J'entendais ça sur ma radio, France Culture, il y a un instant, au journal de 7h de ce samedi 29 février 2020 – tiens c'est vrai, nous somme une année bissextile, c'est pas le genre de trucs auxquels je pense, sauf les 29 février, et brièvement. Donc, ce journal: on m'y annonçait un “Conseil de Défense” et un “Conseil des ministres” exceptionnels en rapport à la pandémie virale actuelle, causée par un coronavirus d'origine spécifique indéterminée si son origine géographique est en revanche déterminée. Le «Conseil de Défense et de Sécurité nationale» est un truc «ayant pour but de fixer les objectifs et de coordonner la politique de sécurité et de défense», ce que son nom indique, c'est évident. Ce genre de conseils est une vieille lune, et d'aussi loin qu'il y en a une France, soit depuis 1906, c'est un «comité Théodule», une «commission politique ou administrative supplémentaire créée mais qui a peu ou pas d'utilité», nous dit le Wiktionnaire. Un autre Grand Homme évoqua lui aussi ce genre de commissions, disant d'elles, «Quand on veut enterrer une décision, on crée une commission». C'est exagéré mais du moins ça pointe une réalité: les “commissions” ou “comités” ou “observatoires” sont rarement créés pour résoudre quelque chose, même si parfois ils deviennent efficients. Ce genre de généralisation, “comités Théodule”, “commissions funéraires”, est toujours fausse mais jamais inexacte.
Ici je m'interroge: qu'est ce “Conseil de Défense” en 2020? Selon l'article réglementaire R1122-1 du Code de la défense, il
«définit les orientations en matière de programmation militaire, de dissuasion, de conduite des opérations extérieures, de planification des réponses aux crises majeures, de renseignement, de sécurité économique et énergétique, de programmation de sécurité intérieure concourant à la sécurité nationale et de lutte contre le terrorisme. Il en fixe les priorités».
L'article législatif L1122-1 est très succinct:
«La composition et les modalités de convocation du conseil de défense et de sécurité nationale sont fixées par décret en conseil des ministres».
C'est défini, par le «décret n° 2009-1657 du 24 décembre 2009 relatif au conseil de défense et de sécurité nationale et au secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale», dans les articles réglementaires qui suivent l'article R1122-1:
«Art. R1122-2. - Dans sa formation plénière, le conseil de défense et de sécurité nationale comprend, outre le Président de la République, qui le préside:
1° Le Premier ministre;
2° Le ministre de la défense;
3° Le ministre de l'intérieur;
4° Le ministre chargé de l'économie;
5° Le ministre chargé du budget;
6° Le ministre des affaires étrangères,
et, s'il y a lieu, sur convocation du président, d'autres ministres pour les questions relevant de leur responsabilité.
Art.R1122-3. - Le conseil de défense et de sécurité nationale peut être réuni en conseil restreint, dans une composition fixée par son président en fonction des points figurant à son ordre du jour. Il peut également être réuni en formation spécialisées».
Dans une guerre d'intervention ou dans une guerre de frontière, on peut comprendre à quoi il sert de convoquer un tel conseil; dans la “Guerre contre le Terrorisme” ça devient déjà douteux; dans la “Guerre contre le Virus”, à quoi ça peut bien servir? Censément, on a un “dispositif ORSEC”, un «dispositif Organisation de la Réponse de Sécurité Civile». Voici sa description:

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En complément, cet encadré qui figure juste en-dessous sur la documentation gouvernementale:

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Factuellement, que peut faire de plus efficace le “Conseil de Défense” que le “dispositif ORSEC” en cas d'épidémie? Rien. Je suis «à l'écoute des consignes données par les autorités», et vous savez quoi? Les textes de ces consignes, les images fixes et animées, sont exactement les mêmes que lors des précédentes “alertes au virus” concernant une épidémie définissable comme “de type grippale”, en ce cas c'est exactement les mêmes textes que lors du dernier épisode anxiogène d'épidémie de grippe, on a juste changé un mot: “coronavirus” au lieu de “grippe”. J'admets, nos gouvernants ont appris de leurs erreurs, dans une monarchie républicaine le prince doit se rendre au chevet de ses sujets et son Conseil doit se réunir en conclave et faire des incantations magiques pour conjurer le sort. C'est inefficace fonctionnellement mais ça rassure le Bon Peuple – les manants...
Dans ses débuts, bien qu'aux postes-clés, aux postes “régaliens” et aux positions de pouvoir les plus hautes il y eut des vieux de la vieille connaissant bien le système, pour faire comprendre aux néophytes la nécessité des rituels magico-religieux aucune explication ne valut, seule l'expérience enseigne; le Démiurge en chef étant aussi un néophyte, à chaque nouvelle crise on commit la grande erreur de ne pas tenir compte des leçons du passé; lors du précédent épisode d'épidémie anxiogène justement, il y eut beaucoup de retard au démarrage, naïvement les “responsables” ont minimisé, et ont dit le vrai: tout est sous contrôle, les secours s'organisent, le dispositif se met en place. C'est sans effet: quand on est “au sommet“, pour “prouver” qu'on agit il faut agiter les bras et lancer quelques formules propitiatoires, et Jupiter doit descendre de l'Olympe pour “prouver”, en s'approchant des scrofuleux, en “touchant les écrouelles”, en “imposant les mains”, d'une part qu'il est invincible, de l'autre qu'il a “les choses en mains”. C'est un peu, et même beaucoup, le problème quand on fait de la politique émotionnelle: on ne peut pas user efficacement d'arguments rationnels pour “rassurer le bas peuple”.
De l'intérêt de la démocratie plutôt que la monarchie: ça évite de s'agiter pour rien, ce qui est donc d'une efficacité douteuse mais d'un coût certain.