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Billet de blog 2 septembre 2019

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Si c'est publié c'est du sérieux!

Je ne parle pas en général mais pour Ma Pomme: je ne cherche pas spécialement à être publié, je m'en occupe par moi-même, généralement sur Internet, parfois sur papier. Mais il m'arrive de l'être, sans sollicitation particulière ou excessive de ma part. Ce qui est bon pour l'égo!

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Enfin, plus ou moins bon pour l'égo: il m'est arrivé quelquefois de voir certains de mes textes repris dans des sites assez douteux de mon point de vue, il m'est même arrivé à deux reprises de solliciter le retrait de ces publications parce que les sites en question puaient trop et utilisaient mes textes dans un but contraire au mien quand je les ai publiés – l'un ou l'autre cas m'auraient ennuyé, sans plus, le cumul des deux m'énerva fort. Mais dans l'ensemble, j'ai assez plaisir à voir que certains de mes textes sont estimés assez pertinents pour faire l'objet d'une publication ou republication, d'autant plus quand c'est fait par de parfaits inconnus. Cela dit, il m'est aussi arrivé à une occasion de refuser la chose bien que le site concerné ait plutôt mon agrément, parce que son mainteneur voulait l'utiliser d'une manière qui ne me convenait pas.

Le sujet ici est une série d'articles assez anciens qui furent publiés dans une revue fort intéressante, et ici le plaisir est double: voir son nom dans la liste des auteurs d'une revue papier, certes assez confidentielle mais d'une certaine notoriété, et voir des textes sur l'usage des chiffres et nombres dans l'espace public acceptés par une rédaction animée par des spécialistes de la statistique et de ses usages dans ledit espace public. Je ne déterminerai pas plus cette revue, en tout cas je reprends ici certains de ces articles, pour mon plaisir et, je l'espère, pour le vôtre.

Vous pourrez constater que quand j'écris avec l'hypothèse d'être publié par des tiers, je fais des efforts sur la forme...


Étude d'Opinion

IL EXISTE une divinité étrange, «l’Opinion publique»: censément, elle serait «le reflet de l’Opinion» ou quelque chose du genre, «le reflet de l’Opinion… publique». Ça peut paraître tautologique, ça ne l’est pas: il y a deux «Opinions publiques», l’une est plus ou moins l’équivalent de «la Majorité silencieuse» (malgré son nom, une divinité mineure) qui, par nature, ne s’exprime pas, sauf dans des occasions rituelles, appelées «élections», et où on la rebaptise pour la circonstance «le Peuple». La Majorité silencieuse ne parle pas, mais elle pense, du moins, il paraît qu’elle pense, car certains télépathes, appelés aussi «démagogues» savent ce que pense la Majorité silencieuse, et le disent – car ils sont doués de parole.

L’autre Opinion publique est une image plus ou moins déformée de la première, le fameux «reflet de l’Opinion». Ne me demandez pas comment ça marche, pour moi ces mystères d’ordre divin sont inaccessibles, mais si les démagogues savent lire dans les pensées de l’Opinion publique, des sortes de devins, appelés «sondeurs», et formant des sectes dites «instituts de sondages» ou «instituts d’enquêtes (de quêtes ?) de l’Opinion» aux noms ésotériques - Ipsos, Sofres, Csa (prononcer céhessa), etc. – parviennent à connaître «l’état de l’Opinion», un terme signifiant «l’Opinion de “l’Opinion publique”» (?), concernant certaines questions.

Remarquez, les sondeurs ne sont pas aussi fiables que les démagogues: ces derniers, du fait qu’ils lisent sa pensée, ont une grande certitude quant aux Opinions de l’Opinion – bien que, et ça ne laisse de m’étonner, tous ne disent pas la même chose –; pour les sondeurs, je n’ai pas trop bien compris leur manière: apparemment ils se réunissent en conclaves de 600 à 2.000 personnes, appelées du curieux nom «d’échantillon représentatif selon la méthode des quotas». J’ai regardé dans le dictionnaire: une méthode est une «marche rationnelle [c.-à-d. divisée en étapes] de l’esprit pour arriver à la connaissance ou à la démonstration d’une vérité», et les quotas un «modèle réduit d’une population donnée, permettant la désignation d’un échantillon représentatif» (à remarquer donc, que «la méthode des quotas» implique par nécessité qu’on a affaire à un «échantillon représentatif»…).

