Le blues des diplomates européens en Palestine, Sylvain Cipel, Orient XXI, 27 avril 2017
Supposée favoriser un développement économique de la Palestine, la zone franche de Jéricho dans la vallée du Jourdain est soutenue financièrement par l’Union européenne. Mais il y a loin de la coupe aux lèvres, tant Israël multiplie les obstacles, détruisant ou empêchant toute initiative allant dans le sens d’une amélioration de la situation des Palestiniens
Les journalistes ont été à même de constater la myriade d'obstacles rencontrés dans divers lieux : zone franche de Jéricho, Toubas au nord de Naplouse (une usine d'épuration des eaux est en construction pour réutilisation dans l'agriculture mais le moindre soldat peut bloquer l'acheminement par camion du matériel) ; Khirbet Abdallah Younis, au nord-ouest de Jénine (village cloîtré entre le Mur et la Ligne verte, ligne d'armistice de 48) ; À Khirbet Tana, près de Naplouse (communauté bédouine en butte à la persécution continue des colons et des soldats), etc., etc.
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Des diplomates impuissants face aux contradictions de la politique de l'UE
« Je me demande souvent si nous ne sommes pas finalement un rouage de la machine incessante à l’œuvre pour renforcer la présence israélienne dans les territoires palestiniens. Bien sûr, ici et là nous empêchons certains dégâts, nous obtenons parfois des succès, mais dans l’ensemble ne contribuons-nous pas beaucoup plus à maintenir la fiction d’une Autorité palestinienne qui n’a en réalité pas de pouvoirs », permettant à Israël d’agir à sa guise ? Ainsi s’interroge ouvertement un employé de la délégation de l’UE en Palestine. Un diplomate d’un État disposant d’un consulat en Cisjordanie abonde. « Nous, Européens, continuons à nous battre pour préserver les accords d’Oslo. Cependant aujourd’hui les Israéliens disent qu’en zone C Oslo leur permet de faire comme bon leur semble. Et ils refusent tout débat sur le sujet. Dès lors, je me demande si je contribue à l’établissement d’un futur État palestinien qu’ils rendent chaque jour plus impossible ou au maintien de l’occupation ? » Cette question le taraude d’autant, ajoute-t-il, qu’elle n’aura de réponse que dans l’avenir. « Si un État palestinien voit le jour, nous y aurons contribué. Si c’est l’inverse, nous aurons facilité la croyance en une fiction et financé l’occupation ». Car, rappelle ce diplomate, le soutien financier européen aux Palestiniens permet à Israël de se dispenser de nombre de ses devoirs d’occupant prévus par le droit international. Sans l’AP et les financements européens et américains, Israël aurait dû payer la plupart des services fournis par l’AP et ses personnels.
À titre individuel, quelques-uns de ces fonctionnaires et diplomates européens tiennent un discours plus désabusé encore, évoquant une politique israélienne du type « village Potemkine » (trompe-l’œil à des fins de propagande), où il ne s’agit que de préserver l’illusion d’une normalité fictive. « En réalité, nous indique un interlocuteur européen, les Israéliens ne cherchent à rien solutionner, au-delà de leur propre sécurité. Au contraire, ils espèrent que le pourrissement amènera de plus en plus de Palestiniens à lâcher prise, pour étendre progressivement leur emprise sur la Cisjordanie. Jusqu’ici, cette politique leur a réussi ». Comme tous les autres, il s’exprime anonymement. Et qu’adviendrait-il s’il disait publiquement ce qu’il pense ? « Je serai viré dans l’instant ».
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