer le lavage ou l’accès à une lingerie ? À Fresnes on n’a rien de tout ça. »
Appel d’un détenu des Baumettes : « Ici, les surveillants ont un masque chirurgical par jour, ou pas de masque du tout. Pour les détenus, rien : pas de gel, pas de gants, pas de masques. Il n’y a pas de machine à laver : depuis huit mois, je fais ma lessive dans la douche, par terre, c’est un carnage pour le linge. On a une seule cabine téléphonique pour trente détenus, on ne peut pas la désinfecter alors qu’on passe les uns après les autres, il y a une queue pas possible. La nourriture, c’est pire qu’avant, ce qu’on nous apporte périme toujours ce jour-là, et souvent ça a été cuisiné trois jours avant. Les cantines, on n’en reçoit que la moitié, et une partie est périmée. On ne peut pas faire remplacer les produits, alors il faut les commander à nouveau, c’est cher, et il faut attendre un mois supplémentaire… Quand on sonne, ça ne répond plus, les détenus mettent feu à la fenêtre pour attirer l’attention… »
Appel d’un détenu d’Aiton : « On se fait avoir : on n’a pas reçu les remises de peine promises par la ministre. On nous dit que ça va être fait aux prochaines commissions d’application des peines, mais elles sont annulées ! Je vois des types en fin de peine, ils sont encore là. Moi, ma peine est aménageable depuis 2011. L’entreprise de nettoyage dans laquelle je devrais travailler fonctionne, je devrais y être, mais ils vont finir par annuler mon contrat si ça continue, et il va falloir que je fasse des démarches pour le renouveler. C’est difficile de vous contacter parce que votre numéro a disparu du panneau d’affichage, alors qu’ici c’est n’importe quoi. On ne sait plus vers qui se tourner. Il n’y a que vous qui nous répondiez, et on nous enlève le numéro… Ça commence à grogner aux fenêtres, ça ne va pas tarder à dégénérer. Moi je vais porter plainte contre la prison, et contre Belloubet, même si je sais qu’on n’écoute pas les taulards. »
Appel : « Je suis une simple citoyenne. J’ai une pensée pour tous les prisonniers, confinés parmi les confinés. Que pouvons-nous faire pour les aider, pour qu’ils puissent rester en contact avec leurs proches ? Nous parlons beaucoup de tous ceux qui sont en première ligne en ce moment, mais dites-leur que nous pensons aussi à eux. »
8 avril 2020
Message de la mère d’un détenu de Villepinte : « Mon fils a été incarcéré le 13 mars. Il a 18 ans, c'est sa première incarcération, il est en détention provisoire. Nous avons mis une semaine pour savoir où il était, car le tribunal était fermé, et il n’y avait personne au téléphone pour répondre à nos questions. Quand on a su qu’il était à Villepinte, il n’était plus possible de lui apporter des vêtements, à cause de confinement. Depuis, j’ai écrit à mon fils, mais aucune réponse à ce jour, pas d'appel de sa part non plus, et comme il est majeur, on me dit que je dois attendre qu’il me contacte. C'est aberrant ! Vous pouvez imaginer ce qui se passe dans la tête d'une maman ? »
Appel d’une détenue de Rennes (cf. 7 avril) : « Est-ce que je peux demander une libération conditionnelle ? J’étais au centre de semi-liberté, maintenant je suis au quartier maison d’arrêt. » [Elle pleure]
Message de la compagne d’un détenu de Lorient : « Mon conjoint est incarcéré pour la deuxième fois. À sa sortie, il était sous bracelet, mais il a été arrêté pour conduite sans permis et réincarcéré début mars. Pendant sa première incarcération, je le voyais chaque semaine au parloir, on pouvait se téléphoner, et les virements que je lui faisais étaient effectifs. Mais depuis sa réincarcération, je suis sans nouvelle de lui. J’ai eu une autorisation de visite, mais apparemment le directeur lui a dit que nos parloirs mais aussi nos échanges téléphoniques étaient interdits, et les virements suspendus. Nous sommes dans une impasse incroyable, sachant qu’il n’y a jamais eu de soucis lors de nos parloirs, mon conjoint a toujours eu une bonne conduite. Là, on nous prive de tout moyen de communication, en pleine crise sanitaire. Je suis profondément inquiète concernant son état de santé, et à cause de ses menaces de suicide. On a un enfant de 4 ans qui réclame son papa, qui aimerait au moins pouvoir entendre sa voix… Je m’inquiète vraiment, et surtout je suis dans une incompréhension totale. Quelles sont les solutions possibles, et quelles sont les raisons, surtout ? »
