Olivier Hammam (avatar)

Olivier Hammam

Humain patenté mais non breveté.

Abonné·e de Mediapart

1155 Billets

5 Éditions

Billet de blog 2 septembre 2021

Olivier Hammam (avatar)

Olivier Hammam

Humain patenté mais non breveté.

Abonné·e de Mediapart

Illusions et marionnettes.

Il aime les guerres, le p'tit père Macron, président de son état ces temps-ci, il ne cesse d'en déclarer. Certes,le plus souvent des guerres déjà en cours quand il les déclare, ou impossibles à gagner, mais bon, ce qui compte est de dire, non de faire...

Olivier Hammam (avatar)

Olivier Hammam

Humain patenté mais non breveté.

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Les personnes remuant beaucoup bras, jambes et lèvres pour donner l'impression d'agir, je les nomme illusionnistes. Et quand elles parviennent à mobiliser les gens pour “aller dans leur sens”, c'est-à-dire nulle part, je les nomme marionnettistes. Emmanuel Macron est spectaculairement l'un et l'autre, dans l'ensemble il ne fait pas grand chose mais il parvient à convaincre pas mal de gens que ce n'est pas le cas. Le plus fort est que dans l'ensemble ce qu'il prétend faire n'a rien de nouveau mais il parvient à faire croire aux mêmes que ce n'est pas le cas. Je précise: il y parvient aussi bien pour ses partisans que ses opposants. C'est que, ses opposants directs, les “responsables” qui prétendent agir contre lui, sont en général des illusionnistes, donc les personnes convaincues par ces “responsables de l'opposition” adhèrent à l'idée que Macron agit et va quelque part, certes qu'il agit mal et qu'il va dans la mauvaise direction, ce qui équivaut à l'idée qu'il agit bien et va dans la bonne direction, dans les deux cas on suppose une chose inexacte, qu'il agit et se meut. Je précise: Emmanuel Macron en tant qu'individu agit et se meut, c'est certain, mais non en tant que personne publique et qu'acteur social dans sa fonction de chef d'État. Ce qui en soi est assez prévisible, sauf dans les dictatures, les autocraties et les régimes autoritaires, ou dans des situations exceptionnelles (guerres, catastrophes nationales ou internationales) un chef d'État n'a qu'un rôle de représentation. La France a deux particularités, l'une qu'elle partage avec quelques autres États (entre autres les États-Unis), le président a aussi une fonction exécutive, l'autre, et bien, qu'elle partage avec beaucoup d'États en ce début de XXI° siècle, elle est en “état d'exception permanent” depuis plusieurs décennies (factuellement depuis 1991, légalement depuis 2005); comme le président français a donc une fonction exécutive, formellement son chef d'État agit et se meut de manière efficiente dans sa fonction. Factuellement non car, et là aussi ça concerne beaucoup d'États, le président français est un illusionniste.

Je date le début de cette situation oxymorique d'“état d'exception permanent” de 1991 parce qu'il est officiel depuis ce moment mais comme beaucoup de processus sociaux il s'établit un peu avant, vers 1986. L'article de Wikipédia «Plan Vigipirate» le mentionne, c'est en 1978 que les premiers textes (lois, décrets et règlements) “anti-terroristes” sont édictés et en 1981 qu'un “plan gouvernemental” plus consistant, le “plan Pirate”, est mis en place; comme il ne le mentionne pas il y eut des activations partielles de ce plan dès 1986 mais ce n'est qu'en 1991, avec son successeur le “plan Vigipirate”, qu'une activation permanente de ces «mesures de vigilance en cas de menaces d’agressions terroristes» a lieu, de fait jusqu'en 1995, de droit ensuite; de fait à partir de 2002 ou 2003, de droit à partir de 2014, ce plan qui auparavant ressortait du droit d'exception tombe dans le droit commun. Dans le discours des autorités ça ressort toujours de l'état d'exception mais légalement non. Comme je le disais dans un précédent billet, cette situation indique clairement que la France est en “état de guerre” de manière continue depuis 1991. De guerre contre pas mal de trucs. Pour citer de nouveau Wikipédia, voici comment l'encyclopédie décrit la chose:

«Le plan Vigipirate est un des outils du dispositif français de lutte contre le terrorisme. Il se situe dans le champ de la vigilance, de la prévention et de la protection. Il peut être prolongé par d’autres plans gouvernementaux dans le champ de l’intervention. Il relève du Premier ministre et associe tous les ministères.
Il s’agit d’un dispositif permanent qui s’applique en France et à l’étranger, et à tous les grands domaines d’activité de la société (les transports, la santé, l’alimentation, les réseaux d’énergie, la sécurité des systèmes d’information…). Il vise à associer tous les acteurs de la nation susceptibles de contribuer à la vigilance, à la prévention et à la protection contre la menace terroriste : l’État, les collectivités territoriales, les opérateurs, les citoyens».

