Travail et culture (TEC) est menacé dans son existence à Roussillon (38). Les dernières élections municipales et les nombreux changements de majorités, qu'elles ont occasionnées dans plusieurs communes ont des conséquences désastreuses pour les populations, notamment au travers de l'éducation artistique et culturelle.
A Roanne (42), le directeur du théâtre a été licencié, parce qu'il est artiste. C'est en tout cas la raison invoqué par la nouvelle municipalité UMP, qui a choisi d'envoyer la police municipale au domicile d'Abdelwaheb Sefsaf pour lui donner en main propre la lettre lui signifiant son limogeage. On appréciera la méthode... A Saint Priest (69), la programmation a été rejetée par la nouvelle majorité de droite puis modifiée pour faire place à des spectacles plus "grand public" et moins "élitistes"...
A Roussillon, l'équipe municipale UMP fraîchement élue a dénoncé une programmation "Marxiste et Léniniste" avant de voter un retrait pur et simple de sa participation dans l'établissement public de coopération culturelle (EPCC), forme juridique choisie par Travail et Culture (TEC) en 2013 après 30 ans de vie associative. Juste à côté, les nouveaux élu(e)s de centre droit, de la petite ville voisine "Le Péage-de-Roussillon" ont également conditionné leur soutien à la programmation et feront désormais payer au prix fort l'utilisation des équipements culturels de la ville par TEC. Résultat, sur les quatre communes (avec Saint-Maurice-l'Exil et Salaize-sur-Sanne) qui formaient un véritable service public de proximité, il n'en reste plus que deux aujourd'hui qui considèrent que la culture est un élément déterminant de la vie des citoyens de leurs territoires.
Ces choix politiques en disent long sur le rapport à la citoyenneté qu'entretiennent ces élu(e)s, au regard du travail effectué depuis plus de 30 ans par les professionnels de TEC. Sur ce territoire d'environ 50 000 habitants, situé au sud de Lyon et de Vienne dans le département de l'Isère (38), c'est tout un travail d'éducation populaire qui est dénoncé ainsi par les deux communes de Roussillon et du "Péage-de-Roussillon". Au delà des choix de programmations et parfois des risques qui vont avec, ces nouvelles majorités municipales dénoncent en réalité l'énorme travail de médiation culturelle pratiquée par TEC. On ne peux s'empêcher de penser que visiblement pour certains, ces deux mots ne peuvent se joindre dans un projet de société. Car c'est bien de cela qu'il s'agit !
L'art au sens large et surtout l'éducation qui en est faite, sont ainsi remis en cause au profit d'une vision consumériste, marchande, rentable et soit disant populaire. Les nouveaux élu(e)s de ces deux communes estimant sans doute, comme malheureusement dans beaucoup d'endroits, que la culture est avant tout objet de divertissement et qu'il vaut mieux valoriser et proposer ce qui plaît au plus grand nombre, en évitant soigneusement le petit effort de réflexion nécessaire à chaque individu, pour faire progresser ses raisonnements intellectuels... Victor Hugo disait " Savoir c'est pouvoir. Pour faire un critique, commençons par faire un homme. Quand on n'a pas en soi la lumière intérieure que donne l'instruction, on n'est pas un homme ; on n'est qu'une tête du troupeau humain mené par le maître, tantôt à la pâture, tantôt à l'abattoir. La liberté commence où l'ignorance finit." Nous sommes avec cette citation au cœur des dérives de notre société soit disant moderne. Des coucheries d'un président, au fait divers impliquant une starlette de la télé-réalité, ou encore des petites phrases imbéciles d'un footballeur, ces actualités si bien relayées par une presse aux ordres de l'argent, sont autant d'abrutissements véhiculés par une notion du "populaire" et ainsi écartés de l'esprit de citoyenneté. Ce populaire là se révèle bien pratique dans la bouche des plus rétrogrades de nos personnages politiques.
D'où vient la plus grande manipulation ? De ceux qui donnent à réfléchir et construisent l'esprit critique des citoyens à commencer par les enfants ? Ou de ceux qui cherchent à surtout éviter la réflexion pour mieux occuper le désormais fameux "temps de cerveau disponible" ?
Oui la progression de chaque individu passe par une dose d'efforts intellectuels. Il faut sans cesse le réaffirmer pour éviter le retour du fascisme et de la bêtise animale qui l'accompagne. Sans culture, sans travail intellectuel minimum ce sont les réflexes les plus primaires qui font la loi. Ce travail d'éducation aujourd'hui plus que nécessaire auprès des plus jeunes s'avère de plus en plus difficile, mais urgent au regard des événements tragiques qui se déroulent en Syrie, en Irak ou plus près de nous en Ukraine.
Or, les salarié(e)s de TEC peuvent s'enorgueillir de permettre à des milliers d'enfants et d'adolescents d'avoir accès, au moins une fois dans leur parcours scolaire, à une œuvre artistique. Ce sera sans aucun doute pour ces jeunes une façon plus riche d'aborder le monde et de participer à la création d'une société plus juste, pour peu que cette approche éducative soit nourrie au fil du temps.
Depuis l'année 2000 un jumelage a été mis en place entre TEC et l'Education Nationale. Ce territoire choisi par la Direction Régionale des Affaires Culturelles (La Drac), comme lieu d'expérimentation affiche des résultats que beaucoup de communautés de communes aimeraient bien partager. L'année scolaire 2013/2014 aura permis à 14 000 élèves de rencontrer plus d'une cinquantaine d'artistes et de participer à des projets artistiques au travers de la danse, de la musique, du théâtre, du cinéma ou encore de l'art contemporain. Que ce soit le festival jeunes publics ou les parcours d'éducation artistique et culturelle dans les centres sociaux, les centres de loisirs, les bibliothèques ou les médiathèques de l'agglomération du Roussillonnais, ou encore le travail réalisé vers les populations en difficulté, ces investissements sont autant d'éléments qui sont remis en cause par des choix politiques de replis sur soi. Comme le disent très justement les 10 salarié(e)s de TEC dans leur pétition: "Même si nous avons le devoir de respecter le résultat des urnes, nous ne pouvons pas être d'accord avec cette dénonciation, somme toute classique, (d'une culture élitiste, pas assez populaire et pas assez rentable économiquement), comme nous avons plus l'entendre. C'est ne pas vouloir reconnaître tout le travail engagé !"
Pour l'établissement public de coopération culturelle TEC la règle de répartition financière tient compte de la richesse de chacune des quatre communes. Les deux communes qui choisissent aujourd'hui de s'en exonérer sont celles qui versaient la plus petite obole, tout en bénéficiant du même service culturel que les autres. Dès lors, ce sont les populations qui en pâtiront. La seule solution pour Travail et Culture de sortir de cette ornière serait que d'autres collectivités territoriales, à commencer par la Région Rhône-Alpes, s'investissent dans l'implication artistique et culturelle de ce territoire. On peut frémir à l'idée que les prochaines élections cantonales puis régionales produisent les même effets désastreux sur les politiques culturelles locales, tout cela parce qu'une certaine gauche aura trahi ses promesses et renoncé à ses utopies. Aujourd'hui l'EPCC Travail et culture est le fruit né de la volonté d'une poignée de syndicalistes, de militants associatifs et d'élu(e)s au début des années 80, qui avaient une volonté farouche de gommer les inégalités sociales en s'appuyant sur la culture. Il est indispensable de réagir et de défendre le modèle de TEC, par tous les moyens, face à l'abaissement intellectuel de la population et à l'abandon culturel qui se profile.
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