par Charline Becker, de l'Observatoire international des prisons-section française. Dossier "Incendies en prison", 3/6.
Au moins 35 prisons visées par un avis défavorable ces cinq dernières années
Selon la Direction de l’administration pénitentiaire, 35 établissements ont reçu un avis défavorable de la part des sous-commissions départementales pour la sécurité contre les risques d’incendie entre 2015 et aujourd’hui : les maisons d’arrêt d’Ajaccio, Nevers, Bourges, Caen, Cherbourg, Coutances, Évreux, Saint-Malo, Vannes, Fontenay-le-Comte, La-Roche-sur-Yon, Châlons-en-Champagne, Colmar, Strasbourg, Montauban et la maison d’arrêt pour femmes de Fleury-Mérogis ; les centres pénitentiaires de Fresnes, Lille- Annœullin, Lille-Sequedin, Caen, Ducos, Remire-Montjoly, Faa’a Nuutania et le centre pénitentiaire pour femmes de Rennes ; les centres de détention de Le Port (quartier haut), Val-de-Reuil, Melun (ateliers), Nantes ; les centres ou quartiers de semi-liberté de Corbeil, Melun, Nantes, Maxéville, Souffelweyersheim, Montpellier, La Valette.
La direction de l’administration pénitentiaire indique que « depuis, sauf exceptions, les prescriptions ont été suivies ou sont en cours de travaux, de vérifications ou encore de renseignements » – sans apporter plus de précisions.
Il est à noter que la maison centrale de Poissy, dont, il apparaît qu’elle était encore visée par un avis défavorable en 2020, ne figure pas dans cette liste. Cette dernière ne semble en outre pas tenir compte des établissements ayant ensuite reçu un avis positif du service départemental d’incendie et de secours (SDIS), comme c’est notamment le cas des maisons d’arrêt de Villepinte et Grasse.
Comment (tenter de) contraindre l’État à agir
Si les rapports des services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) ne s’imposent pas à l’administration pénitentiaire, cette dernière n’en a pas moins l’obligation de garantir la vie et la sécurité des personnes qu’elle détient. C’est sur cette base que l’OIP a, à plusieurs reprises, engagé des actions contentieuses afin de l’obliger à mettre en œuvre les mesures préconisées.
En mai 2007, la prison de Grenoble-Varces était visée par un avis défavorable du SDIS, lequel préconisait la réalisation de travaux de mise en conformité. Alors que ces recommandations étaient laissées sans suite, l’OIP avait demandé au chef d’établissement d’engager les travaux demandés. Face au refus implicite de ce dernier, l’OIP saisissait en 2011 le tribunal administratif de Grenoble. Dans un jugement rendu en 2015, le juge rappelait que l’administration était tenue d’assurer la protection effective des personnes détenues et condamnait l’inaction de cette dernière. Il laissait en outre deux mois à l’administration pour justifier de la mise en œuvre des travaux nécessaires. Dans une nouvelle décision, le tribunal administratif de Grenoble constatait enfin, le 21 avril 2016 – soit neuf ans plus tard –, que « les travaux qui ont été effectués par l’administration pénitentiaire […], ou qui sont en voie d’exécution, [étaient] de nature à prévenir les graves conséquences d’un incendie » à la maison d’arrêt de Varces.
Plus rapide, la voie du référé – en l’occurrence, celle du référé-liberté – peut également être utilisée pour contraindre les prisons à se mettre aux normes. À la suite de rapports particulièrement inquiétants des SDIS visant Nîmes en 2015, et Châlons-en-Champagne en 2016, l’OIP avait ainsi saisi le juge des référés. Constatant l’existence d’un risque grave d’atteinte à la vie des personnes, ce dernier avait dans les deux cas enjoint à l’administration de réaliser divers travaux de sécurisation du site « dans les meilleurs délais ». Travaux qui auraient depuis lors été réalisés.
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