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Billet de blog 20 août 2024

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Fausseté des mots, vérité des discours.

Les mots disent toujours le faux, les discours disent toujours le vrai. La question est alors: que retiendra l'auditoire, le lectorat: les mots ou les discours? Et aussi: quelle fausseté, et quelle vérité?

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La proposition du titre part d'un constat simple:

1) Il n'y a aucun lien nécessaire entre un mot et la réalité qu'il désigne, donc un mot est faux en ce qu'il peut désigner n'importe quelle réalité, ou aucune réalité autre que lui-même, que sa matérialité sonore ou lumineuse, sa matérialité d'onde: de ce fait il n'y a pas d'association stable entre un mot et un fragment de réalité déterminé, d'où leur caractère de fausseté;
2) Un discours est toujours interprétable, y compris par exemple, en tant que “ramassis de conneries incohérentes”, une lectrice, un lecteur est toujours capable d'attribuer une valeur de sens, une signification, à un discours, y compris la valeur «ça n'a pas de sens».

La vérité d'un discours n'a aucun lien avec ce qu'on pourrait inexactement nommer “vérité factuelle” car aucun fait n'est vrai ou faux en soi, il a eu lieu ou non, sans que ça ait une incidence sur la validité supposée, de la part de la personne réceptrice, de ce discours. Sur cela, un exemple intéressant, le «programme Apollo», qui voit s'affronter deux discours aux antipodes, celui des tenants de la réalité de de la phase «missions lunaires», et celui des tenants de la non réalité de ces misions. On peut affirmer que les deux cas sont possibles et bien sûr, que l'effectivité de l'un exclut l'effectivité de l'autre. Ensuite, il y a la question de la vraisemblance: dans des cas de ce genre, l'hypothèse la plus consistante est la réalité factuelle de ces missions parce qu'une simulation de cette envergure, avec en outre une partie effective nécessaire à la crédibilité de cette mascarade, notamment tout ce qui se rapporte à la réalisation de l'envoi d'un objet massif emportant le nécessaire pour la survie, l'alunissage, le décollage et le retour sur la Terre d'une équipage de trois humains, plus l'impossibilité de supposer qu'il y ait aucun espion extérieur ou intérieur prêt à divulguer l'imposture au moment même où elle aurait lieu, serait en fait plus coûteuse sur tous les plans que la réalisation de l'objectif annoncé. D'où ma supposition que l'hypothèse de l'effectivité de ces missions est très nettement plus vraisemblable que celle de la simulation.

Remarquez bien que je ne suppose nullement qu'une sorte de complot de grande envergure permettant de dissimuler un fait réel d'assez grande ampleur pendant un temps assez long, disons quelques années à quelques décennies, ou d'inventer un événement fictif réputé réel ne soit pas envisageable, en fait ça arrive souvent, mais justement il n'y a pas de mélange, soit on masque le réel, soit on “réalise” le masque, on lui donne toutes les apparences de la réalité, mais faire les deux en même temps n'est possible qu'un temps très court, quelques semaines à quelques mois, vous savez, le fameux adage d'Abraham Lincoln: «On peut tromper une partie du peuple tout le temps et tout le peuple une partie du temps, mais on ne peut pas tromper tout le peuple tout le temps». Seulement masquer la réalité ou réaliser le masque correspondent à la première proposition, faire les deux en même temps à la seconde proposition; la troisième est à la fois vraie et fausse. Vraie si l'on considère le “on” ce cette dernière proposition comme une fraction du peuple, fausse quand “on” est l'ensemble du peuple, lequel se trompe lui-même tout le temps, accepte tout le temps la réalité effective de cette fiction intégrale, “le peuple”,  “la nation”, “l'ethnie”, “la race”, “l'humanité”, bref, un ensemble cohérent et clairement délimité faisant “de plusieurs un seul”. Le principe de toute société, humaine ou autre, une multitude mais un seul corps.

