A Paris, sur la ligne 6, la station Place d'Italie et des rames de métro entièrement peintes aux couleurs de Star Wars qui sort le 16 décembre … film anti-impérialiste qui se présente avec son imperium visuel… La fresque occupe l'espace devant elle, elle régit les corps, colonise l'espace public, avale les regards... Parfois elle peut les rendre plus libres, en disposant une alternative au choix du spectateur, comme dans la salle des neuf à Sienne, où Lorenzetti a peint la fresque dite du bon et du mauvais gouvernement. Parfois elle trompe l'oeil pour mieux éveiller et détromper le regard, comme celle d'Andrea Pozzo au plafond de l'église St Ignace de Loyola à Rome... mais ici, bien que nous soyons Place d'Italie, point de recul ni de choix, la fresque ne nous éveille pas mais nous requisitionne, elle se penche sur nous et nous enveloppe, impossible de ne pas avoir le sentiment de lui être offerts par la RATP ... les subtilités de la peinture renaissante sont loin, on est plutôt chez Orwell. Il s'agit d'une démonstration de la force brutale du marketing total, qui se substitue au paysage, alors que les spectateurs ont déjà réservé leurs places et que le film est un tel "phénomène de société" qu'il n' a pratiquement plus besoin de s'annoncer…
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Pourquoi cette occupation totale des parois de la station ? C'est que le distributeur ne cherche pas à faire connaître le film mais à faire disparaitre les autres, voire tout autre chose… C'est une démonstration de force, la force obscure de l'impérialisme ... et on est obligé de monter dans une rame Star Wars pour aller voir le documentaire Capitaine Sankara, qui raconte, lui, une vraie histoire de résistance heureuse et intelligente à l'impérialisme, et qui sort dans trois salles en France … sans promo.
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Avec la dynastie Le Pen aux portes du pouvoir ça donne le vertige ! De bons esprits, parfois dans une approche intellectualisée de la saga, disent que Star Wars est un hymne à la république, un film résistant, une allégorie de la lutte entre la liberté et le totalitarisme, une remise en cause de l'ordre patriarcal, une rêverie kitsch sur la dimension phallique du sabre laser ... mais il s'agit là d'un contenu subalterne …
Ce qui compte le plus, finalement, c’est l’ancrage pragmatique du film dans l’espace social, c'est la manière dont il se présente pour être choisi (de gré ou de force)… ce qu'il nous dit de sa conception du pouvoir, non dans son discours mais dans sa façon de s'adresser à nous ...
Si la lutte contre l’Empire et le côté obscur de la force passionnent autant de spectateurs alors que le pays place le FN en tête au niveau national au premier tour d'un scrutin que beaucoup ont ignoré… c'est peut-être aussi, tout simplement, parce que le contenu de son discours compte moins que sa façon de se présenter, qui relève plus de la marche sur Rome que de l’invitation … or le pays, maltraité depuis des années sur le plan économique et voué à une idéologie sécuritaire comme seuls planche de salut, s'est habitué à la force... et à l'obscurité qui ne manque jamais de l'accompagner...
La force brute ! c’est la seule unité de mesure politique ou économique qui soit actuellement en vigueur en France où le rapport de force est l'ultime modalité des échanges économiques, la seule raison dans un monde néolibéral où le droit s'efface petit à petit… Même l'onctueux François Hollande, contraint par les événements, s’y essaie volontiers et grimpe de 22 % dans les sondages !
Espérons juste que nous pourrons voir la démocratie passer en France du réveil de la force à la force du réveil ... Que la faiblesse soit avec nous !