Si vous avez une intelligence très au-dessus de la moyenne, mais alors, vraiment très au-dessus, du genre qui fait que les associations de “surdoués” qui s'la pètent grave avec leur sentiment assez mal fondé de supériorité c'est plutôt des associations de débiles légers pour vous, alors vous avez du connaître des problèmes comme ceux que j'ai pu éprouver dans mon jeune temps: les enfants et les adolescents n'aiment pas les personnes de ce genre, et je dois le dire, les enseignants non plus – moins les enseignants du primaire, par contre dans le secondaire c'est compliqué. Mais de ce que je crois comprendre, le milieu scolaire, en tout cas en France, n'aime pas les personnes “hors-normes”, et peu importe quoi est hors cadre et dans quelle direction.
Vous connaissez probablement la notion aporétique de l'ignorance et de la connaissance, plus on ignore, plus on ignore qu'on ignore, donc plus on croit qu'on sait, plus on connaît, plus on connaît qu'on ne connaît pas, donc plus on sait qu'on sait. Les formules les plus courantes n'ont pas cette forme. C'est comme le libre arbitre, si on se croit libre on réduit son libre arbitre, si on se sait non libre on augmente son libre arbitre. La question centrale est celle de la croyance et de la science: croire c'est ne pas savoir, savoir c'est ne pas croire.
Donc, Ma Pomme, le Centre du Monde, l'être le plus intelligent de la Terre ou pas loin. Sous un aspect c'est vrai, sous un autre c'est faux. Si on mesure ma supposée intelligence avec un thermomètre à intelligence, probable que je ferai péter le thermomètre, qui n'est pas prévu pour mesurer mon niveau. Et puis? Est-ce que mon “siège de l'intelligence” est “plus haut que celui de tout autre”? Pas vraiment. Pas du tout. Donc, que mesure ce thermomètre? Une sorte de température de l'intelligence: j'ai une intelligence “très chaude”, je suis activement intelligent. Pas toujours, cela dit, parce que l'intelligence est réellement une question de température, l'organe qui permet à l'organisme d'augmenter son niveau d'intelligence active, qu'on peut nommer discernement, est le cerveau. Ce n'est pas “le siège de l'intelligence”, laquelle est dans tous le corps et plus particulièrement en périphérie, qui dans sa totalité est un “organe de sens”, le lieu où l'organisme recueille des sensations provenant de ce qui est extérieur à l'organisme. Les êtres les plus complexes, entre autres les vertébrés mais aussi certains invertébrés, notablement certains mollusques, tels les poulpes, ont des parties de la périphérie plus spécialisées qui recueillent des sensations dans une forme et dans une frange particulières mais dans tous les cas le type de sensations recueillies sont de deux formes, “ondes” et “corpuscules”, et dans tous les cas il y a une transformation de la sensation reçue qui lorsqu'elle est transférée vers l'organe de discernement l'est toujours sous la forme d'un signal électrique discret, discontinu, des “bits”. On peut leur donner divers noms, 0 et 1, OUVERT et FERMÉ, OUI et NON, VRAI et FAUX, etc.On peut aussi les définir comme “positif” et “négatif”, qui désigne la polarité du signal électrique.
Effectivement, le signal est continu, le nerf qui relie un point de sensation au cerveau n'est pas discontinu et “plus ou moins connecté”, il est continu et connecté en permanence, s'il ne l'est plus ce sera définitif. Pas strictement définitif, l'organisme a des capacités plus ou moins importantes de réparation de ce type de rupture, mais certaines ruptures sont irréparables, si on sectionne le nerf optique, il faudra installer une prothèse qui rétablira artificiellement la connexion (pour l'instant ça n'est pas encore possible mais du moins, quand la rupture est très périphérique c'est possible, ces derniers temps des équipes pluridisciplinaires, un peu partout dans le monde, mettent au point des prothèses à base de processeurs et de capteurs “numériques” ou biologiques qui peuvent simuler l'activité de l'iris ou de la pupille ou/et stimuler les capteurs biologiques défaillants).
Etc. Dingue comme c'est compliqué de discuter de choses simples par écrit! Bon ben je laisse tomber. C'est un problème aussi pour soi d'être très (ou trop?) intelligent, on a trop cruellement conscience que “les autres” sont au moins aussi limités que soi.