Vous supposiez la “guerre contre le SARS-COV-2” nouvelle et exceptionnelle? Que nenni! Le “plan Vigipirate” est «un dispositif permanent qui s’applique en France et à l’étranger, et à tous les grands domaines d’activité de la société (les transports, la santé, l’alimentation, les réseaux d’énergie, la sécurité des systèmes d’information…)». Il m'arrive d'écrire que le terrorisme ne peut être que d'État car seuls eux peuvent définir le champ d'extension de la “terreur”: établir une situation où la “terreur” est censément causée par un virus fait donc entrer la politique sanitaire dans le champ du terrorisme, donc justifie un “état d'exception sanitaire permanent”, un “plan Vigipirate sanitaire”. Dans un billet récent (et non encore publié à cette date) je me gausse de Bruno Le Maire, actuel Ministre de la Parole – euh non! Actuel Ministre d'un ministère, je ne sais plus trop lequel, mais ça importe peu, Le Maire est un illusionniste donc ministre de l'agitation vaine et du mouvement immobile, comme ses collègues – qui nous expliquait le 25 août 2021 (il y a une semaine au moment où je commence ce billet) que «Le “quoi qu’il en coûte”, c’est fini». Quatre ou cinq jours plus tard, son Premier ministre et son collègue du Ministère de la Vérité, euh pardon, du Ministère de la Santé, et un ou deux jours après le même Le Maire, ont commencé d'expliquer que oui mais non mais, certes le “quoi qu'il en coûte” c'est fini mais les mesures labellisées “politique du ‘quoi qu'il en coûte’” étaient maintenues voire renforcées. Bref, de même qu'à partir d'octobre 2020 on vit un rétablissement des mesures de confinement mais non du confinement, rebaptisé “couvre-feu renforcé”, à partir de septembre 2021 la politique du “quoi qu'il en coûte” est maintenue, mais on doit la nommer d'un autre nom – pas encore défini en ce 2 septembre 2021. On croirait presque que ces “responsables” remuent beaucoup les bras, les jambes et les lèvres pour donner l'impression d'agir et de se mouvoir sans agir et sans se mouvoir...

Le “plan Vigipirate” étant «un des outils du dispositif français de lutte contre le terrorisme», l'appliquer à la lutte contre le SARS-COV-2 indique clairement que cette, disons, “pandémie de COVID-19” ressort du terrorisme, du point de vue des autorités politiques en France et ailleurs (une bonne part des pays activa ses propres procédures “anti-terroristes” pour gérer cette crise sanitaire). Et confirmer ma proposition: il n'y a de terrorisme que d'État, car seul les États déterminent ce qui ressort du terrorisme. Par exemple, en France et en 2021, quand une personne commet un acte ayant toutes les caractéristiques de ceux désignés “terroristes” mais n'est pas musulman, ça ne sera pas un acte terroriste; quand en revanche elle en commet un faiblement déterminable “terroriste” mais est réputée musulmane et articule la phrase «Allah[ou] akbar!», sa religion supposée et cette phrase suffisent pour le qualifier d'acte terroriste.

