olivier perriraz (avatar)

olivier perriraz

Metteur en scène pour l'Epicerie culturelle

Abonné·e de Mediapart

79 Billets

1 Éditions

Billet de blog 14 janvier 2014

olivier perriraz (avatar)

olivier perriraz

Metteur en scène pour l'Epicerie culturelle

Abonné·e de Mediapart

La catastrophe est inévitable!

Les jours passent avec leurs cortèges d'évènements. Un nouvel orgasme médiatique en chasse un autre dans un temps rythmé par le bon ou le mauvais mot distillé au bon moment. Tout est événement et finalement n'est que banalité ! Tout n'est que dérision !

olivier perriraz (avatar)

olivier perriraz

Metteur en scène pour l'Epicerie culturelle

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Les jours passent avec leurs cortèges d'évènements. Un nouvel orgasme médiatique en chasse un autre dans un temps rythmé par le bon ou le mauvais mot distillé au bon moment. Tout est événement et finalement n'est que banalité ! Tout n'est que dérision ! Et parfois une émotion prend le dessus, le temps d'un fait divers. La presse se déchaîne à en perdre haleine oubliant ses premiers devoirs, l'information et la recherche de la vérité dans le respect de la déontologie, le tout dans une société malade de ses éducations et finalement bien misérable.

Sommes-nous tombés si bas dans notre éducation populaire ? Il suffit qu'un crétin antisémite crache son venin, pour que tout s'emballe, de la presse, des élites politiques, jusqu'aux milliers, voire millions, d'individus en mal de repères qui, sur les réseaux sociaux deviennent des adeptes de ses gestes, de ses propos infâmes à la condition humaines. Ils n'ont même pas conscience de ce qu'ils singent ou répètent. Ils rigolent parce que c'est rigolo. Ils mélangent tout, Israel, la Palestine, le sionisme, l'antisémitisme, la Shoah, l'ancien testament, sans libre arbitre, sans connaissance, sans opinion. Plus rien n'est sacré, rien n'est grave tout est blague. "Tout est complicité ! Tous sont traîtres à tous, les extorqués faisant cortège aux extorqueurs. Et la Foule se rue à trainer les vaincus par les pieds dans la rue." Ecrivit Victor Hugo. Seraient-ils donc des millions d'antisémites, ou d'abrutis ? Certes non. Ils sont plus simplement des individus devenus une masse sombre au pouvoir de destruction extraordinaire. Pas n'importe quelle destruction, celle de l'humanisme, de la citoyenneté, celle de l'indispensable et obligatoire éducation contre l'oubli des infamies.

 Dans l'emballement médiatique et politique qui suit, le premier réflexe consiste à rechercher le ou les responsables de ce phénomène qui nous pète à la gueule. Hélas, il n'y en a pas, ou plutôt nous nous apercevons parfois avec horreur que nous sommes tous responsables à un moment ou un autre. Les adultes dans les familles, les professeurs dans les écoles, les politiques devant leurs auditoires, les journalistes dans leurs articles, les artistes devant leurs publics, tous à un moment donné nous nous sommes détournés de notre rôle d'éducateur. Comment construire une société cultivée si la base de son histoire n'est pas transmise dans les valeurs d'humanisme, de partage et de tolérance ? Nous n'avons finalement créé qu'une société basée sur la consommation, que nos élites politiques nous répètent à longueurs d'interviews. Il faut consommer pour faire plus de croissance, il faut travailler pour mieux consommer etc... L'effort culturel, besoin des individus éduqués fait place à la paresse intellectuelle de la masse populaire. Si plus rien n'a d'autre sens que la volonté de pouvoir, la consommation, l'assouvissement, le besoin de paraître, la facilité, c'est la dignité qui se perd. Au moment de faire notre autocritique avec mesure et sans culpabilité, à partir d'un événement qui interpelle observateurs et exécutifs, plus rien... Nous passons à autre chose bien sûr et la course folle reprend le dessus.

