Dr Tant-Mieux et Mr Tant-Pis.
— L'autre jour j'entends un “spécialiste de la politique”, parler des discours de “notre président”, et que dans la première partie de ses discours il dit “noir” (ou “blanc”) et dans la deuxième, il dit “blanc” (ou “noir”). Un vrai “Docteur Jekill et Mister Hyde” qu'il disait.
— Ah d'accord! Mais dis-moi, s'il dit “noir” et “blanc” dans le même discours, personne ne peut le croire, quand on dit tout et le contraire de tout on dit n'importe quoi...
— Oui mais non mais tu ne comprends pas, c'est pas ça du tout...
— T'as raison, je ne comprends pas, tu m'expliques?
— C'est simple, quand il dit “noir”, la moitié des gens comprend “blanc”, et quand il dit “blanc” cette moitié comprends “noir”. C'est clair?
— Euh oui, à-peu-près, mais quand même, c'est curieux ton histoire, et pas si simple: s'il dit “noir” et ben il dit “noir”, comment on peut comprendre “blanc”?
— Oui mais non mais tu ne comprends pas, c'est pas ça du tout...
— T'as raison, je ne comprends pas, tu m'expliques?
— C'est simple, la moitié des gens, quand on leur montre du noir on leur dit que c'est du blanc et réciproquement.
— Tu veux dire que l'autre moitié des gens quand on leur montre du blanc on leur dit que c'est du noir?
— Mais non, c'est la même moitié à qui on dit que le blanc est noir. C'est clair?
— Euh oui, à-peu-près, mais quand même, c'est curieux ton histoire, et pas si simple: les gens, quand ils discutent entre eux, ils doivent bien se rendre compte que les uns croient que “noir” c'est “noir”, les autres que “noir” c'est “blanc”?
— Oui mais non mais tu ne comprends pas, c'est pas ça du tout...
— T'as raison, je ne comprends pas, tu m'expliques?
— C'est simple, la moitié des gens, on leur explique que la moitié des gens croit que le noir c'est noir et l'autre que le noir c'est blanc, du coup ils ne sont pas surpris, ils savent que la moitié des gens confond les couleurs. C'est clair?
— Euh oui, à-peu-près, mais quand même, c'est curieux ton histoire, et pas si simple: comment on sait que “noir” c'est “noir”, et que “blanc” c'est “blanc”? Si tu es de ceux à qui on a expliqué que le blanc c'est noir, par exemple?
— Oui mais non mais tu ne comprends pas, c'est pas ça du tout...
— T'as raison, je ne comprends pas, tu m'expliques?
— C'est simple, je le sais parce que je sais faire la différence entre le noir et le blanc. C'est clair?
— Ah oui! Là c'est clair, soit tu es un con soit tu es un salaud, parce qu'il faut être con pour croire que le gris clair c'est blanc et que le gris foncé c'est noir, ou salaud pour essayer de le faire croire... Heureusement pour les salauds qu'il y a des cons parce qu'il faut être vraiment con pour croire un salaud.
Les fouille-merde.
J'en ai entendu et lu plus d'un, de ces supposés journalistes d'investigation, se qualifier eux-mêmes de “fouille-merde”. Drôle de métier (si on peut dire drôle). Il y en a qui croient qu'en remuant la merde et en la fouillant bien, on peut y trouver des pépites d'or. De temps à autre ils tombent sur un truc dur, jaune et brillant et ils se réjouissent de leur découverte, criant partout «De l'or! De l'or! J'ai trouvé de l'or!».
On se rapproche et bon, les gars sentent un peu (et même beaucoup) la merde. On regarde leur pépite de près, ça ressemble à de l'or, comme ça, plus ou moins, mais ça sent la merde. Ils expliquent que c'est parce qu'ils ne l'ont pas encore nettoyée. Ils la passent sous l'eau, vous la remettent sous le nez, et ça sent toujours la merde. Ils y vont à l'eau de Javel, rien de changé. Ils la plongent dans l'alcool pur puis dans l'éther, ça sent un peu l'alcool et l'éther et beaucoup la merde. Vous leurs dites, mon gars ta pépite, maintenant j'en suis sûr, c'est une pépite de merde.
Ils la regardent mieux, la reniflent, la pressent, en font faire l'analyse chimique, et c'est bien de la merde. Conclusion de leur part: quelqu'un m'a volé ma pépite et l'a remplacée par cette merde! Vous vous dites que ce quelqu'un est très très fort vu que ces trouveurs d'or ne l'ont pas lâchée des yeux ni de la main, vous le leurs dites, ils vous expliquent des trucs incroyables sur les Service Secrets et le Petit Lutin Vert, et repartent fouiller la merde en espérant y trouver “une autre pépite d'or”.
Vous vous dites que si c'est une autre du même genre, elle risque fort de sentir la merde...
Je me demande pourquoi certains ne s'intéressent qu'à la merde, pour moi je m'intéresse aux producteurs de merde, ce sont souvent des pépites au cœur d'or.
La merde, je la laisse à ceux qui l'aiment. Et il y en a.
Le centre du monde.
Il y a quelques décennies mes parents se sont installés à Lignières dans le Berry, et le jour de leur installation ils croisent un gars du cru.