Appel d’un détenu d’Aix-Luynes : « Ici, le confinement n’est pas respecté, et les surveillants ne mettent pas les masques. Les auxi travaillent et ont des masques, mais pas les autres détenus. On nous a donné du savon et de la Javel, mais seulement une fois. C’est censé être chaque semaine, non ? Moi, quand je vais à la cabine, je désinfecte avec une lingette et de la Javel. Pour avoir les médicaments, on doit aller à l’unité sanitaire, ils ne viennent pas en cellule. Mais là-bas, il y a au moins vingt détenus dans la salle d'attente ! »
Message de la compagne d’un détenu de Châteauroux : « Mon compagnon est asthmatique. Nous avons demandé une suspension de peine pour raison médicale il y a deux semaines, mais toujours rien. J’espère qu’il va avoir les deux mois de remise de peine annoncés par la ministre… Il a un très bon dossier, il n’a pris que quinze mois, il en est à son septième, il est auxi et a un bon comportement. Ce qui m'inquiète, c’est son état de santé face à ce virus derrière les murs : il est régulièrement en contact avec les autres, c’est lui qui touche les grilles pour les ouvrir. Je suis très inquiète et j’espère qu’il sera libre bientôt. C'est très long d’attendre une réponse, le temps passe au ralenti... »
Appel d’un détenu de Villepinte (cf. 2 avril) : « Je voudrais avoir des nouvelles de mon ami Monsieur B., il était incarcéré ici mais il a été déplacé à cause de suspicions de Covid, et on ne sait pas s'il est hospitalisé, en réa, à l'isolement... La prison ne nous donne aucune info, il paraît qu'il y a vingt-sept confinés ici, mais on ne sait rien ! En plus, tous les surveillants ne portent pas de masques, et on n’a que trois douches par semaine. Ils pourraient au moins nous accorder une douche par jour, en ce moment. J’ai un nouveau codétenu qui vient d’arriver dans ma cellule, mais il n'a pas été dépisté. »
Appel de la compagne d’un détenu de Caen : « Selon mon compagnon, même si des masques ont été reçus il y a plusieurs jours, les surveillants et les personnels de la direction n'en portent pas quand ils sont en coursive. Aucun dépistage n'a été organisé, et beaucoup de personnes sont dans l'attente d'une décision concernant un aménagement de peine ou une libération anticipée. »
Appel d’un détenu de Grasse : « Il me reste trois mois à faire, mais je ne sais pas si je suis éligible aux réductions de peine supplémentaires annoncées. Ici, vingt détenus sont sortis depuis le début du Covid, mais moi je n’arrive pas à récupérer les informations. »
Message de la compagne d’un détenu d’Uzerche : « Il y a eu une mutinerie, à la suite de quoi mon conjoint est passé en commission disciplinaire et a été placé en isolement pour trois mois. Pourtant, il conteste toute implication dans cette mutinerie. Mais rien ni fait, le chef d'établissement le suspecte, sans avoir de preuves. Les surveillants refusent de lui donner sa cantine, et il n'a pas accès à ses affaires personnelles, notamment les photos de son fils… Mais ce qui lui paraît encore plus étrange c'est qu'il ne peut pas faire appel de la décision de placement à l'isolement, on lui refuse. Est-ce normal ? Que pouvons-nous faire ? »
Appel d’un détenu d'Uzerche : « J’ai été transféré dans une autre prison, de nuit, manu militari. Ils nous ont traité comme des moins que rien. Nous, on n'y était pour rien dans la mutinerie. Mais ils n'ont pas cherché à comprendre… Depuis, je n’ai jamais reçu mon paquetage. Il contenait un appareil dentaire, des produits d'hygiène et des aliments, il y en avait pour 200€ de cantine environ. J’ai déjà écrit plusieurs fois à la direction, mais les surveillants me demandent de refaire des listes à chaque fois. »
