« Un jour, je découvre que j'ai un deuxième profil Facebook : un faux Armel Hostiou avec de vraies photos de moi et plein d'amies vivant toutes à Kinshasa. Il les invite aux castings de mon prochain film censé se dérouler en République démocratique du Congo. Face à l'impossibilité de clôturer ce compte, je décide de partir à la recherche de mon double… »
Quel usurpateur se cache derrière ce faux profil ? Pour le découvrir, le cinéaste d’origine rennaise part mener l’enquête à Kinshasa… mais cela n’ira pas sans péripéties ni questionnements intimes. Et si, comme dans Le Double de Dostoïevski, cet autre, non seulement faisait la même chose que lui, mais qu’en plus il le faisait mieux ?
Si le point de départ du film est une enquête, Le Vrai du faux joue avec les codes cinématographiques et la recherche devient progressivement un faux semblant.

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« Le film nous emmène ailleurs, vers des questions plus politiques et existentielles, même si elles sont traitées avec un humour souvent absurde. Cela donne un film qui joue avec plusieurs genres : la comédie, le policier, le thriller, mais un thriller qui dérive, sans perdre son cap. Pour l’enquête, il ne s’agissait jamais d’être dans une position surplombante ou de juger, mon optique était toujours de comprendre », précise Armel Hostiou dans le dossier de presse
Chercher « une fourmi dans la forêt »
À partir de cette usurpation, le réalisateur tisse une comédie mi-absurde, mi-inquiétante dans les méandres improbables des arnaques et des métavers. Entre fiction et documentaire, le spectateur se retrouve confronté à démêler lui-même le vrai du faux. Les certitudes s’étiolent et permettent de mieux s’approcher de ce qui constitue une identité et sur quoi se fondent les relations.
« La compréhension du titre en vient à tanguer sérieusement. Initialement entendu comme un segment de l’expression “distinguer le vrai du faux”, d’autant que cette pulsion de discernement présidait au voyage lui-même et à toute cette aventure cinématographique, le groupe nominal prend une existence autonome et se creuse. Il sera question d’atteindre la part de vrai, dans le faux… Ou peut-être la part de faux, dans ce qu’on avait cru vrai… On ne sait plus, et c’est ce vertige même qui devient jubilatoire » décortique Acanthe, enseignante en lettre dans son blog Mediapart où elle encense le film comme « une réalité qui dépasse, et de loin, la fiction… »
Kafka à Kinshasa
Le film fait immanquablement penser au très beau documentaire de Joël Akafou Vivre riche, portait d’une jeunesse ivoirienne en prise avec les mutations du monde et vivant d’arnaques sur Internet,

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« les broutages », pour profiter des largesses pécuniaires de blanches en mal d’amour ou de sensations pour disent-ils « encaisser la dette coloniale ». Ou côté fiction, à la partie Africaine de Seules les bêtes de Dominik Moll, notamment le rôle d’internet et tous les masques que ce réseau favorise…
C’est dans cette veine qu’Armel Hostiou touche au plus juste. Après un début léger et humoristique, façon Kafka à Kinshasa, les belles rencontres faîtes par le cinéaste lui permettent peu à peu de donner à son film une toute autre tournure subtilement politique.

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Ce que dépeint très bien la critique de cinéma Raphaëlle Pireyre pour le site Trois couleurs « Le vrai usurpateur devient alors le sujet d’un faux film qui déploie des ramifications de questionnements sur la dette du colonialisme, le miroir aux alouettes du numérique et la domination économique systémique qu’exercent les hommes sur les femmes. À travers le regard candide d’un étranger perdu, le portrait de cette ville tentaculaire recèle aussi une réflexion sur le cinéma. En traquant le mensonge, Le Vrai du faux dévoile une vérité, celle d’une jeunesse prête aux sacrifices et aux compromissions pour le rêve d’un changement de vie. »
Quatrième long-métrage d’Armel Hostiou - co-fondateur la société de production Bocalupo Films – après Rives, Une Histoire Américaine et La Pyramide Invisible, Le Vrai du faux est une « vraie » réussite où la rencontre des « mondes parallèles » se fait dans toute leur complexité…

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Le Vrai du faux, un film d'Armel Hostiou - 82 min / Production : Bocalupo Films - Jasmina Sijercic / Distribution France : Météore Films / Sortie en salle le 7 juin.

Ce film a reçu le label “Oh my doc !” créé en 2020 par France Culture, la Cinémathèque du documentaire, l’association Les Écrans, la plateforme Tënk et Mediapart afin de chaque mois soutenir la sortie en salle d’un documentaire remarquable.