 Au travail, au syndicat (lorsqu'il y en a), à l'école, la soif de pouvoir autorise tout ! Il faut être le premier, il faut réussir sa vie pour mieux consommer. Ainsi la politique ne se concentre que dans l'unique but de devenir Roi ou Reine. Certes Monarque démocrate et élu. Que ce soit de cette pathétique Vème République, d'une Région ou d'une Capitale, d'un Département ou d'une simple bourgade, il faut que chaque communauté ait son Altesse et que celle-ci devienne tantôt l'icône, tantôt le bouc émissaire. Alors que notre société est parvenue à se libérer des tyrans du passé, l'église, l'aristocratie et son système féodal, alors que le progrès technique offre une plus grande liberté de mouvement, alors que les médias ouvrent notre regard sur le monde et le pouvoir politique, l'aidant à se démocratiser, notre masse humaine, telle une populace primitive et avide retombe dans l'abrutissement généralisé pour mieux s'autodétruire.

 Le Roi découche et tout le monde est cocu ! L'orgasme médiatique reprend de plus belle, à tel point que la conférence de presse de ce petit bonhomme, devenu Ubu Roi, à le même caractère d'importance que le premier pas sur la lune. Que va t'il nous raconter de ses amours ?Ainsi tout est banalisé. Le temps n'existe plus. Il faut aller vite passer à autre chose et assouvir la soif de curiosité malsaine qui secoue les rédactions en mal de lectorats. Notre démocratie est malade et la presse qui devrait la soigner est encore plus malade.

Il suffit observer un kiosque à journaux ou d'allumer sa télévision pour constater l'étendue des préoccupations de notre société. People, sexe, vitesse, voiture, consommation et nouvelle technologie se disputent la primauté de nos passions. La Politique, bien présente sur les rayons offre aux yeux de nos concitoyens l'apparence et le mot choc des unes des hebdomadaires. On y règle ses comptes au travers d'édito tous plus creux les uns que les autres. D'analyse réelle il n'est que très peu question, mais le sondage, la surprise que pourrait créer telle personnalité ou telle candidature à une prochaine élection, le fait divers politique ou encore le destin de tel homme ou de telle femme restent les assurances de bons profits tirés des ventes de ces organes de presse devenus simples marchandises. Dérive de la cinquième République, la Monarchie présidentielle trouve grâce à longueur de colonnes dans nos hebdomadaires relais et idiots utiles pour une classe dirigeante qui contrôle le coffre fort et la survie économique des médias.

 Cette maladie économique, touchant la plupart de nos entreprises de presse devient ainsi la maladie incurable de notre démocratie. La corruption passive contrôle tout ! Jusqu'à l'Etat qui subventionne tout le monde y compris la presse de caniveaux. Notre loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ne sert plus à grand chose si cette même presse n'a plus pour objectif principal la recherche de la vérité dans une déontologie sacralisée. Comment le pourrait-elle d'ailleurs ? Qui sont les véritables propriétaires des titres de journaux, de radios ou de télévisions ? Ici un patron d'armement, Sénateur corrupteur peut-être criminel, là un autre groupe d'armement, là encore une banque, des banques, des groupes industriels. La financiarisation de l'information domine le monde médiatique français dans sa quasi totalité. Même au sein des entreprises de presse dites d'opinions, ces lobby financiers ont réussi à se faire une place de choix, par le biais de la publicité. A l'Humanité, par exemple ou encore à la Vie ouvrière - organe de la CGT où je suis encore salarié, sans conviction devant le climat de renonciation qui y règne - la publicité, le clientélisme ou la survie économique sont devenus les leviers de l'information.

 Les influences sont certes cachées, mais elles existent bel et bien et sonnent régulièrement le rappel aux oreilles des rédacteurs en chefs, des directeurs de rédactions et parfois même et c'est beaucoup plus grave aux oreilles de certains journalistes qui procèdent à l'autocensure, soit dans le choix des sujets à traiter ou pire dans la rédaction de leurs articles.

Comment dans ces conditions, le lecteur, le peuple peut-il encore s'informer avec choix, transparence et liberté d'expression, véritables garanties de notre démocratie ? Tout cela n'est pas neuf, certes, il n'est pas question dans ce billet de découvrir la lune. Devant ce triste spectacle et les renonciations de nos élites politiques, l'avenir de la démocratie est en jeu. Comment en sommes nous arrivés là ? L'urgence de nouvelles règles, de nouvelles lois sur cette indispensable liberté de la presse nous est posée. Le programme du conseil national de la Résistance en 1945 avait pourtant formalisé les choses « {…} afin de protéger : la pleine liberté de pensée, de conscience et d'expression; la liberté de la presse, son honneur et son indépendance à l'égard de l'Etat, des puissances d'argent et des influences étrangères {...} ». Revenir à cette simple déclaration dans le contexte que nous vivons actuellement est-il impossible ?

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.