François Mitterrand avait raison, en 1964, en intitulant son ouvrage de critique du pouvoir défini par la Constitution de la V° République Le Coup d'État permanent, instaurer un régime où le chef de l'État est aussi le chef de l'Exécutif et où le contrôle de l'Exécutif par les autres pouvoirs est faible, et pour le chef de l'État même, impossible, c'est opérer une sorte de coup d'État institutionnel quand le régime est nominalement une démocratie républicaine, donc où il y a censément un équilibre des pouvoirs entre exécutif, législatif et judiciaire. Cela dit, à cette époque et jusqu'à la première moitié de la présidence de Valéry Giscard ça n'eut pas tant d'importance, il y eut même, dans les débuts de la présidence Giscard, un certain rééquilibrage entre les pouvoirs, notamment un renforcement (modéré cependant) de l'indépendance du judiciaire. Sans vouloir en dire du mal, selon moi ce rééquilibrage n'est pas l'indication d'un souhait de Giscard et de ses partisans d'aller plus nettement vers un régime démocratique, simplement le courant “libéral” et “de centre droite” que représentait Giscard était faible et menacé à la fois sur sa droite (UDR puis RPR) et sur sa gauche (PCF et moindrement, du moins jusqu'en 1978, PS). Après les élections législatives de 1978, le renforcement du centre-droite et l'affaiblissement à la fois de la droite “gaulliste” et de l'ensemble de la droite modifia le positionnement de l'Exécutif quant à cette question de rééquilibrage. Par la suite il n'y eut que des exécutifs faibles, d'où un glissement progressif vers le renforcement de la prééminence de l'Exécutif (y compris sous les présidences de Mitterrand), jusqu'à cette année 1991 et la mise en place de l'état d'exception permanent qui fit basculer tout un pan de la régulation institutionnelle du législatif et du judiciaire vers l'Exécutif. Contrairement à ce qui se dit souvent, la tendance à l'autoritarisme est la preuve, non de la force du pouvoir exécutif mais de sa faiblesse: moins il est puissant, plus il fait démonstration de sa puissance. Moins il peut agir et se mouvoir plus il agite les bras et les jambes. Mais en faisant du surplace.

Même si j'ai quelques critiques à en faire, ma réflexion se place dans la lignée de celle de Guy Debord dans son ouvrage La Société du Spectacle (qu'on peut lire à partir de cette page). Pour le citer:

«1 ♦ Toute la vie des sociétés dans lesquelles règnent les conditions modernes de production s’annonce comme une immense accumulation de spectacles. Tout ce qui était directement vécu s’est éloigné dans une représentation.
2 ♦ Les images qui se sont détachées de chaque aspect de la vie fusionnent dans un cours commun, où l’unité de cette vie ne peut plus être rétablie. La réalité considérée partiellement se déploie dans sa propre unité générale en tant que pseudo-monde à part, objet de la seule contemplation. La spécialisation des images du monde se retrouve, accomplie, dans le monde de l’image autonomisé, où le mensonger s’est menti à lui-même. Le spectacle en général, comme inversion concrète de la vie, est le mouvement autonome du non-vivant.
3 ♦ Le spectacle se présente à la fois comme la société même, comme une partie de la société, et comme instrument d’unification. En tant que partie de la société, il est expressément le secteur qui concentre tout regard et toute conscience. Du fait même que ce secteur est séparé, il est le lieu du regard abusé et de la fausse conscience; et l’unification qu’il accomplit n’est rien d’autre qu’un langage officiel de la séparation généralisée.
4 ♦ Le spectacle n’est pas un ensemble d’images, mais un rapport social entre des personnes, médiatisé par des images.
5 ♦ Le spectacle ne peut être compris comme l’abus d’un monde de la vision, le produit des techniques de diffusion massive des images. Il est bien plutôt une Weltanschauung devenue effective, matériellement traduite. C’est une vision du monde qui s’est objectivée».

Je ne vous déconseille pas la lecture de la suite mais du moins l'on peut dire que ces cinq premières “thèses” (nom que donne Debord à chaque alinéa numéroté) composent l'essence de son ouvrage, le reste en formant le développement. Pour une personne de mon genre ce début suffit, ce que je ne puis certifier pour une personne de votre genre. Si ces cinq thèses ne vous semblent pas suffisantes, je vous conseille la lecture des 216 thèses suivantes, ou au moins des 48 suivantes constituant les parties I et II, «La séparation achevée» et «La marchandise comme spectacle».

