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Billet de blog 24 février 2019

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“La Dispute”, ou les enc..eurs de mouches.

Après l'auto-censure du titre je ne pratiquerai pas ici: vous avez déjà vu un sexe humain masculin et une mouche? Même les plus petits sexes de cette espèce sont beaucoup plus gros que la plus grosse mouche existante. Du fait, enculer une mouche est un sacré exploit pour un humain. Et en plus...

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...il y a des humains de sexe féminin qui enculent aussi les mouches. Là, c'est au-delà de tous les miracles. Ou alors elles utilisent un godemiché, mais un très très petit godemiché, genre godemiché pour mouche.

La Dispute est une émission de France-Culture, du lundi au vendredi, sauf exceptions (rares), et de 19h à 20h, sauf exceptions (rares). Une émission, dira-t-on, de “critique”. On y critique un peu tout, les Arts (même mineurs, genre chanson), les Lettres (même majeures, genre Houellebecq), le cinéma, le Spectacle Vivant (paraît que les seuls bons spectacles sont les spectacles morts et ça tombe bien, à La Dispute on a tendance à les assassiner), enfin, vous voyez le truc, le boulot ordinaire d'un critique. Il m'arrive de loin en loin d'écouter cette émission, par honnêteté, je vérifie si elle est aussi nullissime que je le constate ordinairement, avec le vague espoir de changer d'opinion et le constat qu'il me faut remiser cet espoir. C'est ainsi.

Bon... Je suis un méchant garçon, et si même il me venait l'idée saugrenue de “changer de sexe” (une opération impossible, disons, de faire procéder par un chirurgien patenté et breveté à quelques modifications cosmétiques et de compléter cela par l'absorption de produits divers et un travail avec un.e orthophoniste pour travailler ma voix, ce qui me donnera une apparence considérée féminine par consensus social, à quoi j'ajouterais peut-être, pour obtenir une validation légale, un changement de mention de genre sexe à l'état-civil, mais d'un point de vue génétique et fonctionnel je serais tout de même un homme, sinon la modification d'un organe assez secondaire qui, formellement, sera “féminin” mais fonctionnellement, et bien, pas trop fonctionnel) je resterai pour l'essentiel la même personne et l'on dira alors que je suis une méchante fille. Pour simplifier, on dira que je suis une méchante personne, ce qui laissera planer une incertitude sur mon genre mais non sur ma méchanceté.

Ah ben! Ça c'est de la critique! Et de la vraie: explorer la réalité pour tenter d'augmenter sa capacité de discernement. Dans La Dispute il ne font que très rarement ce genre de choses, ils sont censés faire de la critique mais dans l'ensemble ils bavassent, ils chient sur les œuvres, les expos – ah pardon! Ne plus dire “exposition”, dire “installation” –, les auteurs et créateurs, les artistes, et parfois aussi sur le public. Mais jamais sur les critiques, sinon parfois sur ceux qui n'ont aucune chance de jamais être invités dans cette émission (la Critique c'est comme le reste: il y a des clans et des camps, et les membres d'un clan ne fréquentent pas ceux d'un autre clan, du moins en public. En privé si, rapport au fait que la Critique se rend en troupe – en troupeau? – dans les mêmes lieux et à la sortie vont dans les mêmes troquets ou restaus, où ils se réunissent autour d'une même table pour discuter d'un peu tout et notamment de collègues absents de l'un de leurs clans ou d'autres clans pour en dire tout le mal possible. Par contre ils ne parlent jamais du truc qu'ils viennent de voir ou entendre ou lire, rapport au fait qu'un des autres salauds de la table pourraient leurs piquer leurs idées ou leurs propos. Ouais, toute la Critique d'une table donnée est composée de salauds, ou de salopes, puisque pour chacune ou chacun tous les autres sont des salauds). Mmm.. Ça devient une manie dans mes billets de placer des digressions assez méchantes entre parenthèses ou tirets. Je suis certes méchant, ou méchante, selon que je sois un type ou une personne, mais dans ces apartés c'est pire que d'habitude. Je me demande s'il y a des spécialistes en soin de la méchanceté. Des psymachinchouettes peut-être? Paraît qu'ils savent, par quelques passes magiques, modifier votre intérieur, spécialement un organe impondérable (enfin si, pondérable, il paraît qu'il pèse vingt-trois grammes) dénommé âme. Et si les passes magiques ne fonctionnent pas, ils vous font consommer une potion magique qui agit plus ou moins directement sur l'âme, et même si ça n'agit pas sur l'âme ça agit sur la méchanceté, dit-on. Tout cela est assez mystérieux pour moi, j'ai connu un psymachinchouette très sympa, un“psychiatre”, que j'allais voir de temps à autres, supposément pour qu'il pèse mon âme et me donne des potions pour corriger sa pondération si elle apparaissait faire plus ou moins que vingt-trois grammes. En fait non, je n'allais pas vraiment le voir pour ça, il m'aimait bien et moi aussi je l'aimais bien, on discutait de tout et de rien, on se donnait des nouvelles de nos familles, et voilà tout. Les toutes dernières fois où on s'est vus, et bien, c'est plutôt moi qui faisais le psy, rapport au fait qu'il était – qu'il est – d'origine syrienne et qu'une partie de sa famille est d'Alep, et comme c'était de 2011 à 2013, j'aime autant vous dire qu'il n'avait pas le moral. Je dis que je faisais le psy rapport au fait que, comme dans le modèle standard de rapport psy/patient, le patient parle et le psy écoute en faisant de temps à autres des petits bruits qui signalent sa vigilance et son attention, j'étais le psy. De l'autre bord, toutes ces conneries de psymachinchouettes ça me passe un peu au-dessus de la tête je faisais plutôt l'interlocuteur compatissant, ce qui n'est pas chez moi un rôle de composition. Passons..

