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Billet de blog 10 avril 2022

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Il ne s'agit pas de Mélenchon

L'ancien monde meurt. Le nouveau monde peine à naître. Dans l'interstice, le fascisme rôde avec son cousin, le néolibéralisme autoritaire de Macron. Notes au petit matin d'un jour historique.

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Depuis Marseille l'horreur semble d'ores et déjà palpable, le matin du premier tour : Le Pen présidente. Zemmour, l'abjecte mercenaire de Bolloré, chef du gouvernement. Maréchal-Le Pen, la petite fille du bulldog d'Alger, ministre pour l'inégalité. Violences sociales et racistes, les forces de l'ordre déchaînées ...   Sanglant. Marseille, ville-monde rebelle si sage, serait en flammes.       

            Le pire n'est jamais certain. Mais comme Edwy Plenel l'a noté le 8 avril dans un article fort éclairant, cette « élection » est un piège. Car le président sortant est en réalité inéligible, vu son exercice du pouvoir les cinq dernières années, son programme de destruction néolibérale accélérée et son habitus de mépris de classe. En été 2017, j'ai écrit dans une revue berlinoise : « Le nouveau néolibéralisme autoritaire du président français élu par un vote Anti-Le Pen créera un boulevard pour l'extrême droite. » Macron l'a fait.

            Ce tournant autoritaire, entamé déjà par Sarkozy et Valls/Hollande, où la violence de classe se déguise en confrontation de « race » (elle-même voilée par un détournement de la « laïcité ») est bien le produit de la contre-révolution néolibérale. En temps de crise multiple du capitalisme (crise financière, sociale, écologique), la bourgeoisie se sépare sans état d'âme des Lumières et tous les compromis qui avaient légitimés son ascension et ses accumulations depuis 1789. Capitalisme et démocratie ne font pas bon ménage. Encore moins capitalisme et écologie.

            En reculant de quelques pas pour saisir tout le tableau on constate que c'est bien dans cette contre-révolution que se nourrit l'extrême droite. Pas étonnant, les deux puisent largement dans les mêmes sources idéologiques comme Romaric Godin (Mediapart) et Grégoire Chamayou (La société ingouvernable) ont démontré. Sans gommer les différences : les hypocrites tchatcheries « républicaines » entamées par Macron ces derniers jours n'y changent rien. Le cas Bolloré indique que le CAC 40 joue bien sur les deux tableaux.

            Le président sortant a détruit l'espace politique. Les soldes actuels démontrent le momentum historique de ces élections. La droite classique se dispersera entre le Zemmouristan et la nouvelle quatrième droite de Macron. Les restes d'un PS qui a perdu le gros de ses adhérents ont rejoint définitivement le bloc bourgeois, version Macron. Les Verts n'en sont jamais sortis et ils ont raté, malgré l'avertissement très audible des Gilets jaunes, le tournant social de l'écologie.

            Pour échapper à cet enterrement deuxième classe d'un monde, les candidats de la « gauche » de gouvernement ont cru utile de mener campagne contre Jean-Luc Mélenchon. S'il fallait une preuve qu'ils sont sortis de l'histoire ... C'était ignorer qu'il ne s'agissait pas (plus) du candidat Mélenchon. Avec l'Union populaire et son parlement, LFI a entamé sa mue vers un mouvement plus gazeux, centré autour du Vivant, de l'écologie, de la démocratie profonde. Les femmes et hommes de l'UP ont compris qu'il fallait réinventer radicalement non pas la politique, mais le politique. Qu'il fallait reprendre à la classe politique la délégation du pouvoir du peuple. Autre rupture essentielle de cette élection, rupture avec un modèle du 19ème siècle, de l'après-1945 dans sa version socialdémocrate et  tout particulièrement avec une cinquième république bonaparto-gaulliste.

            Dans une courte vidéo de soutien au Pacte populaire, Gustavo Petro, candidat de la gauche colombienne nous a rappelé que les peuples du monde attendaient un signal d'espoir de la France, comme la patrie de la Marseillaise savait les donner. Veillons à ce que ce signal ne soit pas extrêmement brutal et néfaste.

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