Olivier Hammam (avatar)

Olivier Hammam

Humain patenté mais non breveté.

Abonné·e de Mediapart

1163 Billets

5 Éditions

Billet de blog 8 octobre 2025

Olivier Hammam (avatar)

Olivier Hammam

Humain patenté mais non breveté.

Abonné·e de Mediapart

999: Que sais-je de la réalité? (version dialectique)

Le métier d'un dialecticien est de ne pas chercher à convaincre en ayant des convictions.

Olivier Hammam (avatar)

Olivier Hammam

Humain patenté mais non breveté.

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

1 - Le monde est tout ce qui a lieu.
1.1 - Le monde est la totalité des faits, non des choses.
1.11 - Le monde est déterminé par les faits, et par ceci qu'ils sont tous les faits.
1.12 - Car la totalité des faits détermine ce qui a lieu, et aussi tout ce qui n'a pas lieu.
1.13 - Les faits dans l'espace logique sont le monde.
1.2 - Le monde se décompose en faits.
1.21 - Quelque chose peut isolément avoir lieu ou ne pas avoir lieu, et tout le reste demeurer inchangé.


2 - Ce qui a lieu, le fait, est la subsistance d'états de chose.
2.01 - L'état de choses est une connexion d'objets (entités, choses).
2.02 - L'objet est simple.
2.03 - Dans l'état de choses, les objets sont engagés les uns dans les autres comme les anneaux pendants d'une chaîne.
2.04 - La totalité des états de choses subsistants est le monde.
2.05 - La totalité des états de choses subsistants détermine aussi quels sont les états de choses non subsistants.
2.06 - La subsistance des états de choses et leur non­ subsistance est la réalité.
(La subsistance des états de choses et leur non-subsistance, nous les nommerons respectivement aussi fait positif et fait négatif).
2.1 - Nous nous faisons des images des faits.
2.11 - L'image présente la situation dans l'espace logique, la subsistance et la non-subsistance des états de choses.
2.12 - L'image est un modèle de la réalité.
2.13 - Aux objets correspondent, dans l'image, les éléments de celle-ci.
2.14 - L'image consiste en ceci, que ses éléments sont entre eux dans un rapport déterminé.
2.15 - Que les éléments de l'image soient entre eux dans un rapport déterminé présente ceci : que les choses sont entre elles dans ce rapport.
Cette interdépendance des éléments de l'image, nommons-la sa structure, et la possibilité de cette interdépendance sa forme de représentation.
2.16 Pour être une image, le fait doit avoir quelque chose en commun avec ce qu'il représente.
2.17 - Ce que l'image doit avoir en commun avec la réalité pour la représenter à sa manière - correctement ou incorrectement - c'est sa forme de représentation.
2.18 - Ce que toute image, quelle qu'en soit la forme, doit avoir en commun avec la réalité pour pouvoir proprement la P. 40 représenter - correctement ou non - c'est la forme logique, c'est-à­ dire la forme de la réalité.
2.19 - L'image logique peut représenter le monde.
2.2 - L'image a en commun avec le représenté la forme logique de représentation.
2.21 - L'image s'accorde ou non avec la réalité; elle est correcte ou incorrecte, vraie ou fausse.
2.22 - L'image figure ce qu'elle figure, indépendamment de sa vérité ou de sa fausseté, par la forme de représentation.


