Après l'annonce de la suppression de 33% de la subvention globale de l'orchestre national d'Ile de France, le ministère de la culture s'acoquine avec le Medef, pour justifier un désengagement plus général. La ficelle est grosse et a failli passer inaperçue.
Article publié dans la Nouvelle Vie Ouvrière du 30 décembre 2011
700 000 euros. C'est le montant qu'il devrait manquer ces quatre prochaines années à l'orchestre national d'Ile de France (Ondif). Une somme amputée de la subvention globale dont s'acquittait jusqu'alors la direction régionale des affaires culturelles, émanation locale du ministère de la culture. Ainsi, avec 33% en moins dans le budget, les 115 salariés, dont 95 musiciens et la direction de l'orchestre annoncent ensemble une mise en danger, voulue par le ministère le 4 octobre dernier, sans que de véritables raisons n'aient été données. Une pétition a été lancée et s'étoffe un peu plus chaque jour sur les réseaux sociaux, comme dans la plupart des lieux culturels tournés vers la musique (1).
Si cette décision était confirmée dans les prochains mois, cela voudrait dire que cette formation musicale aurait les mêmes moyens d'existence qu'en 1981. Seul orchestre symphonique à subir une telle réduction de ressource, l'Ondif est également soutenu par le Conseil Régional, qui s'est immédiatement porté soutien de cette institution qui fut créée en 1974. En décrétant ainsi la précarité de cet ensemble musical de première importance, l'Etat une fois de plus par la voie d'un Ministère, en l'occurrence cette fois-ci celui de la culture, espère peut-être reporter ses engagements une sur les collectivités locales...
La méthode de désengagement de l'Etat
Pour quiconque s'intéresse de près ou de loin à la question du financement de la culture, il est important de lier plusieurs faits qui s'accordent entre eux et qui ont eu lieu ces derniers temps sans qu'il n'en soit fait de publicité. Ainsi, huit jours après cette décision de la DRAC d'Ile de France, le 12 octobre, le ministre de la culture distillait ses solutions lors d'une réunion avec la mission pour le financement du spectacle vivant ; « Le Ministre a confirmé son souhait que la mission propose de nouvelles sources de financement pour le spectacle vivant, qui viendraient en supplément des financements budgétaires actuels. » Cet organisme mis en place par le ministère réuni un conseillé maître de la cour des comptes et les directeurs de l'opéra de Lyon, du centre dramatique national de Nanterre Amandiers et du théâtre Edouard VII.
Accord avec le Medef
Plus récemment, le 6 décembre dernier, le même ministre a signé un accord avec le Medef, sur le financement de la culture par le biais du mécénat. La boucle est bouclée ! L'Etat commence par annoncer une réduction de subvention, expliquant ensuite qu'il faut d'autres sources de financement pour finalement s'entendre avec le secteur privé...
A quand les autres réductions budgétaires pour valider ce qu'il faut bien appeler un désengagement de la politique culturelle de L'Etat ? Certes, ce renoncement n'est pas encore total, mais la réduction générale des politiques publiques qui avait déjà sérieusement miné le terrain, alors que les collectivités territoriales supportaient la grande majorité du financement de la culture, vient en plus fragiliser un secteur où la précarité est érigé comme un système de fonctionnement. Ces annonces successives sonnent le glas d'une certaine diversité et surtout donneront à l'avenir l'opportunité d'une politique culturelle clientéliste dont la priorité sera la rentabilité financière, le retour sur investissement aussi bien financier que moral et un besoin de compétitivité. Soit des préoccupations bien éloignées d'un système basé, sur l'ouverture d'esprit, la découverte, la création ou la liberté de pensée, qui sont autant de garants de la démocratie. Ainsi dans le protocole d'accord signé, ce 6 décembre dernier, au chapitre faisant référence aux travaux communs de réflexions entre le ministère et l'organisation patronale, la première note porte sur : « l'économie de la culture, avec l'objectif de mettre en valeur les enjeux de la compétitivité et l'attractivité culturelle ». Rien de moins ! Poids économique de la culture, business models, ou encore PME de la culture sont également évoqué dans cet accord. De quoi sa faire retourner dans leurs tombes, Jean Vilar, Georges Planchon ou encore André Malraux, qui en leur temps souhaitaient une culture la plus ouverte possible et surtout à la portée de tous. Outre la tarte à la crème du développement territorial, qui insinue l'idée que le ministère se repose essentiellement sur les collectivités locales, celui-ci insiste sur ses rapports au secteur privé :
« Chaque fois que possible, des actions communes seront conduites dans les territoires pour développer notamment les relations entres les Medef territoriaux et les Drac et faciliter les mise en contact entre le ministère de la culture et de la communication et des chefs d'entreprises sur des thèmes d'intérêts communs » peut-on lire dans le document qui précise également qu'il est signé pour trois ans et qu'il ne pourra être dénoncé que deux mois avant la date anniversaire.
Autrement dit, quelque soit la couleur politique du prochain ministre, les patrons les plus opportunistes auront trois ans pour mettre la main sur tout un secteur d'activité qu'ils ne tarderont pas à bousiller, on peut le craindre, sans parler des tentatives de dégradations du statut des intermittents du spectacle, qui ne manqueront pas de surgir lors des prochaines négociations paritaires.
La CGT spectacle n'a pas manqué de fustiger cette annonce presque passée inaperçue : « Personne n'a oublié les réformes successives de N. Sarkozy sur l'audiovisuel public, la mise à mal du droit du travail, les restrictions budgétaires pour les services publics et les collectives territoriales et plus près de nous, le nouveau tour de vis sur le financement du spectacle vivant, de l'audiovisuel et de l'action culturelle promis en 2012... Et pour le Medef, nous n'avons sûrement pas oublié 2003 et le coup de force sur l'assurance chômage des salariés intermittents du spectacle vivant et enregistré (les annexes 8 et 10), reconduites en 2006 au mépris du bon sens et des données statistiques.
Pour sûr, nous n'avons pas dit notre dernier mot. La Culture n'est pas à vendre ! » Prévient la fédération. A suivre !
(1) EN SAVOIR PLUS
15 000 signatures ont été apposées sur la pétition pour l'Orchestre national d'Ile de France. Pour y participer, rendez-vous sur :
http://www.orchestre-ile.com/petition/
La NVO daté du 30 décembre a également publié 6 pages de reportage photographique sur les répétitions du spectacle musical "West Side Story" proposé au théâtre de la Croix-Rousse à Lyon. Celles-ci sont consultableen cliquant sur le lien ci-dessous.
http://www.olivier-perriraz.com/2011/12/west-side-story-au-theatre-de-la-croix.html