Je vérifiais pour savoir si ma perception était juste et c'est le cas: je me disais, là tu as dérivé, qu'est-ce que ça vient faire dans l'histoire tes considérations sur les psymachinchouettes? Et de fait ça vient là comme un cheveu sur la soupe. Je me laisse aller depuis quelques billets, c'est pas sérieux. Moi qui aspire à être pris au sérieux, c'est pas bien malin, mon possible lectorat va finir par s"apercevoir que je suis un clown et que je raconte n'importe quoi. Remarquez, je l'ai mentionné dans plusieurs billets. Clown, pas sérieux et incohérent. Faudrait peut-être que je reconsidère mes opinions concernant les “psys” et l'âme? Et surtout, concernant les potions magiques anti-méchanceté. Revenons à notre troupeau.

La Critique, les critiques... Des personnes étranges, un métier étrange. On peut probablement affiner la typologie mais du moins, il y a trois grandes catégories de critiques, les artistes, les amateurs et les professionnels. Ça ne désigne pas proprement des fonctions, plutôt des comportements. Les artistes, et bien, sont des artistes. Pas nécessairement dans les arts qu'ils critiquent, ils peuvent être amateurs (en un sens général) d'arts qu'ils ne pratiquent pas, ou qu'ils pratiquent en amateurs, et donner leur avis éclairé dessus. Du moins sont-ils artistes de la parole ou de l'écrit. Les amateurs, et bien, sont des amateurs. Au minimum doivent-ils avoir un certain talent à l'oral ou à l'écrit mais leur seul but est de parler de ce qu'ils aiment. Ce qui ne signifie pas qu'ils ne discutent que de ce qui leur convient, on peut critiquer un artiste ou auteur ou créateur qu'on n'apprécie pas spécialement avec l'intention, à la fois de pointer ce qui dans ce qu'ils aiment en général peut leur déplaire en particulier et, par contraste, définir ce qui leur plaît. Les professionnels c'est différent.

Un professionnel... Disons... Est “psychiquement” un mercenaire. Ouais, j'hésite avec ce mot, vous connaissez déjà mon appréciation sur ce qui est “psy” donc je manie avec prudence. En théorie un  mercenaire est rémunéré pour se mettre au service d'un tiers pour lequel il exécute certaines tâches, mais en ce cas il s'agit plutôt d'un mode de fonctionnement, ce genre de critiques ont une mentalité de mercenaires mais peuvent critiquer gratuitement, ils se voient “au service d'une cause” plutôt qu'au service d'un employeur – l'un n'empêchant pas l'autre, on peut être en même temps au service d'un cause et d'un employeur, bien que ça soit parfois un peu (ou beaucoup) contradictoire.

Les critiques de La Dispute sont des professionnels et le plus souvent des “encartés”, c'est leur boulot. Parfois des mercenaires bénévoles (excusez l'oxymore) sont invités, en général des aspirants professionnels ayant acquis une certaine réputation, souvent sur Internet, des sites “semi-professionnels” (des annexes de sites de médias classiques, ou des sites “personnels” qui ont le soutien de professionnels des arts – envois de livres, invitations à des sauteries “artistiques”, parfois même modiques rémunérations – et un écho dans les médias classiques). On peut sans ambages les qualifier de pros (pour faire court), ces critiques de La Dispute. Pour eux, la critique est un travail, du fait ils vont tout voir. Pas vraiment tout, remarquez, pour prendre le cas des critiques de théâtre spectacle vivant (je ne m'y fais pas à la novlangue actuelle de la critique, je parle de théâtre, d'expositions, de films, de romans... C'est ainsi, en tant qu'amateur même pas critique je continue à utiliser les termes valables à la fin du précédent millénaire), ils vont assez peu voir des spectacles du privé, sauf quand il s'agit de Grands Noms (remarquez, si le Grand Nom n'est pas le metteur en scène mais un acteur très notoire, rares sont les cas où il ne démolissent pas la prestation), et il ne vont pour ainsi dire jamais voir du théâtre “de boulevard”. Là il y a un paradoxe: la même pièce, selon qu'elle est montée dans une salle étiquetée “de boulevard” ou qu'elle figure au programme d'un théâtre public, sera ou non de boulevard, et bien sûr, les pièces très anciennes d'auteurs ayant acquis des lettres de noblesse, genre Feydeau ou Labiche, pour autant qu'elles soient produites dans le public ou mises en scène par un Grand Nom, ne sont plus étiquetées “boulevard”. Remarquez, si par quelque hasard un théâtre dit de boulevard programmait, je ne sais, une pièce de Molière ou de Racine (genre Les Plaideurs, rare et même, unique pièce comique dudit), pas sûr qu'il iraient y voir, sauf bien sûr si la mise en scène est due à un Grand Nom. Je les caricaturais quelque peu au début mais de fait, les critiques pro sont des êtres complexes.