La troisième proposition enfin est vraie d'une autre manière “on” ne le peut pas parce que “on” ne le veut pas. On en ce cas est la société, est une société, une parmi l'infinité des sociétés humaines – une société du type entité politique comme la France est composée d'une multitude de sociétés de formes et d'extensions diverses, chaque membre de cette société globale se revendique d'au moins trois sociétés, une intime, une proximale et celle globale, généralement de plusieurs, certaines antagonistes (cas par exemple du syndicaliste anarchiste ou trotskyste qui est idéologiquement opposé à la société capitaliste mais qui “en tant que travailleur” contribue activement à son maintien), et bien sûr la France est elle-même une société intégrée à d'autres sociétés hiérarchiquement supérieures (l'UE, l'ONU...) ou transversales (les idéologies “religieuses”, “politiques”, les “courants de pensées”, les “philosophies”...). Et les individus ont le plus souvent des affiliations contradictoires. Vient toujours un moment où une société déterminée doit résoudre ses contradictions internes et “retrouver son unité”. Et il n'y a qu'une manière: mourir, et ensuite ressusciter. Car les sociétés sont des phénix qui régulièrement se consument pour renaître de leurs cendres. Enfin, ça ne fonctionne pas toujours, certaines sociétés meurent pour ne plus renaître mais c'est rare, très rare, extrêmement rare. En revanche elles se transforment.

Une société est à la fois une réalité observable, effective, et une réalité de discours, symbolique. Comme réalité effective elle est en perpétuel mouvement et ne cesse de changer, mais ses transformations sont très lentes et très progressives relativement au sentiment immédiat de la durée qu'ont ses membres, l'Histoire nous enseigne qu'une transformation prend au moins deux à trois décennies, parfois un peu plus d'un siècle, en général environ sept décennies, plus ou moins dix ans. Les transformations courtes résultent d'une transformation antérieure inachevée, celles longues d'une transformation inaccomplie, celles de durée “normale” résultent du temps nécessaire pour que la très grande majorité, la presque totalité de ses membres soit renouvelée; sans remonter à la nuit des temps, depuis l'apparition des sociétés étendues, des “sociétés de sociétés” il y a douze à quinze millénaires, la durée de renouvellement fut longtemps de l'ordre de soixante ans, et les transformations très limitées d'une fois l'autre; au cours des derniers siècles, en gros, du dernier millénaire, cette durée s'est étendue – à l'époque de Dante, en Europe on l'estimait alentour de sept décennies, actuellement elle atteint ou dépasse les huit décennies dans certaines entités politiques – et les transformations sont devenues significativement plus importantes et concernent des populations toujours plus nombreuses – dans le contexte actuel, ce premier quart du XXI° siècle, la transformation concerne l'ensemble de l'humanité. Et ce n'est pas facile. Parce qu'il y a beaucoup de...

Bon, je les nomme “les cons” et “les salauds”, on peut aussi dire, les individus imparfaitement socialisés, certains (beaucoup) parce qu'ils n'ont pas le potentiel nécessaire pour devenir des “humains accomplis”, d'autres parce qu'ils ont été conditionnés pour ne pas le devenir. Les sociétés sont cruelles et s'indiffèrent du sort des individus tant qu'ils ne les mettent pas en péril, et s'indiffèrent des conséquences sur les individus quand elles mettent en œuvre des processus visant à corriger le problème que causent les perturbateurs. D'un sens elles ont plus d'indulgence pour les “vrais cons” et les “vrais salauds”, même si elles les punissent parfois durement (jusqu'à la mort) quand ils s'écartent trop des normes sociales, et de la compassion pour les “faux cons”, mais aucune indulgence pour les “faux salauds”.

Je discute, dans mes billets et dans les pages de commentaires, des personnes qui ne savent pas lire, il faut comprendre qu'une part importante des humains est effectivement incapable de lire, c'est-à-dire d'interpréter correctement un discours.


Et à cela je ne peux rien, mais vous oui, car vous pouvez tout.

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