3 - L'image logique des faits est la pensée.
3.01 - La totalité des pensées vraies est une image du monde.
3.02 - La pensée contient la possibilité des situations qu'elle pense. Ce qui est pensable est aussi possible.
3.03 - Nous ne pouvons rien penser d'illogique, parce que nous devrions alors penser illogiquement.
3.04 - Une pensée correcte a priori serait telle que sa possibilité détermine sa vérité.
3.05 - Nous ne pourrions savoir a priori qu'une pensée est vraie, que si sa vérité pouvait être reconnue dans la pensée même (sans objet de comparaison).
3.1 - Dans la proposition la pensée s'exprime pour la perception sensible.
3.11 - Nous usons du signe sensible (sonore ou écrit, etc.) de la proposition comme projection de la situation possible.
La méthode de projection est la pensée du sens de la proposition.
3.12 Le signe par lequel nous exprimons la pensée, je le nomme signe propositionnel. Et la proposition est le signe propositionnel dans sa relation projective au monde.
3.13 - À la proposition appartient tout ce qui appartient à la projection ; mais non pas le projeté.
Donc la possibilité du projeté, non le projeté lui-même.
Dans la proposition, le sens n'est donc pas encore contenu, mais seulement la possibilité de l'exprimer.
(«Le contenu de la proposition» signifie le contenu de la proposition pourvue de sens).
Dans la proposition, est contenue la forme de son sens, mais non pas le contenu de celui-ci.
3.14 - Le signe propositionnel consiste en ceci, qu'en lui ses éléments, les mots, sont entre eux dans un rapport déterminé. Le signe propositionnel est un fait.
3.2 - Dans la proposition la pensée peut être exprimée de telle façon que les objets de la pensée correspondent aux éléments du signe propositionnel.
3.21 - À la configuration des signes simples dans le signe propositionnel correspond la configuration des objets dans la situation.
3.22 - Le nom est dans la proposition le représentant de l'objet.
3.23 - Requérir la possibilité des signes simples, c'est requérir la détermination du sens.
3.24 - La proposition qui concerne un complexe est dans un rapport interne avec la proposition qui concerne un élément de ce complexe.
Le complexe ne peut être donné que par une description, et celle-ci convient ou ne convient pas. La proposition dans laquelle il est question d'un complexe, si celui-ci n'existe pas, ne sera pas dépourvue de sens[1], mais simplement fausse.
Qu'un élément propositionnel dénote un complexe, on peut le reconnaître à une indétermination dans les propositions où il apparaît. Nous savons que par cette proposition tout n'est pas encore déterminé. (La notation du général contient en effet une image primitive).
La contraction du symbole d'un complexe en un symbole simple peut être exprimée par une définition.
3.25 - Il y a une analyse complète de la proposition, et une seulement.
3.26 - Le nom ne saurait être fractionné en éléments par une définition : c'est un signe primitif.
3.3 - Seule la proposition a un sens; ce n'est que lié dans une proposition que le nom a une signification.
3.31 - Chaque partie de la proposition qui caractérise son sens, je la nomme expression (symbole).
(La proposition elle-même est une expression).
Est expression tout ce qui, étant essentiel au sens d'une proposition, peut être commun à des propositions.
L'expression fait reconnaître une forme et un contenu.
3.32 - Le signe est ce qui est perceptible aux sens dans le symbole.
3.33 - Dans la syntaxe logique, la signification d'un signe ne saurait jouer aucun rôle; il faut que la syntaxe soit établie sans pour autant faire état de la signification d'un signe, elle ne peut que supposer seulement la description des expressions.
3.34 - La proposition possède des traits essentiels et des traits contingents.
Sont contingents les traits qui proviennent du mode particulier de production du signe propositionnel. Sont essentiels ceux qui permettent à la proposition d'exprimer son sens.
3.4 - La proposition détermine un lieu dans l'espace logique. L'existence de ce lieu logique est garantie par la seule existence des parties constituantes, par l'existence de la proposition pourvue de sens.
3.41 - Le signe propositionnel et les coordonnées logiques : voilà le lieu logique.
3.42 - Quoique la proposition ne puisse déterminer qu'un seul lieu de l'espace logique, la totalité de celui-ci doit pourtant être déjà donnée par la proposition.
(Sinon la négation, la somme et le produit logique introduiraient constamment de nouveaux éléments - en coordination).
(L'échafaudage logique enveloppant une image détermine l'espace logique. La proposition traverse de part en part l'espace logique tout entier).
3.5 Le signe propositionnel employé, pensé, est la pensée.