Pourquoi vous parlè-je de ces braves gens? Parce qu'ils sont représentatifs, mais de manière caricaturale, des pros de la médiation. Raison pourquoi il est si facile de les caricaturer: ils sont par eux-mêmes caricaturaux. C'est lié au fait qu'ils s'occupent de l'objet de leur critique, de leurs critiques, en tant que travailleur, ils “vont au boulot” et lisent, entendent, voient tout – enfin, tout ce qu'il faut lire, voir, entendre, si on ne leur flèche pas le parcours, rares sont les objets qu'ils découvriront par eux-mêmes. C'est logique: pour ne prendre que le cas du “spectacle vivant”, chaque année il y a plusieurs milliers de spectacles de toute sorte – à exclure, l'opéra, la chanson et la danse, qui sont des classes particulières pour “spécialistes”, et ce qui ressort du théâtre ou du cinéma mais qui, accueilli dans des institutions à caractère muséal, sont catégorisés “installation” et deviennent l'objet de critiques muséaux. Les critiques de La Dispute sont presque tous parisiens, donc ça limite déjà leurs investigations hors de Paris et sa couronne, sauf en été (mais l'émission est suspendue la moitié de la saison, ce qui réduit l'écho des Grands Festivals et autres raouts provinciaux incontournables). Et bien sûr, parlant des raouts provinciaux, dans le Grand Paris aussi il y a des incontournables, idem pour la littérature, du coup ils vont voir les mêmes trucs que tout le monde pour en dire à-peu-près la même chose que tout le monde, avec des gradations dans l'extase (certains trucs ne peuvent pas être critiqués négativement, tout juste a-t-on droit à quelques réticences) ou le débinage (là il est interdit de dire du bien de certains trucs).

Tiens ben, la dernière parenthèse soulève un point intéressant: certains trucs, spécialement pour le théâtre ou le cinéma, ne peuvent, ne doivent jamais être critiqués positivement au moment où ils sortent, mais parmi eux certains ont une qualité indéniable. Du fait, on a ce processus curieux: quand un nouveau film de tel réalisateur sort, aucun critique ne pourra se permettre d'en dire du bien sans se disqualifier, donc il sera dans l'obligation de relever des points négatifs censés être des défauts récurrents dans son œuvre, mais “et en même temps”© il va se référer aux précédents films, qu'à leur sortie il avait démolis salement, pour constater une “baisse de niveau”, et pourra même parfois parler de “chef-d'œuvre” pour un film un peu ancien. Un cas typique est celui de Clint Eastwood: désormais on ne peut plus le démolir mais on ne peut pas non plus le glorifier, il y a donc un glissement progressif du déplaisir, plus le film mis en parallèle sera ancien plus son évaluation le rapprochera du génie, plus il sera récent plus sa cote sera basse.

Dans la plus récente Dispute, l'émission du 22 février 2019, qui vaut d'être écoutée pour constater que je ne caricature pas tant et que de fait aucun des critiques présents, y compris son producteur-animateur, n'a été capable de faire une critique positive d'aucun film “disputé”, ledit producteur-animateur s'est même permis de relever un peu sarcastiquement (il devait se croire au restau dans un repas entre critiques) qu'un des critiques, habituellement très défavorable au réalisateur discuté, en était venu au point de reprocher au film discuté, l'absence des traits censément habituels, selon lui, des précédents, comme argument disqualifiant pour celui-ci, en gros, ce film-ci n'était pas “du cinéma” par l'absence même de ce qui faisait que pour lui les précédents n'étaient pas “du cinéma”. Cela dit, ce réalisateur est de la classe dont on ne peut jamais dire du bien de la dernière œuvre, donc c'est cohérent...

J'avais un but en créant ce billet, quelque chose concernant la capacité importante de beaucoup de médiateurs à faire preuve d'un très grand conformisme, lié à leur situation de “professionnels de la médiation”, qui leur fait attacher plus d'importance à la profession qu'à la médiation mais bon, ça importe assez peu et de toute manière j'ai déjà un peu évoqué ce tropisme par ailleurs, cette idée de base qu'il est beaucoup plus nocif pour la société qu'un médiateur fasse mal son métier, la médiation que ce ne l'est pour d'autres métiers qui ont un impact limité sur la société. Bon ben voilà, c'est dit, quant à La Dispute, c'est suffisant ainsi, elle est inintéressante au possible, j'ai craché ma bile, ça ira bien comme ça.

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