Appel d’un détenu de Nantes : « Je suis à l'isolement au quartier arrivant pour suspicion de Covid. On est une quarantaine comme ça. On m’a fait passer un test, c’était négatif, mais à mon avis ce n’est pas fiable. D’ailleurs, j’ai encore des problèmes respiratoires. Aussi, je devais passer en commission d’application des peines dans quelques jours, mais je ne sais pas si c’est maintenu. Pourtant, il me reste moins de six mois à faire, j’espère pouvoir sortir. Sinon, est-ce que je pourrais tenter un recours, vu les ordonnances de la ministre ? »
Appel de la compagne d’un détenu de Réau : « Je vous appelle pour vous signaler qu'il y a un retard de livraisons des cantines depuis deux jours. Mon compagnon a demandé à parler à la responsable des cantines, on lui aurait répondu que “c'est parce qu'il n'y a plus à manger dehors”… »
Appel d’un détenu de Saint-Quentin-Fallavier : « J’ai déposé une demande d'aménagement de peine il y a quelques mois, mais tout est gelé. La CPIP m’a dit que j’étais libérable sous contrainte en août, est-ce que je pourrais sortir plus tôt dans le cadre des ordonnances de la ministre ? Ici, je suis auxi, je me sens exposé, alors je nettoie tout à la Javel. Au début du confinement, au moment de remonter de promenade, un groupe de détenus a demandé au surveillant de changer les gants avant de les palper, à cause du corona. Moi je n’étais pas dans ce groupe, mais j’ai quand même reçu un avertissement disant que j’avais refusé de réintégrer. »
7 avril 2020
Appel d’un détenu de Coutances : « Ici, on est dans des cellules de neuf à douze personnes. Les surveillants ne portent pas les masques tout le temps, et certains ne les mettent pas du tout. Le pire c’est les petites prisons, personne ne s’occupe de nous… On est environ 40 ici [66 selon les chiffres au 1er janvier]. Il n’y a plus de parloirs, la seule activité c’est le foot, donc si tu n’en fais pas tu es 24h/24 en cellule. Et on vient de passer une semaine sans eau chaude. »
Appel d’un détenu d’Orléans : « Je suis passé en commission de discipline [CDD] pour tapage (que je n’ai pas fait). J’ai demandé à être assisté d’un avocat commis d’office : un avocat a bien été désigné, mais il n’a pas pu venir à cause du Covid. Je suis donc passé en commission sans avocat. Elle était présidée par le chef de détention, et il n’y avait pas de témoin extérieur : j’ai pris quatorze jours de QD [quartier disciplinaire]. On est plusieurs à être passés en CDD comme ça, sans avocat. J’ai peur de perdre mes remises de peine, ça va peser dans ma demande d’aménagement… En plus, comme j’étais au QD, je n’ai pas pu appeler ma femme pour son anniversaire. Psychologiquement, c’est dur. J’ai fait deux tentatives de suicide. »
Appel d’un détenu de Longuenesse (cf. 2 avril) : « Avez-vous une piste d’hébergement pour moi, pour que je puisse sortir ? De mon côté toutes les demandes que j’ai faites ont été refusées, à cause du Covid. Est-ce que vous pourriez contacter le bailleur social ? Je leur ai déjà écrit deux fois, mais je n’ai pas de réponse. Je sais qu’ils ont des appartements d’urgence. »
Appel de la compagne d’un détenu de Gradignan : « Ça fait sept mois qu’il est incarcéré. Avant il était à Uzerche, mais sa cellule a été saccagée pendant la mutinerie et il a été transféré en urgence à Gradignan le 23 mars. Il n’a pu prendre aucune affaire. À Uzerche, il avait commencé des démarches pour demander un aménagement de peine. Mais je n’arrive pas à joindre les SPIP, je ne sais pas qui le suit désormais, et ils me disent qu’ils sont submergés de boulot et qu’ils n’ont pas le temps de me renseigner. »
Appel d’une détenue de Rennes : « Il me reste moins de six mois à faire, est-ce que je peux être libérée ? Mon avocat me dit que je dois passer en audience devant la juge d’application des peines, mais aucune date ne m’a été donnée, je ne sais pas du tout où en est mon dossier. »
Appel d’une inconnue : « Est-ce que la page de votre site qui recense les cas de contaminations en prison est bien à jour ? Je suis inquiète pour la maison d’arrêt de Meaux. »