La religion ne s’offre pas tout uniment, je n’ai pas tout bien compris, mais de ce qu’il en semble, «la méthode des quotas», ça serait un genre de procession, style «chemin de croix», où l’on promène une effigie censée représenter l’Opinion publique parmi des initiés et grâce à laquelle on sélectionne cent d’entre eux, qui forment le fameux «échantillon représentatif» qui fera la divination. Tout ça n’est pas très clair: je n’ai jamais su si c’est la méthode des quotas (l’ensemble des membres de l’assemblée) ou seulement l’échantillon représentatif ou les deux qui se livrent à la divination, mais peu importe. Toujours est-il que ça pose des problèmes, et rarement les quotas ou l’échantillon n’arrivent à s’accorder sur «l’état de l’Opinion»: tant pour cent disent ceci, tant pour cent disent cela, tant pour cent ne disent rien. Heureusement pour nous, il y a des «analystes», des sortes de théologiens, qui nous expliquent dans les médias ce qu’il faut en penser.

Enfin, heureusement… Rien n’est simple: les quotas sont divisés, les analystes aussi; je me rappelle un sondage sur la délinquance, où l’on devait deviner combien de crimes et délits avaient été commis en France en 2001. Les quotas (ou l’échantillon) s’étaient arrêtés sur le nombre très précis, donc a priori incontestable, de 4.061.792 (au passage, les médias ne sont pas sérieux: tous les quotidiens consultés, Libération, Le Monde, Le Figaro, L’Humanité, La Croix, parlaient en première page du chiffre ou des chiffres de la délinquance, soit deux inexactitudes: il s’agissait de nombres, et ils concernaient autant la criminalité que la délinquance. D’ailleurs, en page 10 Le Monde corrigeait doublement le titre de la première page, «Les mauvais chiffres de la délinquance», en annonçant un peu plus sérieusement: «Le nombre de crimes et délits constatés a augmenté […]»).

Ma foi, les théologiens – pardon, les analystes – ne s’accordaient pas. L’un, Bruno Aubusson de Cavarlay, apparemment le plus sérieux, à l’esprit quelque peu dominicain il me semble, considérait que d’un côté «le chiffre» était à peu près exact, mais d’un sens il était peut-être surévalué, et vu autrement, peut-être sous-évalué, puis, que sont exactement les crimes et délits? Pondéré, mais un peu louvoyant. Un autre, Dominique Monjardet, était très jésuite: il commença son discours doucement, dans le genre, tout cela est bien complexe, on ne peut avoir de certitudes en la matière, et juste après, l’air de ne pas y toucher, il exprima… ses certitudes en la matière: et que la manière de compter est mauvaise, et que les catégories sont douteuses, et que ça en cache plus que ça n’en montre, et qu’il faut réformer tout ça, et qu’il faudrait faire comme ci et comme ça. Jé-sui-te.

Cela dit, il faut reconnaître aux analystes que la manière dont les journalistes leurs posent des questions les oblige quelque peu à sembler parfois se contredire et il faut considérer que toute personne raisonnable n’a généralement pas une opinion simple et entière sur quelque question que ce soit. Et moins encore sur celles concernant les religions…

Quoi qu’il en soit, le culte rendu à l’Opinion publique apparaît plus proche du christianisme que de l’islam ou que du judaïsme, en ce sens que, d’une part le dogme principal n’est pas trop fixé (il y a trois grands courants, le culte déjà cité, celui dit «de la méthode aléatoire», qu’on peut interpréter comme, une procession sans itinéraire précis et avec un nombre de communiants variable, plus des «réformés» qui mettent en cause la possibilité même de discerner les desseins de la divinité), de l’autre il semble y avoir dans chaque tendance une multitude de petites sectes plus ou moins déviantes.

Je me pose cette question: le culte de l’Opinion publique est-il soluble dans celui de la Démocratie et dans son rite républicain?


Êtes-vous plutôt satisfait ou mécontent des sondages?