4 - La pensée est la proposition pourvue de sens.
4.001 La totalité des propositions est la langue.
4.002 - L'homme possède la capacité de construire des langues par le moyen desquelles tout sens peut être exprimé, sans qu'il ait une idée de ce que chaque mot signifie, ni comment il signifie. De même aussi l'on parle sans savoir comment sont produits les différents sons.
La langue usuelle est une partie de l'organisme humain, et n'est pas moins compliquée que lui.
Il est humainement impossible de se saisir immédiatement, à partir d'elle, de la logique de la langue.
La langue déguise la pensée. Et de telle manière que l'on ne peut, d'après la forme extérieure du vêtement, découvrir la forme de la pensée qu'il habille; car la forme extérieure du vêtement est modelée à de tout autres fins qu'à celle de faire connaitre la forme du corps.
Les conventions tacites nécessaires à la compréhension de la langue usuelle sont extraordinairement compliquées.
4.003 - La plupart des propositions et des questions qui ont été écrites touchant les matières philosophiques ne sont pas fausses, mais sont dépourvues de sens. Nous ne pouvons donc en aucune façon répondre à de telles questions, mais seulement établir leur non-sens. La plupart des propositions et questions des philosophes découlent de notre incompréhension de la logique de la langue.
(Elles sont du même type que la question : le Bien est-il plus ou moins identique que le Beau ?).
Et ce n'est pas merveille si les problèmes les plus profonds ne sont, à proprement parler, pas des problèmes.
4.0031 - Toute philosophie est «critique du langage ». (Mais certainement pas au sens de Mauthner[1]). Le mérite de Russell est d'avoir montré que la forme logique apparente de la proposition n'est pas nécessairement sa forme logique réelle.
4.01 La proposition est une image de la réalité.
La proposition est un modèle de la réalité, telle que nous nous la figurons.
4.02 - Nous le voyons en ceci que nous comprenons le sens du signe propositionnel sans qu'il nous ait été expliqué.
4.03 - Une proposition doit communiquer un sens nouveau avec des expressions anciennes.
La proposition nous communique une situation, donc elle doit avoir une interdépendance essentielle avec cette situation.
Et cette interdépendance consiste justement en ce qu'elle est l'image logique de la situation.
La proposition ne dit quelque chose que dans la mesure où elle est image.
4.04 - Dans la proposition, il doit y avoir exactement autant d'éléments distincts que dans la situation qu'elle présente.
4.05 - La réalité est comparée à la proposition.
4.06 - La proposition ne peut être vraie ou fausse que dans la mesure où elle est une image de la réalité.
4.1 - La proposition figure la subsistance ou la non-subsistance des états de choses.
4.11 La totalité des propositions vraies est toute la science de la nature (ou la totalité des sciences de la nature).
4.111 - La philosophie n'est pas une science de la nature.
(Le mot «philosophie» doit signifier quelque chose qui est au-dessus ou au-dessous des sciences de la nature, mais pas à leur côté).
4.112 - Le but de la philosophie est la clarification logique des pensées.
La philosophie n'est pas une théorie mais une activité.
Une œuvre philosophique se compose essentiellement d'éclaircissements.
Le résultat de la philosophie n'est pas de produire des «propositions philosophiques», mais de rendre claires les propositions.
La philosophie doit rendre claires, et nettement délimitées, les propositions qui autrement sont, pour ainsi dire, troubles et confuses.
4.1121 - La psychologie n'est pas plus apparentée à la philosophie que n'importe laquelle des sciences de la nature. La théorie de la connaissance est la philosophie de la psychologie.
Mon étude de la langue symbolique ne correspond-elle pas à celle des processus de la pensée, que les philosophes ont tenue pour si essentielle à la philosophie de la logique? Oui, mais ils se sont empêtrés le plus souvent dans des recherches psychologiques non essentielles, et ma méthode est exposée à un danger analogue.
4.1122 - La théorie de Darwin n'a pas plus à voir avec la philosophie que n'importe quelle autre hypothèse des sciences de la nature.
4.113 - La philosophie délimite le territoire contesté de la science de la nature.
4.114 - Elle doit marquer les frontières du pensable, et partant de l'impensable.
Elle doit délimiter l'impensable de l'intérieur par le moyen du pensable.
4.115 Elle signifiera l'indicible en figurant le dicible dans sa clarté.
4.116 - Tout ce qui peut proprement être pensé peut être exprimé. Tout ce qui se laisse exprimer se laisse exprimer clairement.
4.12 La proposition peut figurer la totalité de la réalité, mais elle ne peut figurer ce qu'elle doit avoir de commun avec la réalité pour pouvoir figurer celle-ci : la forme logique.
Pour pouvoir figurer la forme logique, il faudrait que nous puissions, avec la proposition, nous placer en dehors de la logique, c'est-à-dire en dehors du monde.
4.2 - Le sens de la proposition est son accord ou son désaccord avec les possibilités de subsistance ou de non-subsistance des états de choses.
4.21 - La proposition la plus simple, la proposition élé­mentaire, affirme la subsistance d'un état de choses.
4.23 - Le nom n'apparaît dans la proposition que lié dans la proposition élémentaire.
4.24 - Les noms sont les symboles simples, je les indique par des lettres simples («x», «y», «z»).
J'écris la proposition élémentaire comme fonction de noms, sous la forme : «fx», «φ(x,y)», etc.
Ou bien je l'indique au moyen des lettres p,q,r.
4.25 - Si la proposition élémentaire est vraie, l'état de choses subsiste; si la proposition élémentaire est fausse, l'état de choses ne subsiste pas.
4.26 - La donnée de toutes les propositions élémentaires vraies décrit complètement le monde. Le monde est complètement décrit par la donnée de toutes les propositions élémentaires, plus la donnée de celles qui sont vraies et de celles qui sont fausses.

