Aya est têtue. Alors que son village est menacé par l’érosion du littoral, elle refuse l’avenir que sa mère conçoit pour elle : quitter l’île de Lahou, aller vivre et travailler à Abidjan. Parce que le lieu semble paradisiaque et qu’Aya est une adolescente joyeuse, elle prévient : « La mer peut venir, je ne m’en vais pas ! ». Les riverains ont beau devoir déplacer le cimetière face à la montée des eaux, reconstruire leur maison « mangées par les vagues » à l’intérieur des terre, Aya veut rester, coûte que coûte.
Joliement filmé et scénarisé, Aya est aussi particulièrement intéressant par sa conception : il mêle documentaire et fiction. Le réalisateur belge Simon Coulibaly Gillard, dont c’est ici le premier long métrage, est arrivé sur cette île par hasard, après une panne de voiture. Une visite des lieux avec le chef du village, la rencontre avec les habitants qui déterrent leurs morts l’ont convaincu d’en faire un film. « En une dizaine d’années, un phare, des hôpitaux, une mairie, une prison et une partie du cimetière ont progressivement été engloutis », raconte-il dans un entretien au site InfoDurable.

Il y restera presqu’un an, travaillant avec les villageoises et villageois l’histoire de cette jeune femme, jouée par Marie-Josée Degny Kokora : « Dans Aya, tout est véridique : je n'ai pas écrit un scénario en Belgique pour aller l'appliquer en Côte d'Ivoire. Ce sont bien les histoires de ce village qui sont filmées, précise-t-il à France Info Afrique. La fiction se situe dans le fait que le scénario est écrit à plusieurs mains. Un oncle, un voisin ou encore une grand-mère racontent une histoire et je souhaite la voir dans le film. Et la seule manière d'y parvenir est de la faire vivre à mon héroïne Aya qui devient alors la porte-parole de cette île. »
Sans jamais marteler les conséquences du changement climatique, ce film parvient, à travers cette attachante adolescente, à raconter la fin d’un monde : celui de l’enfance et celui de la planète.
Sophie Dufau
Journaliste à Mediapart
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Aya de Simon Coulibaly Gillard,
1h 31min. Sortie en salle le 12 octobre 2022
Ce film a reçu le label “Oh my doc !” créé en 2020 par France Culture, la Cinémathèque du documentaire, l’association Les Écrans, la plateforme Tënk et Mediapart afin de chaque mois soutenir la sortie en salle d’un documentaire remarquable.