Paulinienne à cause de ça:
«Il n'y a plus ni Juif ni Grec, il n'y a plus ni esclave ni libre, il n'y a plus ni homme ni femme».
Dit en un temps où il y avait des Juifs et des Grecs, des libres et des esclaves, des hommes et des femmes – notre époque puisque depuis celle de Paul/Saul de Tarse ça n'a pas tant changé. Sa proposition est contextuelle dans sa formulation – il parle “en tant que Juif” et “en tant que Grec” à un destinataire collectif, les membres de sa secte et leurs sympathisants, qui sont tous ou hommes ou femmes, presque tous ou Grecs ou Juifs ou les deux, et tous ou libres ou esclaves. En outre il sait que ça ne risque pas de changer de si tôt, on le constate dans d'autres discours du même, notamment quand il conseille à un maître ou à un esclave, je ne sais plus, qui lui expose le problème moral que constitue pour les deux d'être membres de la secte et d'avoir ce rapport maître-esclave, de conserver chacun son statut et leur rapport de dépendance, et d'agir en sectaires. Il leurs conseille d'être des “agents dormants”, de donner toutes les apparences de la normalité dans leur contexte de vie mais d'y agir “en bon fidèle” autant que possible, et si nécessaire de consentir en paroles et parfois en actes à “être infidèle” tant qu'ils ne consentent pas en esprit. Sauf en une chose: nier l'unicité du divin.
Bon moi “le divin” je sais pas trop ce que c'est, je m'intéresse plutôt à l'humain, et l'unicité de l'humain, son unicité spécifique, sociale et individuelle: l'unicité de l'espèce dont certaines particularités la rendent unique, distincte de toute autre espèce; l'unicité d'un groupe social qui, composé de plusieurs individus, forme “un seul corps”; l'unicité, c'est-à-dire la singularité, de chaque humain. Et de ce point de vue je me dis que ce gars n'a pas tort. Sa manière de le présenter n'est pas trop de mon goût mais si le fond le convient, qu'importe la forme? Tiens ben, la même proposition en version “laïque”, c'est-à-dire détachée de toute religion, c'est même explicite:
«La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances».
La République assure l'égalité entre ses membres sans distinction et c'est ce que propose Paul.
Pourquoi je vous cause de ça? C'est quoi le titre? Ah oui, «Nécessité sociale du voilement». J'explique: l'égalité nécessite le voilement des différences entre membres de la société; pour ça plusieurs possibilités:
- modifier les individus pour effacer leurs différences;
- modifier les individus pour qu'ils ne perçoivent plus les différences;
- modifier l'apparence des individus;
- modifier la perception des individus.
Les propositions impaires sont similaires, de même celles paires. Les deux premières visent à une modification structurelle et formelle, les deux suivantes à une modification fonctionnelle, en gros, “contraindre les corps” et “contraindre les esprits”.
La solution la meilleure est une combinaison des troisième et quatrième propositions. Ce n'est pas la bonne, il n'y en a pas de bonnes, juste la meilleure disponible avec toutes ses imperfections. Modifier l'apparence des individus c'est proprement les voiler, ça ne change rien d'eux, du moins rien qu'ils ne souhaitent changer, en revanche ça les “uniformise”, ils portent leur voile comme un uniforme ou un drapeau, comme le signe d'appartenance à “quelque chose“, un groupe effectif (une bande) ou symbolique (une société). Se voiler désigne ici un procédé qui se réalise diversement, une très ancienne manière revivifiée depuis quelques lustres est le marquage de la peau par scarification ou tatouage – en notre temps on préfère le tatouage, moins douloureux. Et tous les “marqueurs d'appartenance”, les pin's, les broches, les slogans inscrits sur nos vêtements, et bien sûr les vêtements même: baskets, jean, tee-shirt ou costume-cravate?
Je me rappelle l'année où le groupe Cure est passé au Printemps de Bourges: pendant deux jours la ville a grouillé de clones Robert Smith de tous âges avec une majorité de 15-25 ans. Des clones plus ou moins réussis, des longs et des courts, des minces et des larges, et bien sûr sans distinction d'origine ou de genre. des petits et petites “Robert Smith”, des grandes et grands “Robert Smith”, et de toutes les couleurs sous le fard blafard. Un signe d'appartenance, d'ailleurs ils “se reconnaissaient”, les clones sympathisaient spontanément (et parfois brièvement) avec n'importe quel autre clone, l'égalité parfaite. Provisoirement certes mais c'est ce qu'il faut, censément on cesse ce mode d'identification basée sur l'apparence stéréotypée après “un certain temps”. Et parfois on ne cesse pas.
Modifier la perception se résume en «ne plus percevoir les différences», ce qui est objectivement inexact, on voit ces différence mais sans leur accorder une valeur particulière, ou plus exactement sans exprimer spontanément qu'on leur accorde une telle valeur, en bien ou en mal, de ne le faire qu'après réflexion, ça évite de croire que l'apparence est l'expression visible de l'essence.
La meilleure solution parmi celles disponibles mais une solution imparfaite.
Fin de la session nettoyage. Quand un billet non publié reste inchangé un temps assez long, genre deux mois et plus, il a peu de chances d'évoluer plus, donc soit( je le supprime, soit je le publie en l'état. Aujourd'hui c'était journée soldes, je publie en vrac et pour presque rien, le temps étant de l'argent et ces billets étant pour beaucoup d'entre eux assez ou très brefs, ça ne vous coûtera pas grand chose de les lire. Cela dit je serais vous je me méfierais, car je suis une sorte de Grec, et de longue date on le sait, il faut craindre les Grecs et leurs cadeaux gratuits...