4.27 - Concernant la subsistance et la non-subsistance de n états de choses, il y a:

Pour toute combinaison d'états de choses, il est possible qu'elle subsiste, les autres ne subsistant pas.
4.28 - À ces combinaisons correspondent exactement autant de possibilités de vérité - ou de fausseté - de n propositions élémentaires.
4.3 - Les possibilités de vérité des propositions élémentaires signifient les possibilités de subsistance ou de non-subsistance des états de choses.
4.31 - On peut figurer les possibilités de vérité au moyen de schémas du type suivant («V» signifie «vrai», «F» signifie «faux»; les lignes de «V» et de «F» sous la ligne de propositions élémentaires signifient, selon un symbolisme facile à comprendre, leurs possibilités de vérité) :

4.4 - La proposition est l'expression de l'accord et du désaccord avec les possibilités de vérité des propositions élémentaires.
4.41 - Les possibilités de vérité des propositions élémentaires sont les conditions de la vérité et de la fausseté des propositions.
4.42 - Concernant l'accord et le désaccord d'une proposition avec les possibilités de vérité de n propositions élémentaires, il y a:

4.43 - L'accord avec les possibilités de vérité peut être exprimé en adjoignant à celles-ci, dans le schéma, par exemple la marque «V» (vrai).
L'absence de cette marque signifie la non-concordance.
4.44 - Le signe qui nait de l'adjonction de la marque «V» et des possibilités de vérité est un signe propositionnel.
4.45 - Pour n propositions élémentaires il y a Ln groupes possibles de conditions de vérité.
Les groupes de conditions de vérité qui appartiennent aux possibilités de vérité d'un nombre donné de propositions élé­ mentaires peuvent être ordonnés selon une série.
4.46 - Parmi les groupes possibles de conditions de vérité, il existe deux cas extrêmes.
Dans l'un d'eux, la proposition est vraie pour toutes les possibilités de vérité des propositions élémentaires. Nous disons que les conditions de vérité sont tautologiques.
Dans le second cas, la proposition est fausse pour toutes les possibilités de vérité : les conditions de vérité sont contradictoires.
Dans le premier cas, nous appelons la proposition tautologie, dans le second cas contradiction.
4.5 - Il paraît maintenant possible de poser la forme la plus générale de la proposition, c'est-à-dire la description des propositions d'une langue symbolique quelconque, de telle sorte que chaque sens possible puisse être exprimé par un symbole auquel la description convienne, et que chaque symbole auquel la description convienne puisse exprimer un sens, si les significations des noms sont choisies adéquatement.
Il est clair que dans la description de la forme la plus générale de la proposition, l'essentiel seul peut être décrit - sans quoi elle ne saurait être la description la plus générale.
Qu'il y ait une forme générale de la proposition, ceci le prouve : qu'il ne peut y avoir aucune proposition dont on n'aurait pu prévoir la forme (c'est-à-dire la construire). La forme générale de la proposition est : ce qui a lieu est ainsi et ainsi.
4.51 - À supposer que toutes les propositions élémentaires me soient données, on peut alors simplement demander : quelles propositions puis-je former à partir d'elles? Et la réponse est : toutes les propositions, ainsi se trouvent-elles délimitées.
4.52 - Les propositions sont tout ce qui découle de l'ensemble des propositions élémentaires (naturellement aussi de ce que cet ensemble en est la totalité). (Ainsi pourrait-on dire, en un cer­ tain sens, que toutes les propositions sont des généralisations des propositions élémentaires).
4.53 - La forme générale de la proposition est une variable.