— Vous vous installez dans notre belle ville de Lignières?, leur demande-t-il, et eux d'opiner. C'est bien pour vous parce que, vous savez, Lignières c'est le centre du Monde!»
Mes parents étaient encore assez jeunes et encore un peu naïfs mais là non, pas possible. Comme ce sont de bonnes personnes ils ne disent rien sinon merci et au plaisir.
Ils s'installent, retapent leur maison, prennent leurs aises. Cinq ans plus tard ils se plantent devant le pas de leur porte, regardent la place du Champ de Foire devant eux, la ville par derrière, et l'un de mes parents (si vous les connaissiez vous devineriez tout de suite qui) dit:
– Ouais ben tu parles! Lignières le centre du monde? C'est plutôt le trou du cul du monde!
Un de leurs voisins entend ça et s'approche d'eux pour leur dire:
– Ah mais moi je sais où est le Centre du Monde!
Mes parents étaient moins naïfs alors mais toujours aussi polis:
– C'est bien, ça. Et où se trouve le Centre du Monde?
– À Bruère-Allichamps!, répond-il sur un ton de triomphe.
Bien que là depuis cinq ou six ans, il n'en avaient jamais entendu parler – par après ils ont découvert, parce que de Lignières il faut passer par Bruère pour aller à l'Abbaye d'Orval, un lieu culturel et non plus cultuel (même si on y adore l'art et qu'on l'y célèbre). Ils lui demandent:
— Et c'est où, euh, Gruyère, euh...
— Bruère! Bru-ère-Al-li-champs! Oh ben c'est pas bien loin, et pointant la direction: C'est à une vingtaine de km par là.
— Ah d'accord! Ça explique!, dit mon autre parent.
— Ça explique? Comment ça?
— Et bien, le Centre du Monde est tout près du Trou du Cul du Monde.
Une blague qui n'est pas de moi.
Le voyageur imprudent.
Un bon chrétien honnête et sincèrement dévot meurt après une douce et longue vie. Il arrive direct au Paradis où Saint-Pierre l'accueille avec la joie de recevoir un si excellent fidèle; il appelle un ange préposé qui le guide par les allées embaumées du paradis jusqu'à son petit nuage.
Notre dévot s'installe confortablement afin d'admirer la Face de Dieu pour l'éternité.
Un petit bout d'éternité plus tard le gars se dit, j'aurais quand même bien aimé voir à quoi ça ressemble, “en bas”. Il descend de son petit nuage, va voir Saint-Pierre et lui fait sa requête.
— Ah mais non mais pas du tout! C'est soit le Paradis soit l'Enfer, et c'est définitif.
Le gars discute, plaide, et de paix lasse Saint-Pierre lui dit d'aller voir Qui de Droit. Il renouvelle sa demande à Qui de Droit.
— Je ne comprends pas, ça ne t'emplis pas de béatitude de contempler la face de Papa pour l'éternité?
— Si, bien sûr, c'est juste comme ça, pour voir. Et puis sait-on, j'y verrai peut-être quelques vieux copains – ils n'étaient pas tous des anges.
Finalement Qui de Droit lui concède une journée et notre dévot descend: on l'accueille gentiment et là, c'est l'Enfer! Ou le Paradis, ça dépend du point de vue, tout ce qu'il souhaite il l'obtient comme ça, presque sans demander. La journée se passe, notre bonhomme remonte, parcourt les allées embaumées du Paradis et remonte sur son petit nuage admirer la Face de Dieu pour l'éternité.
Un autre petit bout d'éternité plus tard, le gars redescend de son petit nuage, va voir Saint-Pierre et lui dit que quand même ça l'a un peu étonné “en bas”, qu'il aimerait bien vérifier un peu – enfin, vous voyez le genre.
– Ah mais non mais pas du tout! Déjà une fois c'était de trop, alors deux fois!
Le gars renégocie, re-plaide, et l'autre, de paix lasse, le renvoie vers Qui de Droit.
— Hors de question! Une fois suffit.
L'autre insiste, insiste, insiste encore et au bout du compte Qui de Droit lui accorde une semaine.
– Mais c'est la dernière fois, si tu redemandes ce sera un aller-simple.
Le gars descend, de nouveau un agréable accueil et pendant une semaine c'est l'enfer, ou le paradis selon le point de vue: il ne cesse de faire la bringue, toujours d'attaque, jamais fatigué. La semaine passe, le gars remonte, parcourt les allées embaumées du Paradis, remonte sur son petit nuage et c'est reparti, Face de Dieu pour l'éternité.
Encore un petit bout d'éternité se passe et finalement le dévot descend de son petit nuage d'un air décidé et va voir directement Qui de Droit pour lui dire que cette fois c'est définitif, il est d'accord pour un aller-simple.
— Tu es sûr, vraiment sûr?
— Absolument sûr!
— Bien. Alors va.
Le gars descend et là c'est l'Enfer! Le vrai, celui qu'on lui avait raconté, les flammes, l'huile bouillante et tout le tremblement. Il se tourne vers le diablotin de service et lui dit:
— Mais je ne comprends pas, les autres fois ça n'avait rien à voir?
— Eh mon gars, faut pas confondre tourisme et immigration!