Il avait environ 600 heures de rushes. Images des films bien sûr qu’ils ont écrits et créés ensemble : la trilogie Prendre femme (2004), Les Sept Jours (2008) et Le Procès de Viviane Amsalem (2014), lui derrière la caméra et elle devant. Des images de leur vie commune dans leur appartement parisien de la rue Suger, de leurs tournées des festivals, de la vie banale en famille, avec père et mère juifs marocains immigrés en Israël dans les années 1960.
Ronit et Shlomi étaient plus que sœur et frère, ils étaient complices, complémentaires, fusionnels. Shlomi ne craint pas d’exhiber cette intimité après avoir travaillé pendant quatre ans toutes ces archives pour en faire un film de plus de trois heures présenté en deux volets. Cahiers noirs I - Viviane et Cahiers noir II – Ronit qui sortent en salles ce mercredi.

Loin du portrait, construit ni comme un documentaire, ni comme une fiction, ce récit tisse des éclats de vie empruntés aux tournages et à la vie réelle. Les colères de la mère répondent à la rage de Ronit, les silences du père s’opposent à l’immense déclaration d’amour de Shlomi, l’exubérance de Ronit fait écho aux convenances que la mère s’impose, sa joie de vivre s’affronte aux douleurs de la maladie. Dans ce labyrinthe d’images prises à Paris, au Maroc, en Israël et ailleurs dans le monde, Shlomi Elkabetz compose son cahier : « Un cahier n’est pas un journal intime. Un cahier n’est pas l’agenda que l’on ouvre en début de journée, c’est beaucoup plus que ça, explique-t-il. Un cahier est destiné aux idées, à la poésie, aux collages, aux témoignages. »
Un collage donc, aimanté par l’image de Ronit Elkabetz, où la première partie est davantage centrée sur la Ronit-Viviane de Prendre femme et la seconde sur la mort qui rode. Parfois déroutant, toujours bouleversant.
Sophie Dufau
Journaliste à Mediapart
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Cahiers noirs I - Viviane, Cahiers noirs II - Ronit
de Shlomi Elkabetz,
1h48 et 1h40. Sortie en salle le 29 juin 2022
Ce film a reçu le label “Oh my doc !” créé en 2020 par France Culture, la Cinémathèque du documentaire, l’association Les Écrans, la plateforme Tënk et Mediapart afin de chaque mois soutenir la sortie en salle d’un documentaire remarquable.
Il a été présenté au festival de Cannes 2021.