5 - La proposition est une fonction de vérité des propositions élémentaires.
(La proposition élémentaire est une fonction de vérité d'elle-même).
5.01 - Les propositions élémentaires sont les arguments de vérité de la proposition.
5.02 - Il est facile de confondre les arguments des fonctions avec les indices des noms. Je reconnais en effet aussi bien sur un argument que sur un indice la signification du signe qui les contient.
Chez Russell « c » dans « +c » est un indice qui montre que le signe dans son ensemble est le symbole de l'addition pour les P. 71 cardinaux. Mais cette dénotation repose sur une convention arbitraire, et l'on pourrait, au lieu de « +c », choisir un signe simple; dans « ∼p » au contraire, « p » n'est pas un indice mais un argument : le sens de « ∼p » ne peut pas être compris sans qu'ait été compris auparavant le sens de « p ». (Dans le nom Julius Caesar, Julius est un indice. L'indice est toujours une partie de la description de l'objet au nom duquel nous l'apposons. Par exemple : le Caesar parmi les membres de la gens Julia).
C'est la confusion de l'argument et de l'indice qui est à la base, si je ne me trompe, de la théorie de Frege sur la signification des propositions et des fonctions. Pour Frege, les propositions de la logique étaient des noms, et leurs arguments des indices de ces noms.
5.1 Les fonctions de vérité peuvent être ordonnées en séries. Tel est le fondement de la théorie des probabilités.
5.11 - Si les fondements de vérité communs à un certain nombre de propositions sont aussi, pris ensemble, fondements de vérité d'une proposition déterminée, nous disons que la vérité de celle-ci suit de la vérité de celles-là.
5.12 - En particulier, la vérité d'une proposition « p » suit de la vérité d'une proposition « q » quand tous les fondements de vérité de la seconde sont fondements de vérité de la première.
5.13 Que la vérité d'une proposition suive de la vérité d'autres propositions nous le voyons par leur structure.
5.14 - Si une proposition suit d'une autre, celle-ci dit plus que celle-là, celle-là moins que celle-ci.
5.15 - Si Vr est le nombre des fondements de vérité de la proposition «r», Vrs le nombre des fondements de vérité de la proposition «s» qui sont en même temps fondements de vérité de « r », nous nommons alors le rapport Vrs : Vr mesure de la probabilité que la proposition «r» confère à la proposition «s».
5.2 - Les structures des propositions ont entre elles des relations internes.
5.21 - Nous pouvons souligner par notre mode d'expression ces relations internes en figurant une proposition comme résultat d'une opération qui la produit à partir d'autres propositions (les bases de l'opération).
5.22 - L'opération est l'expression d'une relation entre les structures de son résultat et celles de ses bases.
5.23 - L'opération est ce qui doit arriver à une proposition pour que l'autre en résulte.
5.24 - L'opération se manifeste dans une variable; elle montre comment, d'une forme de propositions, on parvient à la forme d'autres propositions.
Elle donne une expression à la différence des formes.
(Et ce qui est commun aux bases et au résultat de l'opération, ce sont justement les bases).
5.25 - L'occurrence de l'opération ne caractérise nullement le sens de la proposition.
L'opération en effet ne dit rien, mais seulement son résultat, et celui-ci dépend des bases de l'opération.
(Opération et fonction ne doivent pas être confondues).
5.3 - Toutes les propositions sont les résultats d'opérations de vérité sur des propositions élémentaires.
Une opération de vérité est la manière dont, à partir de propositions élémentaires, naît une fonction de vérité.
De par la nature de l'opération de vérité, de même que nait de propositions élémentaires leur fonction de vérité, de même naitra de fonctions de vérité une fonction de vérité nouvelle. Chaque opération de vérité engendre, à partir de fonctions de vérité de propositions élémentaires, une nouvelle fonction de vérité de propositions élémentaires, une proposition. Le résultat de chaque opération de vérité ayant pour base des résultats d'opérations de vérités sur des propositions élémentaires est à nouveau le résultat d'une opération de vérité sur des propositions élémentaires.
Chaque proposition est le résultat d'opérations de vérité sur des propositions élémentaires.
5.31 Les schémas de 4.31 ont encore une signification quand «p», «q», «r», etc., ne sont pas des propositions élémentaires. Et il est aisé de voir que le signe propositionnel de 4.442 exprime encore une unique fonction de vérité de propositions élémentaires, même quand «p» et «q» sont des fonctions de vérité de propositions élémentaires.
5.32 - Toutes les fonctions de vérité sont des résultats d'applications successives d'un nombre fini d'opérations de vérité sur les propositions élémentaires.
5.4 - Il devient ici manifeste qu'il n'y a pas d'«objets logiques», de «constantes logiques» (au sens de Frege et Russell).
5.41 - Car sont identiques entre eux tous les résultats d'opérations de vérité sur des fonctions de vérité, s'ils sont une seule et même fonction de vérité de propositions élémentaires.
5.42 - Il est évident que ∨, ⊃ , etc., ne sont pas des relations au sens de: à droite de, à gauche de, etc.
La possibilité des définitions réciproques des signes logiques «primitifs» de Frege et Russell montre déjà que ce ne sont pas des signes primitifs, et encore mieux qu'ils ne désignent aucune relation. Et il est patent que le «⊃» que nous définissons au moyen de «∼» et de «∨» est identique à celui au moyen duquel nous définissons «∨» en usant de «∨», et que ce «∨» est identique au premier. Et ainsi de suite.
5.43 - Qu'à partir du fait p doivent s'ensuivre une infinité d'autres faits, à savoir ∼∼p, ∼∼∼p, etc., voilà qui est au premier abord à peine croyable. Et il n'est pas moins remarquable que le nombre infini des propositions de la logique (de la mathématique) suivent d'une demi-douzaine de «lois fondamentales».
Mais toutes les propositions de la logique disent la même chose. À savoir: rien.
5.44 - Les fonctions de vérité ne sont pas des fonctions matérielles.
Si l'on peut, par exemple, engendrer une affirmation par une double négation, la négation est-elle donc alors en un certain sens contenue dans l'affirmation? «∼∼p» nie-t-il ∼p, ou affirme-t-il p ; ou les deux à la fois ?
La proposition «∼∼p» ne traite pas la négation comme un objet ; mais la possibilité de la négation est assurément présupposée dans l'affirmation.
Et s'il y avait un objet nommé «∼», «∼∼p» devrait dire autre chose que «p». Car l'une des deux propositions traiterait justement de ∼, et l'autre point.
5.45 - S'il y a des signes logiques primitifs, une logique correcte doit rendre claire leur position relative, et justifier leur existence. La construction de la logique à partir de ses signes primitifs doit être rendue claire.
5.46 - Si l'on introduisait correctement les signes logiques, on aurait du même coup déjà introduit le sens de toutes leurs combinaisons; donc, non seulement « p∨q », mais encore « ∼(p ∨ ∼q) », etc., etc. On aurait introduit déjà du même coup l'effet de toutes les seules combinaisons possibles de parenthèses. Et il serait par là devenu clair que les authentiques signes primitifs généraux ne sont pas « p ∨ q », « (∃x) . fx », etc., mais plutôt la forme la plus générale de leurs combinaisons.
5.47 - Il est clair que ce qui peut simplement être dit par avance de la forme de toutes les propositions, doit pouvoir se dire en une seule fois.
Toutes les opérations logiques sont déjà contenues dans les propositions élémentaires. Car « fa » dit la même chose que : «(∃x) . fx . x = a».
Là où il y a composition, il y a argument et fonction, et avec eux sont présentes toutes les constantes logiques.
On pourrait dire que la constante logique unique est ce que toutes les propositions, de par leur nature, ont en commun.
Mais cela, c'est la forme générale de la proposition.
5.5 Chaque fonction de vérité est le résultat d'applications successives de l'opération : (-----V) (ξ, .... ) à des propositions élémentaires.
Cette opération nie l'ensemble des propositions comprises dans les parenthèses de droite, et je la nomme négation de ces propositions.
5.51 - Si ξ n'a qu'une seule valeur, N(ξ) = ∼p (non p) ; si elle en a deux, N(ξ) = ∼p.∼q (ni p, ni q).
5.52 - Si les valeurs de ξ sont l'ensemble des valeurs d'une fonction fx pour toutes les valeurs de x, alors N(ξ) = ∼(∃x).fx.
5.53 - J'exprime l'égalité des objets par l'égalité des signes, et non au moyen d'un signe d'égalité. J'exprime la différence des objets par la différence des signes.
5.54 - Dans la forme générale de la proposition, la proposition n'apparaît dans une proposition que comme base d'une opération de vérité.