C’est une question que je me pose... depuis et dès avant les élections présidentielle et législatives. durant la campagne électorale, j’avais réfléchi là-dessus. M’avait notamment passionné un sondage du CSA (l’institut de sondage, bien sûr...) paru dans Le Parisien/Aujourd’hui du 25 janvier 2002, et dont tous les autres médias et une bonne partie des candidats à l’élection présidentielle s’étaient emparés, présenté en première page de notre quotidien comme: «Présidentielle, les Français s’énervent», avec ces accroches: «65% d’entre eux veulent que Chirac et Jospin déclarent rapidement leur candidature», «60% ne souhaitent pas un duel Chirac-Jospin au second tour» et «54% ne sont pas satisfaits de la façon dont se déroule le débat». Ce qui fait déjà apparaître ceci: si 65% «des Français» (en réalité, des sondés) veulent une déclaration et 60% ne veulent pas d’un duel des impétrants putatifs, on peut supposer qu’au moins 25% des personnes qui espèrent leur candidature ne souhaitent pas leur élection...La question concernant les candidatures était:

«Souhaitez-vous que Jacques Chirac et Lionel Jospin déclarent leur candidature et exposent leur projet

  • le plus tôt possible?
  • d’ici à un mois?
  • le plus tard possible?»

Ma question sur cette question est: combien de personne ayant répondu «le plus tôt possible» souhaitaient seulement la candidature de M. Jospin OU de M. Chirac, voire seulement l’exposé de leur projet? En tout cas au moins 25% des sondés... Malgré l’exposé de première page, on ne peut conclure de cette réponse que «65% [des Français] veulent que Chirac et Jospin déclarent rapidement leur candidature», mais que 65% des personnes ayant répondu (le «taux d’abstention» – c'est-à-dire, non les “blancs et nuls”, les «ne se prononce pas» et «sans opinion» mais les personnes qui refusent d'être interrogées – sur les sondages d’opinion atteignant souvent le score du premier tour de la présidentielle 2002) veulent, soit que Chirac, soit que Jospin, soit que les deux se déclarent, soit que l’un, l’autre ou les deux exposent leur projet.

Les résultats de la présidentielle laisseraient accroire que nombre de ces 65% voulaient surtout connaître leur projet.

Deuxième affirmation de «une», deuxième question, deuxième aporie. La question: «Au second tour, souhaitez-vous un duel entre Jacques Chirac et Lionel Jospin ou un duel entre l’un de ces deux candidats et un “troisième homme”?»

Pour rappel, la proposition de première page était: «60% ne souhaitent pas un duel Chirac-Jospin au second tour».

Ce qui n’est pas la même chose: on peut «ne pas souhaiter» une chose, sans pour autant souhaiter qu’elle ne soit pas; dans ce cas, le fait que 60% des sondés souhaitent un «troisième homme» n’induit pas obligatoirement que ces 60% ne souhaitent pas une confrontation Chirac-Jospin: si 60% des Français, disons, «préfèrent le beurre à la margarine», en déduira-t-on qu’ils n’aiment en aucun cas la margarine?

Il y a bien sûr l’autre aporie, relevée, entre «la volonté» de 65% des Français et «le non-souhait» de 60% d’entre eux, aporie résolue en regardant, non «l’analyse» du Parisien, mais les questions même: on en peut déduire que 65% «des Français» souhaitent avant tout savoir si oui ou non MM. Chirac et Jospin seront candidats, et que 60% des dits, dont certains qui «veulent que», n’ont pas, ou probablement pas l’intention de voter pour l’un, l’autre ou les deux (ce qui se vérifiera, d’ailleurs).

Il est bon de savoir que «54% ne sont pas satisfaits de la façon dont se déroule le débat», alors que l’objet principal de ce sondage est de critiquer... l’absence de débat (considérant que ceux menés par les 17 candidats déclarés à l’époque, hem! ne sont pas des débats). Ici comme pour les deux autres accroches de «une», il s’agit, pour le moins, d’une ré-interprétation de la question, laquelle était: «Le 21 avril prochain aura lieu le premier tour de l’élection présidentielle. Êtes-vous plutôt satisfait ou plutôt mécontent de la façon dont se déroule la campagne?» (à remarquer qu’au 25 janvier 2002, on ne peut proprement parler de «la campagne», ni officielle, ni officieuse, plutôt d’une pré-campagne). Parmi les 54% de «plutôt mécontents», quelle est la proportion de ceux mécontents du fait du «débat»? On ne le saura jamais.

