Musiciens, comédiens ou danseurs, ils sont en pleine détresse. Non seulement les réformes de l'Etat réduisent leurs ressources financières, mais Pôle Emploi les prend en joue. En usant de contrôles, intimidations et radiations en tous genres, il fragilise encore un peu plus le pouvoir d'achat, de professions nécessaires à la culture générale des citoyens.
Publié dans le Nouvelle Vie Ouvrière 3440 du 20 mai 2011
C’est presque passé inaperçu.
Une grande victoire a pourtant été remportée lors des dernières négociations de la convention Unedic du 25 mars dernier. Les saisonniers n’auront plus à subir l’application du coefficient réducteur sur leurs prestations d’assurance chômage, qui pouvaient réduire leur pouvoir d’achat de près de 50%. Ainsi, pour environ 400 000 salariés, la notion de saisonnalité ne sera plus vécue comme une double peine et leurs niveaux de rémunérations devraient être calculés à la justesse de leur travail.
Pour d’autres catégories de salariés en revanche, la lutte permanente de la reconnaissance des droits reste un souci quotidien. C’est le cas des artistes du spectacle vivant. Le théâtre, la musique et la danse ne peuvent être que des secteurs d’emploi où la continuité du travail doit être aménagé. Le recours à l’intermittence, véritable sécurité sociale professionnelle, est possible grâce au recours des prestations de l’assurance chômage que gère l’Unedic.
507 heures
Pour un comédien, un musicien ou un danseur il faut totaliser 507 heures de travail calculées sur une période de 319 jours (soit dix mois et demi) pour bénéficier d’une prestation Assedic durant les périodes sans emploi de 243 jours (soit huit mois). Les techniciens du spectacle sont également couverts par cette convention, mais le calcul se fait sur 304 jours. La diversité des métiers de technicien est telle que le recours au statut d’intermittent est régulièrement utilisé par nombre d’entreprises ne relevant pas des métiers du spectacle. Ce statut d’intermittent, qui n’est pas un métier, est envié par tous les autres pays européens. Mais cet acquis gagné par la lutte est constamment remis en cause par des pratiques sournoises opérées par la direction de Pôle Emploi.
Mise en concurrence des artistes et techniciens et tentatives sournoises
La première méthode consiste à concurrencer techniciens et artistes en deux annexes respectivement numéroté 8 et 10. En l’occurrence, la CGT revendique une fusion des deux annexes regroupant toutes les catégories de métiers dans un seul régime. L’allongement récent de la liste des métiers relevant de l’annexe 8 risque de permettre un peu plus d’abus de la part d’employeurs qui préfèrent imposer le statut d’intermittent du spectacle, plutôt que d’assumer des responsabilités sociales en embauchant en CDI ou CDD des salariés dont le métier ne relève pas du spectacle. « Je suis plasticienne et graphiste et à ce titre enregistrée à la maison des artistes » explique Martine à Lyon. « Lorsque Euronews [chaîne de télévision d’information continue ndlr] a voulu m’imposée le statut d’intermittent j’ai refusé et demandé une requalification en CDD ». Après cinq ans de procédure, la cour de cassation donne raison à Martine et elle voit toute sa période de travail requalifiée en contrat à durée déterminée, lui permettant ainsi d’ouvrir des droits Assedic au régime général, alors qu’elle n’aurait pas pu bénéficier des droits au régime de l’intermittence, puisqu’elle ne totalisait pas les fameuses 507 heures. « Le problème, c’est que les gens acceptent, par peur de ne pas retrouver une autre période travail. Les entreprises audiovisuelles abusent, ce statut d’intermittent a été créé pour des gens travaillant dans le spectacle. » Dénonce Martine.
Précision importante au regard de l’activité d’une chaîne de télévision. Ce genre d’exemple est régulièrement pointé par la CGT spectacle. A la fin de la grève des artistes et techniciens en 2003 durant laquelle nombre de festivals d’été ont dû annuler des représentations, le gouvernement a sermonné les entreprises audiovisuelles. Les promesses n’engagent que ceux qui les croient et les abus sont toujours légion. Il n’est pas rare, par exemple de trouver des journalistes inscrits au statut d’intermittent du spectacle. Ainsi à Radio France la notion d’animateur-producteur est bien pratique : Elle permet de s’exonérer d’une convention collective bien plus protectrice des droits du journaliste.