5.541 - À première vue, il semble qu'une proposition puisse apparaître aussi dans une autre proposition d'une autre manière.
Particulièrement dans certaines formes propositionnelles de la psychologie, telles que « A croit que p a lieu », ou « A pense p », etc.
Car superficiellement, il semble qu'ici la proposition p ait une espèce de relation avec un objet A.
(Et dans la théorie moderne de la connaissance (Russell, Moore, etc.) ces propositions sont conçues de cette manière).
5.542 - Il est cependant clair que « A croit que p », « A pense p », « A dit p » sont de la forme « “p” dit p », et il ne s'agit pas ici de la coordination d'un fait et d'un objet, mais de la coordination de faits par la coordination de leurs objets.
5.5421 - Ceci montre encore que l'âme - le sujet, etc. -, telle qu'elle est conçue dans la psychologie superficielle d'aujourd'hui, est une pseudo-chose.
Car une âme composée ne serait en effet plus une âme.
5.5422 - L'explication correcte de la forme de la proposition « A juge que p » doit montrer qu'il est impossible qu'un jugement soit dépourvu de sens. (La théorie de Russell ne satisfait pas à cette condition). 5.5423 - Percevoir un complexe signifie percevoir que ses éléments sont dans tel ou tel rapport.
Ceci explique bien aussi que l'on puisse voir de deux manières la figure ci-dessous comme un cube ; et de même pour tous les phénomènes analogues. Car nous voyons alors réellement deux faits distincts.

