Olivier Hammam (avatar)

Olivier Hammam

Humain patenté mais non breveté.

Abonné·e de Mediapart

1158 Billets

5 Éditions

Billet de blog 30 mars 2025

Olivier Hammam (avatar)

Olivier Hammam

Humain patenté mais non breveté.

Abonné·e de Mediapart

Sophismes.

Il est des propos vrais, il en est de faux, il en est d'à la fois vrais et faux, il en est d'à la fois faux et vrais, il en est de ni vrais ni faux ou ni faux ni vrais. Est-ce à moi de dire si tel est de telle texture? Oui et non: oui parce que je peux et parfois dois partager mon opinion sur mes propos, non parce que ça n'a pas une utilité remarquable.

Olivier Hammam (avatar)

Olivier Hammam

Humain patenté mais non breveté.

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

La première raison qui fait que ça n'a pas une grande utilité…

Bon, ça commence mal. Mais ça ne peut que commencer mal dans un discours du genre de celui-ci: il y a deux raisons faisant que partager son opinion sur ses propres écrits n'a pas une utilité remarquable, les deux sont irrécouvrables et nulle n'est première, nulle seconde. Que j'écrive ou non une imbécillité comme «La première raison» n'a guère d'importance, le simple fait d'avoir à les énoncer l'une après l'autre rendra l'une “première”, l'autre “seconde”. Quand on souhaite parler de sophismes en évitant les sophismes on se confronte à ce problème: le motif premier d'émettre un discours est de persuader, ensuite on peut tenter de convaincre mais pour cela il faut d'abord persuader, c'est-à-dire amener son auditoire ou son lectorat à bien vouloir recevoir ce discours, et avoir l'amabilité de tenter de l'interpréter de la manière dont on le souhaite. Or, persuader est l'art du sophiste, convaincre étant celui du dialecticien.

La rhétorique est l'art du discours ou art oratoire, l'art de dire, car la parole est d'abord et surtout orale, même si ses procédés valent pour ce qui concerne l'organisation d'un discours écrit et l'usage de “figures” – l'utilisation de certaines formes, comme l'anaphore, l'épiphore, le zeugme, ou le report de significations d'une réalité à une autre, comme la métaphore, la synecdoque,  la prosopopée, etc. Je prétends, et suis certain du fait, que les mots disent tous le faux, les discours tous le vrai: les premiers, parce que chacun attribue une signification qui lui est propre à chaque mot, donc supposer une “vraie signification” à un mot est une erreur; les seconds, parce que chacun attribue une valeur de signification à tout discours, et que même la valeur “ça ne signifie rien” ou “c'est une mensonge” ou “c'est faux” est vraie en soi, vraie pour qui émet cette opinion. Partant de ces constats, on ne peut que faire cet autre constat, qui en découle: il n'est pas d'une utilité remarquable que l'émetteur d'un discours donne une opinion sur ses propos s'il ne parvient pas en premier à mettre ses récepteurs dans un état d'esprit favorable.

Un bon discours est un discours efficace, donc peu importe qu'il soit à proprement parler convaincant. La conviction peut s'acquérir parce que l'on est convaincu ou parce que l'on est persuadé, dans le premier cas il s'agit de converger par l'argumentation et le discernement, par la raison, dans le second, par le sentiment ou l'émotion, par la passion. Reste que, dans tous les cas on doit en passer d'abord par le sentiment en un sens très concret, par les sensations et l'intellection, c'est-à-dire, selon le TLF (le Trésor de la langue française), l'«opération par laquelle l'intellect, par opposition à l'imagination, comprend ou conçoit par des processus abstraits et logiques», selon le Wiktionnaire, l'«activité de l’intellect, [l']acte par lequel l’esprit conçoit», la compréhension. – il donne aussi comme antonyme imagination. Sous bien des aspects l'intellection et l'imagination convergent, du fait que l'une et l'autre se construisent à partir des sensations, mais la seconde ne procède pas à l'analyse abstraite et logique, à la raison, et en reste à l'impression, à la représentation comme réalité globale et inanalysable, en reste au sentiment. Or le sentiment surpasse nettement la raison parce que ce que l'on vise n'est pas la conviction partagée mais, comme le dit le droit français, l'intime conviction. Comme dit l'autre, «le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point».


En cherchant dans mes brouillons je tombe sur celui-ci, en date du 11 décembre 2024. Je comprends aujourd'hui pourquoi je l'ai abandonné si vite il y a presque quatre mois: rien à ajouter. Du coup je le publie.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.