Autre tentative de Pôle Emploi services et du CNCS (centre national cinéma spectacle), l’intimidation par l’utilisation d’articles de lois justifiant le refus d’indemnisation au régime d’intermittent ! Ainsi une compagnie de danse de Languedoc Roussillon s’est vu contester des heures de répétions pour la création d’un spectacle lors d’une résidence, sous prétexte que le création dépendrait du code de la propriété intellectuelle et que de ce fait les artistes de compléments en seraient exclus. Dans une missive envoyée au directeur des affaires juridique de l’Unedic, la CGT spectacle par la voix du syndicat français des artistes (SFA) fait un rappel à l’ordre ; « Nous vous demandons de bien vouloir intervenir urgemment auprès du CNCS pour que cet organisme cesse d’interpréter les textes à tort et à travers et que la lettre, aussi bien que l’esprit de ceux-ci soient respectés », exige le syndicat. Non sans avoir préalablement indiqué que la période de résidence est nécessaire à la création d’une oeuvre artistique et qu’ainsi lesséances de travail sont bien des répétitions, dès lors qu’y participent des artistes interprètes. Pourtant le mal a été fait : la rumeur s’est propagée dans toute la profession et nombres de comédiens de petites compagnies sont persuadés aujourd’hui que les répétitions lors d’une résidence ne sont plus comptabilisées, alors qu’il n’en n’est rien. « Il reste toujours quelque chose de ce genre de tentatives » souligne Christophe Jaillet, conseillé national du SFA et représentant fédéral en Rhône-Alpes. « Aujourd’hui, 100% des contrôles de Pôle Emploi concernent le spectacle vivant et notamment les petites compagnies. Ce n’est pas un hasard, la volonté réelle de Pôle Emploi est de réduire au maximum le nombre d’intermittents indemnisés ».
Le droit à la formation bafoué
Résultat ? Toutes les méthodes sont bonnes et les artistes sont de moins en moins indemnisés alors que ce sont eux qui font le cœur du spectacle vivant. « Il ne faut pas s’étonner après ça que la précarité augmente. Environ 20% des titulaires du RSA (revenu de solidarité active)en Ile de France sont des artistes» ajoute Christophe. Fait aggravant les heures de formation des artistes ne sont plus comptabilisés dans les fameuse 507 heures. Alors que ces métiers nécessitent une constante mise à jour, à chaque fois qu’un comédien, un musicien ou un danseur effectue une période de formation, il ne peut pas être considérer comme travaillant. Là encore la CGT exige la reconnaissance de la formation. Si la convention Unedic est prolongée jusqu’en décembre 2013, nombres de points doivent être améliorés pour que la culture pour tous, sans calcul purement comptable, soit encore possible.
Le juridique pour défendre des droits
Extrait de la lettre rédigée par le SFA, concernant les artistes en résidence.
L’annexe 10 dit clairement qu’elle concerne « les artistes tels qu’ils sont définis à l’article L762-1 du code du travail engagés au titre d’un contrat de travail à durée déterminée par des employeurs relevant de l’article L351-4 ou L351-12 du code du travail. »
La nouvelle codification ne change rien à l’affaire. L’article L7121-2 explicite simplement la liste des métiers. (Voir en savoir plus)
En outre, il n’est nullement dit que ce texte doit être lu à la lumière du code de la propriété intellectuelle, qui de toute façon, ne dit pas ce que le juriste du CNCS voudrait lui faire dire. Le code de la propriété intellectuelle dit que « A l'exclusion de l'artiste de complément, considéré comme tel par les usages professionnels, l'artiste interprète ou exécutant est la personne qui représente, chante, récite, déclame, joue ou exécute de toute autre manière une œuvre littéraire ou artistique, un numéro de variétés, de cirque ou de marionnettes. » L’œuvre n’a évidemment pas besoin d’être « pré existante » et la présence à chaque moment du travail d’un public n’est pas non plus exigée.
« Sont considérés comme artistes du spectacle, notamment : 1° L'artiste lyrique ; 2° L'artiste dramatique ; 3° L'artiste chorégraphique ; 4° L'artiste de variétés ; 5° Le musicien ; 6° Le chansonnier ; 7° L'artiste de complément ; 8° Le chef d'orchestre ; 9° L'arrangeur orchestrateur ; l0° Le metteur en scène, pour l'exécution matérielle de sa conception artistique. »
Pour tous renseignements complémentaires, voir fédération CGT spectacle : site web http://www.fnsac-cgt.com ou syndicat français des artistes interprètes SFA 1 rue Janssen 75019 Paris. Tel 01 53 25 09 09.