(Si je regarde tout d'abord les sommets marqués a, et seulement marginalement les sommets marqués b, a paraît être en avant ; et inversement).
5.55 - Il nous faut maintenant répondre a priori à la question concernant toutes les formes possibles de propositions élémentaires.
La proposition élémentaire se compose de noms. Mais puisque nous ne pouvons fixer le nombre des noms ayant des significations distinctes, nous ne pouvons de même fixer la composition de la proposition élémentaire.
5.6 - Les frontières de mon langage sont les frontières de mon monde.
5.61 - La logique remplit le monde ; les frontières du monde sont aussi ses frontières.
Nous ne pouvons donc dire en logique : il y a ceci et ceci dans le monde, mais pas cela.
Car ce serait apparemment présupposer que nous excluons certaines possibilités, ce qui ne peut avoir lieu, car alors la logique devrait passer au-delà des frontières du monde ; comme si elle pouvait observer ces frontières également à partir de l'autre bord.
Ce que nous ne pouvons penser, nous ne pouvons le penser ; nous ne pouvons donc davantage dire ce que nous ne pouvons penser.
5.62 Cette remarque fournit la clef pour décider de la réponse à la question : dans quelle mesure le solipsisme est-il une vérité?
Car ce que le solipsisme veut signifier est tout à fait correct, seulement cela ne peut se dire, mais se montre.
Que le monde soit mon monde se montre en ceci que les frontières du langage (le seul langage que je comprenne) signifient les frontières de mon monde.
5.63 - Je suis mon monde. (Le microcosme).
5.64 On voit ici que le solipsisme, développé en toute rigueur, coïncide avec le réalisme pur. Le je du solipsisme se réduit à un point sans extension, et il reste la réalité qui lui est coordonnée.


6 - La forme générale de la fonction de vérité est : [̅p, ̅ξ, N(̅ξ)].
C'est la forme générale de la proposition.
6.01 - La forme générale de l'opération Ω’(̅η est donc : [̅ξ, N(̅ξ)]’(̅η) (=̅η, ̅ξ, N(̅ξ)]).
Ce qui est la forme générale du passage d'une proposition à une autre. 6.02 - Ainsi en venons-nous aux nombres : je définis

x = Ω0’x Déf. et
Ω’Ω’υ’x = Ω’υ+1’x Déf.

Conformément à ces règles de signes nous écrivons donc la série x, Ω’x, Ω’Ω’x, Ω’Ω’Ω’x, …
de cette manière : Ω0’x, Ω0+1’x, Ω0+1+1’x, Ω0+1+1+1’x, …
J'écris donc, au lieu de « [x, ξ, Ω’ξ] » :

« [Ω0’x, Ωυ’x, Ωυ+1’x] ».

Et je définis :

0 + 1 = 1 Déf.
0 + 1 + 1 = 2 Déf. 0 + 1 + 1 + 1 = 3 Déf.
etc.

