Après un an de lutte responsable, c’est désormais l’occupation de l’usine de Gémenos près de Marseille qui a été votée par 98 personnes sur les 100 présentes en assemblée générale le 2 septembre dernier. Unilever continue de refuser le plan alternatif des salariés, en multipliant les manœuvres de mauvaise foi.
Article publié dans la Nouvelle Vie ouvrière du 7 Octobre 2011
Comme le symbole naissant de la lutte sociale, la détermination des salariés de Fralib s’inscrit dans la durée, depuis la décision de fermeture du site de Gémenos (13). C’est en septembre 2010, que le groupe Unilever a annoncé son intention. Depuis le 2 septembre l’usine est occupée alors que 134 lettres de licenciements sont arrivées dans les boîtes aux lettres de salariés le 31 août dernier. Tous les accès extérieurs de l’usine ont été soudés. Personne ne peut rentrer sans montrer patte blanche au portail principal. L’entreprise de sécurité qui contrôlait les accès a été congédiée pour être remplacée par les salariés du site. Il faut protéger l’usine ! Eviter à tout prix que les machines ou la marchandise soient déménagées ou détériorées.
Si Unilever ne veut plus de cette usine, qu'il nous la cède
Dehors, les banderoles, les calicots, ou les autocollants annoncent la couleur. « Fralib vivra avec le thé Eléphant ». Ici plus personne ne prononce Lipton. L’appel au boycott de la marque phare d’Unilever est suivit à la lettre. La fête de l’Humanité à La Courneuve (93) vient de passer. Les Fralib y étaient. Les signatures de la pétition pour le maintien de l’activité avec tous ses emplois sont au nombre de 8000 maintenant. Plus de 600 personnes ont rejoint le comité national de lutte pour Fralib. Dans l’usine, depuis plusieurs semaines c’est le grand défilé. La plupart des candidats de gauche à la présidentielle font le détour par Gémenos et visitent les lignes de production de l’usine de sachets de Thé Eléphant. François Hollande, candidat aux primaires citoyennes a même proposé d’organiser une réunion avec les ministres, les experts et les élus locaux… A suivre.
Maintenant que cette lutte se politise, parmi les quelques rares personnalités politiques de droite qui soutenaient les salariés, certains ont vite fait de retourner leur veste lorsque les premières lettres de licenciements sont arrivées. Côté médias, c’est également l’affluence, à commencer par la presse locale, le Nouvel Observateur, l’Humanité, Regard et d’autres encore. Canal+ est passé par-là et a diffusé un reportage dans une émission de grande écoute. Toute la semaine suivant le 26 septembre, le journal de 13h00 de France 2 en a fait son « feuilleton de la semaine ». La première projection publique du film de Claude Hirsch, « Pot de Thé/Pot de Fer » a eu lieu dans l’usine le 23 septembre. Il retrace la lutte des Fralib depuis le début. Les députés du groupe communiste de l’Assemblée Nationale envisagent maintenant le dépôt d’un projet de loi visant à protéger les salariés candidats à la reprise de l’activité de leur entreprise. Le Conseil Régional PACA, comme le Conseil Général ont promis leurs soutiens et des aides conséquentes pour soutenir la production et la marque Eléphant, présente depuis 118 ans en Provence. C’est le patrimoine et le savoir-faire qui sont défendus ici.
La Bataille est également judiciaire
Autant de faits marquants qui redonnent l’espoir aux salariés, alors que le groupe Unilever persévère dans son attitude de mépris. Les audiences judiciaires se suivent les unes après les autres. Tantôt sur le fond de l’affaire d’autres plus sournoises pour faire pression sur les représentants du personnel, mais Olivier Leberquier, le délégué CGT et Gérard Cazorla, le secrétaire CGT du CE ne se laisse pas démonter. « Nous irons jusqu’au bout ! » affirment ensemble les deux compères. « Unilever a mis les deux syndicalistes CGT les plus combatifs dans la même usine ! » Sourit Gérard avec son accent marseillais. En attendant il est convoqué devant le tribunal correctionnel le 11 octobre prochain. Le 6 septembre dernier c’était Olivier Leberquier qui était devant un juge de Nanterre pour diffamation. Il a gagné. Unilever est aussi prêt à tout sur le plan judiciaire. Ainsi en changeant l’adresse du siège social initialement à Rueil-Malmaison (92), mais désormais à Gémenos - pourtant voué à la fermeture - , le géant de la distribution change aussi de tribunal. Aix-en-Provence et Marseille ne sont malheureusement pas réputés comme exemplaires sur le droit du travail, contrairement à Nanterre dont dépendait Fralib jusqu’à présent. Le 4 février 2011, une première procédure de fermeture a été cassée par un juge marseillais. Elle sera suivit par deux autres en mars et en juin et une troisième en juillet. Toujours avec le même manque d’information aux représentants du personnel et toujours avec les mêmes arguments économiques. Le même juge autorise la fermeture cette fois-ci, le 21 juillet dernier, en augmentant toutefois le plan de sauvegarde des emplois (PSE) à hauteur des moyens du groupe. « Entre Nanterre et Marseille ou Aix-en-Provence, les conditions du traitement d’un dossier judiciaire ne sont pas les mêmes… » Se désole Olivier Leberquier. La CGT a fait appel. L’audience est prévue le 19 octobre.
L'usine prête à redémarrer
Dans l’usine, désormais aux mains de ses ouvriers et techniciens qualifiés, tout est à l’arrêt, mais prêt à redémarrer. Il suffit d’appuyer sur le bouton pour que les chaînes automatiques, les robots et les chariots de marchandises soient à nouveau actifs. Les salariés aiment leur usine aussi bien pour sa modernité que pour le symbole qu’elle représente aujourd’hui. Chacun est convaincu du bien fondé de son action. La lutte est exemplaire de démocratie chez Fralib. Aussi, le niveau de syndicalisation en est le reflet. Sur les 182 salariés, 92 sont adhérents de la CGT. Une CGT qui ne cesse de démonter les arguments économiques du groupe propriétaire Unilever. Lorsque celui-ci soutien que cette usine ne serait pas rentable, Olivier Leberquier donne quelques chiffres qui prouve le contraire. « Une boite de 25 sachets de thé ou d’infusion est vendue entre 1,80 € et 2,60€. Le coût du travail dans ces productions revient à 0,16 €, en incluant toutes les cotisations sociales. » Affirme le délégué CGT.
Dans une affaire précédente près de Poitiers (86), Unilever a cédé une usine complète pour le franc symbolique alors que sa valeur réelle se situait autour des 16 millions de francs à la fin des années 1990. C’est donc possible ! C’est ce que les salariés de Fralib veulent eux aussi obtenir. « Si Unilever ne veut plus de cette usine, pas de problème qu’il nous la cède. Nous saurons la faire vivre et développer le marché local », soutiennent Gérard et Olivier.
Au lieu de cela, Unilever aurait proposé 17 postes dans l’usine polonaise de Katowice où a été délocalisée 78% de la production. Une proposition au salaire de 5000 euros par an.
Décidément, le cynisme n’a pas de limite, chez ces gens là !