Sur cette question, 15% des personnes ne se prononcent pas. Il y a une question subsidiaire: «Pour quelle raison n’êtes-vous pas satisfait?», à laquelle répondent les mécontents. Le motif (imposé) qui vient en tête avec 71% est: «Les vrais problèmes ne sont pas abordés», en revanche, «le débat» est remis à sa place – la troisième –, puisque seulement 25% des 54% de mécontents, soit 13,5% des sondés, considèrent que «la non-candidature de Jacques Chirac et de Lionel Jospin empêche le débat», d’où l’on peut considérer que «le débat» n’est pas la première cause d’insatisfaction. Rions un peu: il y avait au 25 janvier 2002, 17% de mécontents à considérer qu’«il n’y a pas assez de nouveaux candidats».

Voilà je pense un exemple intéressant sur la manière dont le nombre a été traité dans le cadre des élections présidentielle et législatives de 2002.


Moyennes, variations, normales…

J’entends sur ma radio (France Culture, 30 mai 2003, 8h15) que les températures du jour seront «inhabituelles»: de 25°C à 32°C selon la région. Plus tard, sur France Inter (13h20), j’apprends que les températures sont «élevées pour la saison et caniculaires». Ma foi. Reviennent souvent dans les bulletins météo des déclarations relatives aux «normales saisonnières» et aux «moyennes», généralement pour faire état que les températures du jour s’en écartent.

Qu’est, au 30 mai d’une année donnée, une température habituelle et, que dire? Tempérée pour la saison? Qu’est une «normale saisonnière»? Qu’est une «moyenne»? À 43 ans, il me faut dire que j’ai bien du mal à déterminer ce que serait une température «normale» pour un 30 mai. Considérant les dix-huit dernières années, il y a pour ma région environ un tiers des 30 mai entre 19°C et 22°C, environ un tiers en dessous, environ un tiers au-dessus, et l’on voit en général un mouvement comparable avec quelques degrés en plus ou en moins pour les autres régions. Bien sûr, si l’on fait la moyenne de ces 18 années, on obtiendra une température d’environ 20°C ou 21, j’imagine, mais ça n’en fait pas la température habituelle, puisque les deux tiers au moins des 30 mai s’éloignent assez ou beaucoup de cette moyenne.

Bien sûr, la «normale saisonnière» peut renvoyer à autre chose, la notion géométrique de normale: perpendiculaire à la tangente de la courbe en un point; un 30 mai, on s’attend à ce que la ligne qui matérialise ce jour coupe la courbe des températures du printemps à un certain niveau (c’est une «normale saisonnière»), la tangente des 20°C ou 21°C. Ce qui nous ramène à ce fait: ladite tangente est une valeur moyenne, et non la température réellement observée depuis la nuit des temps, ou au moins depuis qu’on observe les températures, jusqu’à l’année 2003 pour tous les 30 mai. Sinon, tant mon journaliste de France Culture que mon météorologue de France Inter me font m’interroger: qu’a donc d’inhabituelle une température de 24°C, un 30 mai, au cœur du Berry? Est-elle remarquablement élevée? Reprenez mon évaluation: entre 1986 et 2003, au moins une année sur trois on observe une température de cet ordre ou plus élevée. Et au moins une année sur trois on a enregistré des températures assez basses pour les faire considérer par mon journaliste et mon météorologue comme inhabituelles et peu élevées pour la saison. Finalement, le 30 mai aura vu une température «normale» au plus une année sur trois.

Conclusion: du fait des variations saisonnières, les moyennes saisonnières n’ont pas grand sens, et la normale saisonnière est une valeur rarement constatée. Conclusion seconde, les journalistes et les météorologues qui nous dispensent le bulletin météo habituel en fin de journal ont du mal à faire un usage raisonné de la notion de moyenne dans leur appréciation subjective du temps du jour… Si par malencontre le 14 juillet 2003 la température descend en-dessous de 20°C, on aura encore droit à une considération sur la température «inhabituelle», ne tenant pas compte qu’au moins 30% des 14 juillet, depuis 1984, furent de ce genre.


80% des retraités prêt à travailler un jour férié...

J’active mon moteur de recherche Internet pour aller à la pêche aux articles sur un sondage discuté dans les médias à partir du 27 août, où 81% «des Français» sont, paraît-il, prêts à travailler un jour férié. Voilà que j’en découvre un autre, du 29 août, où cette fois il s’agit de 70% «des Français» qui pensent ainsi. J’ai trouvé cette information sur le site de Bouygues Télécom, mais on la trouve ailleurs. Le titre est clair: «Économie: 70% des Français prêts à travailler un jour férié». En chapeau, on nous précise que «Selon un sondage publié par Le Parisien, la suppression d’un jour férié pour financer la solidarité entre générations est largement approuvée par l’opinion».