6.021 - Le nombre est l'exposant d'une opération.
6.022 - Le concept de nombre n'est rien d'autre que ce qui est commun à tous les nombres, la forme générale du nombre.
Le concept de nombre est le nombre variable.
Et le concept d'égalité entre nombres est la forme générale de toutes les égalités numériques particulières.
6.03 La forme générale du nombre entier est : [0, ξ, ξ+1].
6.031 - La théorie des classes est en mathématique tout à fait superflue.
Ceci dépend de ce que la généralité dont nous avons besoin en mathématique n'est pas une généralité accidentelle.
6.1 - Les propositions de la logique sont des tautologies.
6.11 - Les propositions de la logique ne disent donc rien. (Ce sont les propositions analytiques).
6.12 - Que les propositions de la logique soient des tautologies montre les propriétés formelles - logiques - de la langue, du monde.
Que les composants liés de cette manière engendrent une tautologie, voilà qui caractérise la logique de ses composants.
Pour que des propositions liées d'une certaine manière engendrent une tautologie, elles doivent avoir des propriétés déterminées de structure. Qu'elles engendrent, dans cette connexion, une tautologie, montre donc qu'elles possèdent ces propriétés de structure.
6.13 - La logique n'est point une théorie, mais une image qui reflète le monde.
La logique est transcendantale.
6.2 - La mathématique est une méthode logique.
Les propositions de la mathématique sont des équations, et par conséquent des pseudo-propositions.
6.21 - La proposition de la mathématique n'exprime aucune pensée.
6.22 - La logique du monde, que les propositions de la logique montrent dans les tautologies, la mathématique la montre dans les équations.
6.23 - Si deux propositions sont mises en connexion par le signe d'égalité, cela veut dire qu'elles sont mutuellement substituables. Mais si c'est le cas, les deux expressions mêmes doivent le montrer.
Qu'elles soient mutuellement substituables caractérise la forme logique des deux expressions.6.24 - La méthode dont use la mathématique pour obtenir ses équations est la méthode de substitution.
Les équations en effet expriment la substituabilité de deux expressions, et nous procédons d'un certain nombre d'équations à de nouvelles équations, en substituant, conformément aux équations, des expressions à d'autres.
6.3 - L'exploration de la logique signifie l'exploration de toute capacité d'être soumis à des lois. Et hors de la logique, tout est hasard.
6.31 - La prétendue loi d'induction ne peut en aucun cas être une loi logique, car elle est manifestement une loi pourvue de sens. Et elle ne peut par conséquent être une loi a priori.
6.32 - La loi de causalité n'est pas une loi, mais la forme d'une loi.
6.33 Nous ne croyons pas a priori en une loi de conservation, mais nous connaissons a priori la possibilité d'une forme logique.
6.34 - Toutes les propositions du genre du principe de raison suffisante, du principe de continuité de la nature, de moindre dépense dans la nature, etc., etc. sont toutes des vues a priori concernant la mise en forme possible des propositions de la science.
6.35 - Bien que les taches dans notre image soient des figures géométriques, il va de soi que la géométrie ne peut rien dire quant à leur forme et leur position de fait. Le réseau, en revanche, est purement géométrique, toutes ses propriétés peuvent être données a priori.
Des lois comme le principe de raison suffisante, etc. concernent le réseau, non pas ce que le réseau décrit.
6.36 - S'il y avait une loi de causalité, elle pourrait se formuler: « Il y a des lois de la nature ».
Mais à la vérité on ne peut le dire : cela se montre.
6.37 Rien ne contraint quelque chose à arriver du fait qu'autre chose soit arrivé. Il n'est de nécessité que logique.
6.4 - Toutes les propositions ont même valeur.
6.41 - Le sens du monde doit être en dehors de lui. Dans le monde, tout est comme il est, et tout arrive comme il arrive ; il n'y a en lui aucune valeur - et s'il y en avait une elle serait sans valeur.
S'il y a une valeur qui a de la valeur, elle doit être extérieure à tout ce qui arrive, et à tout état particulier. Car tout ce qui arrive et tout état particulier est accidentel.
Ce qui le rend non accidentel ne peut être dans le monde, car ce serait retomber dans l'accident.
Ce doit être hors du monde.

6.42 - C'est pourquoi il ne peut y avoir de propositions éthiques. Les propositions ne peuvent rien exprimer de Supérieur.
6.43 - Si le bon ou le mauvais vouloir changent le monde, ils ne peuvent changer que les frontières du monde, non les faits ; non ce qui peut être exprimé par le langage.
En bref, le monde doit alors devenir par là totalement autre. Il doit pouvoir, pour ainsi dire, diminuer ou croître dans son ensemble.
Le monde de l'homme heureux est un autre monde que celui de l'homme malheureux.
6.44 - Ce n'est pas comment est le monde qui est le Mystique, mais qu'il soit.
6.45 - La saisie du monde sub specie œterni est sa saisie comme totalité bornée.
Le sentiment du monde comme totalité bornée est le Mystique.
6.5 - D'une réponse qu'on ne peut formuler, on ne peut non plus formuler la question.
Il n'y a pas d'énigme.
Si une question peut de quelque manière être posée, elle peut aussi recevoir une réponse.
6.51 - Le scepticisme n'est pas irréfutable, mais évidemment P. 112 dépourvu de sens, quand il veut élever des doutes là où l'on ne peut poser de questions.
Car le doute ne peut subsister que là où subsiste une question; une question seulement là où subsiste une réponse, et celle-ci seulement là où quelque chose peut être dit.
6.52 - Nous sentons que, à supposer même que toutes les questions scientifiques possibles soient résolues, les problèmes de notre vie demeurent encore intacts. À vrai dire, il ne reste plus alors aucune question; et cela même est la réponse.
6.54 Mes propositions sont des éclaircissements en ceci que celui qui me comprend les reconnaît à la fin comme dépourvues de sens, lorsque par leur moyen - en passant sur elles - il les a surmontées. (Il doit pour ainsi dire jeter l'échelle après y être monté).
Il lui faut dépasser ces propositions pour voir correctement le monde.


7 - Sur ce dont on ne peut parler, il faut garder le silence.


[1] Auteur de Contributions à une critique du langage (1903). Son influence sur Wittgenstein apparaît néanmoins clairement dans cette citation: « Sitôt que nous avons vraiment quelque chose à dire, il faut nous taire». (Contributions I, p. 111), à rapprocher de l'aphorisme 7 du Tractatus.

(Reprise partielle de Ludwig Wittgenstein, Tractatus Logico­-Philosophicus, 1918,
traduction de Gilles Gaston Granger, Éditions Gallimard, 1993)

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.