Appel de la compagne d’un détenu : « Quelle est la situation dans cette prison, par rapport au Covid-19 ? J’ai vu que des détenus étaient libérés plus tôt. La fin de peine de mon compagnon est dans un an mais à partir de cet été il sera éligible à une libération sous bracelet. Actuellement ils sont trois dans une cellule pour deux, il dort par terre. Il a une hépatite B, il devait prendre un traitement mais il n’a pas encore d’ordonnance, donc elle n’est pas traitée. Et il a aussi besoin de soins dentaires parce qu’il a un abcès qui l’empêche de manger et dormir. Il les réclame depuis novembre, mais rien. »
Appel de la compagne d’un détenu d’Uzerche : « Il a été transféré suite aux incidents, mais je ne sais pas où. Et la prison d’Uzerche ne répond pas aux appels. »
Message de l’avocat d’un détenu de Bapaume : « Mon client était en module de respect, jusqu’à ce que la direction lui reproche un incident avec un surveillant (que mon client conteste). En raison du Covid-19, aucune commission discipline ne peut se tenir. Et mon client est passé en milieu fermé, pour une durée indéterminée : cette décision ressemble à une sanction alors même qu’aucune décision de culpabilité n’a été prise… Quel recours avons-nous ? »
6 avril 2020
Appel du cousin d’un homme en détention provisoire : « Il a 58 ans et des problèmes de santé sérieux. Il a trois hernies au niveau de l’aine et on lui a découvert, lors d’un examen médical récent, une tâche noire sur le foie, peut-être une tumeur. En tout cas il faudrait faire des examens supplémentaires. Vu la situation, je m’inquiète beaucoup pour lui. Est-ce qu’il ne pourrait pas bénéficier d’une libération provisoire, vu son état de santé ? »
Appel de la compagne d’un détenu : « Il est incarcéré depuis un peu plus d’un an, et il lui reste moins de six mois à faire. Je suis très inquiète car il a de gros soucis de santé. Et la prise en charge que son état nécessite est défaillante depuis son incarcération. Normalement, il faut qu’une infirmière passe tous les jours. Après quelques mois en prison, il a dû se faire opérer à nouveau et en février dernier, il a appris qu’il devait à nouveau se faire opérer. Depuis, normalement il aurait dû être extrait toutes les trois semaines pour des soins, mais il n’a jamais été extrait. La dernière fois que je l’ai vu, avant la suspension des parloirs, il allait très mal, ça s'était infecté, et il avait une boule à l’aine qui était apparue. Depuis le confinement, les soins quotidiens dont il bénéficiait se sont arrêtés et on ne lui a prescrit que du désinfectant et des calmants. Comment faire pour qu’il sorte ? »
Message de la sœur d’un détenu de Bapaume : « Mon frère a fait plus que la moitié de sa peine. On fait tout ce qu’on peut pour essayer de le sortir, mais c’est très difficile. Aujourd’hui, avec le coronavirus, nous avons très peur. Lui, en prison, dès le 16 mars il a refusé de travailler parce qu’il n’avait ni gants, ni masque, alors il a été puni. Et deux jours plus tard, le travail était suspendu dans toutes les prisons ! Pouvez-vous nous aider ? »
Appel de la compagne d’un détenu : « J’avais tout envoyé le 30 mars au SPIP pour une demande de libération de mon conjoint dans le cadre des ordonnances de la ministre. J’étais étonnée de ne toujours pas avoir de nouvelles alors que plusieurs détenus de cette prison ont déjà été libérés, et que son dossier est béton. Mais malgré plusieurs tentatives, impossible de joindre la CPIP de mon conjoint. J’ai fini par réussir à joindre le service d’application des peines, qui n’avait pas reçu le dossier. Finalement, le JAP l’a eu aujourd’hui, mais c’est incroyable, si je ne m’étais pas méfiée, le dossier n’aurait toujours pas été transmis ! Et si le SPIP avait fait son travail correctement, mon conjoint serait peut-être déjà dehors… »
Message de la compagne d’un détenu de Melun : « La prison a installé des téléphones en cellule mais malgré les diverses demandes de réparation, rien est fait, ça ne marche pas. De ce fait, ils sont nombreux sur un même téléphone, dans la coursive, alors que des cas de coronavirus ont été déclarés dans cette prison. Je m’inquiète pour mon mari… Que faire pour que les téléphones dans les cellules soient réparés ? »
Week-end des 4 et 5 avril
Notre permanence téléphonique est fermée le week-end : nous publions ici les messages laissés sur notre répondeur ainsi que les messages reçus par email.