Je préfère mon concept d'illusion à celui de spectacle parce qu'un illusionniste ne participe pas nécessairement de manière directe du spectaculaire tel que défini par Debord, il peut aussi bien être spectateur qu'acteur, participer à la construction du spectacle ou s'en faire le simple relais. Considérant la troupe d'acteurs et de techniciens de l'actuel groupe de pouvoir en France, elle est très restreinte; en revanche la troupe des “marionnettes”, des personnes qui acceptent le spectacle comme “la réalité même” et reproduisent les actions vaines et le mouvement immobile proposés par ce spectacle, est beaucoup plus large que le groupe restreint des initiateurs du spectacle. Pour en connaître, je puis certifier que beaucoup de marionnettes n'adhèrent pas réellement à la validité du spectacle, ce qui ne les empêche pas d'y adhérer formellement. Je veux dire: beaucoup de personnes de ma connaissance qui se mobilisent en faveur d'un des sous-groupes participant à la construction du spectacle ont un rapport distancié à la validité de leur agitation, ce qui ne le empêche pas de les soutenir et, ce faisant, de s'agiter et se mouvoir conformément aux attentes de ces sous-groupes. Combien connaissez-vous de propagateurs du projet de LREM (La République En Marche, anciennement l'UDF) ou de LFI (La France Insoumise), de LR (Les Républicains) ou de RN (Rassemblement national, anciennement le Front national), peut-être y compris vous-même, assez probablement vous-même, qui à la fois ont une distance critique envers ces mouvements sans mouvement et leurs apportent leur soutien? Moi j'en connais beaucoup. En fait, je connais beaucoup plus de marionnettes que de personnes sincères, de personnes “qui se meuvent de leur propre mouvement”, qu'elles soient dans l'erreur ou non. Pour précision, il n'y a rien de plus commun qu'être dans l'erreur, en ce qui me concerne je n'ai aucun doute, je suis dans l'erreur. Reste à savoir si on le sait ou non. Si on ne le sait pas, on croit que l'erreur n'est pas l'erreur. Je suis dans l'erreur et en tiens compte. En tenez-vous compte? Non? Alors vous êtes probablement une marionnette ou un illusionniste, un marionnettiste ou un illusionné.

Emmanuel Macron est un gentil. Il veut le bien de tous, partout. Problème, il veut leur bien même contre leur gré. Raison pourquoi le gentil Macron ne cesse de proclamer la guerre, qui n'est pas une gentille activité. La guerre contre la non domiciliation fixe – pour mémoire, en 2017 il promit que sous peu, au plus tard durant l'hiver 2017-2018, il n'y aurait plus de SDF, de sans domicile fixe. Une guerre perdue. La guerre contre la pauvreté: au plus tard à la fin 2018 plus aucun Français ou résident ne serait en-dessous du seuil de pauvreté. Guerre perdue, avec l'aide de son gouvernement – pour mémoire, dès 2017 les aides personnalisées au logement, les APL, furent toutes réduites de 5€, et les réformes successives de ces APL ont résulté, sur trois ans, en une réduction significative de l'ordre de 7%. Et comme les allocations aux plus précaires, au mieux ne connurent pas d'augmentation significative, souvent ont connu des réductions, ça se traduisit par une augmentation de la part de la population sous le seuil de pauvreté. Guerre contre le terrorisme (celui dit islamique, le seul officiellement reconnu à partir de 2015) en interne comme en externe. Résultat mitigé: en interne il y eut bien une réduction mais pour l'essentiel antérieure à la présidence actuelle, en externe échec total, que ce soit au Sahel, au Maghreb, en Syrie (autant que je sache, le gouvernement syrien actuel est toujours un gouvernement pratiquant la terreur contre sa population), en Afghanistan, etc. Guerre contre le SARS-COV-2: désolé de le dire mais je ne suppose aucunement qu'on puisse assister à la fin de la pandémie incessamment sous peu, on voit d'ailleurs apparaître de nouveaux variants encore moins sensibles que celui étiqueté “delta” aux mesures de “lutte contre le COVID-19”, spécialement aux vaccins.

Macron et ses pairs dans nombre d'entités politiques sont des illusionnistes, ils s'agitent beaucoup, bougent leurs lèvres, leurs bras, leurs jambes, mais font du surplace. Consentez-vous à être des marionnettes? Moi non mais si une majorité de mes contemporains y consent, qu'y puis-je? Rien, sinon faire ce que je fais ici: vous signaler, si vous y consentez, que c'est de votre responsabilité. Mon propos n'a rien de singulier, je vous renvoie à ce texte déjà ancien, cinq siècles, le Discours de la servitude volontaire d'Étienne de La Boétie. Il dit la même chose en d'autres termes: pour un humain libre, consentir ou non à la servitude est de sa seule responsabilité

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.