Et de nous détailler la chose: «Premier sondage à alimenter le débat sur la suppression d’un jour férié pour financer la solidarité avec le troisième âge et première constatation: l’opinion semble prête à quelque sacrifice. En effet, 70% des Français seraient prêts à travailler un jour férié pour financer un fonds en faveur des personnes âgées, selon un sondage CSA paru dans Le Parisien. À la question “seriez-vous prêt à travailler un jour férié pour que vos cotisations sociales de cette journée permettent le financement d’un fonds en faveur des personnes âgées?”, 43% répondent “oui, certainement”, 27% “oui, probablement”, totalisant 70% de réponses positives. […] Chez les salariés, le total de réponses positives est plus bas: 66% (37% de “oui, certainement”, 29% de “oui, probablement”), contre 34% de réponses négatives (9% de “non, probablement pas”, 25% de “non, certainement pas”)».

Hormis la petite confusion qui attribue aux salariés les réponses des chefs d’entreprises et indépendants, tout ça est assez exact. En gros. Mais en détail?

La profession du chef de famille a une importance: employé (65% de réponses positives), ouvrier (64%) et chef d’entreprise (66%) se rejoignent vers le bas, ce dernier voyant les taxes à venir, les deux autres, le travail en plus et «pour des prunes»; en haut, on trouve les cadres et libéraux (75%), et les inactifs (77%), catégories qui n’ont guère à craindre d’une telle mesure. Par âge, les inactifs jeunes et vieux (moins de 25 ans et plus de 65 ans) se rejoignent vers les 80%, mais les actifs, d’autant qu’ils sont actifs depuis longtemps, sont bien moins intéressés (50-64 ans: 65%). Enfin, dans le classement par préférence partisane, on note que, hormis les partisans d’extrême droite ou de «droite de la droite», la rupture est plutôt entre les «avec» et les «sans» opinion: pour les premiers, ça se situe à la moyenne ou au-dessus (avec une crête à l’UMP), pour les autres, dix points sous la moyenne. Ce qui donne une autre indication: ça signifie qu’environ la moitié des personnes interrogées déclarent n’avoir pas de préférence partisane. C’est d’ailleurs assez convergent avec les résultats des plus récentes élections.

Malgré les apparences, même à 70% la mesure n’était pas si populaire. En outre, on aurait dû, en bonne logique, interroger non pas «les Français», mais la seule population concernée: salariés et entrepreneurs en activité. Car demander à un retraité, «Seriez-vous prêt à travailler un jour férié?», c’est méthodologiquement assez douteux… Je serais le gouvernement, je ne me baserais pas trop sur ce massif «70%» pour en déduire qu’il y a un large consensus: chez les catégories intéressées par la mesure, c’est beaucoup moins massif… D’ailleurs, un sondage plus récent nous apprend une chose passionnante quant au désir réel de sacrifice des Français: si on leur demande, «Pour financer la prise en charge par la sécurité sociale du handicap et de la dépendance liés à l’âge, seriez-vous prêts à renoncer à un jour férié ou à une journée de RTT par an?», à 62% ils répondent oui; mais dès qu’on quitte le vague «un jour» pour un plus précis: «Le gouvernement envisage de supprimer le lundi de Pentecôte comme jour férié, pour aider à financer l’aide aux personnes âgées. Vous personnellement, y êtes-vous très favorable, plutôt favorable, plutôt défavorable ou très défavorable?», le croiriez-vous? On passe à 49% de «favorable», dont seulement 13% de «très favorable».

Conclusion, je commence à discerner pourquoi nos politiques anticipent si mal les mouvements sociaux et les retournements de l’opinion, s’ils s’arrêtent aux chiffres bruts sans aller au détail, ils œuvrent eux-mêmes à leur déconvenue: on comprend que 80% des retraités soient partisans de la solidarité avec les retraités, mais si la mesure est appliquée, ce ne sont pas les retraités qu’on verra défiler dans la rue; et ce n’est pas non plus chez eux qu’on trouvera le plus d’électeurs «flottants»…


J'en aurais bien ajouté quelques autres (sauf les deux déjà publiés ici dans des billets autonomes) mais abondance de bien nuit...

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