Message de la compagne d’un détenu de Villenauxe-la-Grande : « Mon compagnon est diabétique et fait de l’hypertension, mais tous les jours il doit sortir de sa cellule et passer dix portes pour arriver à la pharmacie et récupérer ses médicaments. Tout cela sans masque ni gants. Et le téléphone de sa cellule marche un jour sur deux. Je m’inquiète beaucoup pour sa santé, c’est très frustrant en ce moment de ne pas avoir de ses nouvelles tous les jours, d’autant que j’ai entendu qu’il y avait des cas à Villenauxe. »
Message de la mère d’un détenu de Caen : « Mon fils est incarcéré depuis juin, il a pris dix-huit mois. Nous avions fait une demande de bracelet électronique avant la pandémie mais il manquait un document : une nouvelle audience est fixée cette semaine. Mon fils m’a indiqué qu’avec ses remises de peine, sa date de sortie était début juillet. Il a tout ce qu’il faut pour sortir, un domicile – en l’occurrence le mien – et un travail. Je vous avoue que j’ai du mal à comprendre, il lui reste donc trois mois à purger, c’est sa première incarcération, et c’est un détenu modèle. Est-il possible qu’il puisse sortir ? Je m’inquiète énormément du niveau sanitaire des prisons et du moral de mon fils. Merci de me répondre car je ne dors plus, j’ai peur de ne plus revoir mon fils, avec ce virus. » Message d’un détenu : « Je voudrais savoir si je pouvais porter plainte pour mise en danger de la vie d’autrui. Les mesures prises en milieu carcéral sont très modestes et tardives. Très récemment, la CGT pénitentiaire a porté plainte, je pense que les détenus sont dans le même bateau que les surveillants. Pourriez-vous m’indiquer les procédures à suivre ? »
Message du père d’un détenu du Havre : « J’ai appris qu’il y avait plusieurs cas de Covid-19 au centre pénitentiaire du Havre, alors depuis plusieurs jours, j’essaye de téléphoner à la prison pour avoir des nouvelles de mon fils. Mais je tombe toujours sur une messagerie qui ne prend aucun message car elle est surchargée. Comment puis-je le contacter ? »
Message de l’ami d’un détenu de Meaux : « Depuis deux semaines, je n’ai plus aucune nouvelle de lui. Il m’avait écrit une lettre mais je ne l’ai jamais reçue, et il craignait qu’elle n’ait jamais été envoyée. Y a-t-il un moyen pour établir un contact téléphonique avec lui ? » Message de la femme d’un détenu de Nanterre : « J’ai peur pour mon mari, il fait des crises. Normalement une infirmière lui distribue des médicaments tous les matins et tous les soirs mais je n’ai plus de nouvelles depuis la suspension des parloirs le 14 mars. Je ne sais pas s’il va bien, s’il prend bien ses médicaments… Ils sont quatre en cellule, sans gants ni masque, aucune hygiène, et impossible de garder un mètre de distance entre eux. Je voudrais qu’il soit confiné à la maison, il serait plus en sécurité. Il a pris une petite peine, il faut les libérer, c’est dangereux pour les détenus et pour les gardiens. » Message de la femme d’un détenu de Perpignan : « Mon mari a des troubles psy. Il est incarcéré depuis sept ans et la prison lui a tourné la tête. Normalement il sort en novembre, mais j’espère que sa peine sera suspendue avant. J’ai entendu qu’il y avait des cas à Perpignan, j’ai peur. Son avocat, ça fait longtemps que je n’ai plus de ses nouvelles… Est-ce que le juge de l’application des peines peut faire quelque chose ? J’ai entendu que la ministre allait suspendre des peines, est-ce que mon mari peut en bénéficier ? »
Message de la compagne d’un détenu de Metz : « Je ne sais plus vers qui me tourner. Mon compagnon devait passer en débat contradictoire en avril ou mai pour avoir un bracelet, mais là, avec le confinement, on nous dit que ça sera reporté. Il lui reste vingt-deux mois à faire, j’ai peur qu’il attrape le virus. Il est obèse, mais pas assez pour qu’il soit considéré par le SPIP comme à risques… Qu’est-ce que je peux faire pour qu’il sorte de là ? »
Message de l’ami d’un détenu de Bar-le-Duc : « Mon ami est en détention provisoire, il ne présente aucun danger pour la société, et a une fille atteinte d’un diabète grave. Il voudrait être assigné à domicile en attendant son jugement pour pouvoir être présent pour sa fille. Il a fait plusieurs demandes de mise en liberté dans l’attente de son jugement, mais elles ont toutes été refusées très rapidement : même en situation de crise, ses demandes sont systématiquement jugées irrecevables. Dans le contexte actuel, il n’y a aucune humanité pour les personnes présumées innocentes. »
Message de la compagne d’un détenu de Châteauroux : « Je m’inquiète énormément pour lui, il est asthmatique... Nous avons deux filles, une de 9 ans, l’autre de bientôt 4 ans qui réclame son père tous les jours. Il est inquiet pour nous car je suis seule avec les enfants, et parce que je suis moi aussi asthmatique, tout comme notre cadette. Il voudrait juste être auprès de nous et pouvoir nous aider, et surtout qu’on soit tous moins inquiets. »