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Billet de blog 4 juillet 2023

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Vivre comme on meurt. Discours sur les peines infamantes

Déjà sous l'Ancien régime, les criminels n'étaient pas égaux devant la mort. Les nobles étaient décapités; le peuple était pendu. En 1785, un jeune avocat nommé Maximilien Robespierre protestait contre les peines infamantes dans un discours qui n'a pas pris l'ombre d'une ride.

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« L’opprobre avilit les âmes ; celui que l’on condamne au mépris est forcé à devenir méprisable. De quel sentiment noble, de quelle action généreuse sera capable celui qui ne peut plus prétendre à l’estime de ses semblables : privé sans retour des avantages attachés à la vertu, il faudra qu’il cherche un dédommagement dans les jouissances du vice.         

 Si la honte lui a laissé quelque ressort, craignons-le encore d’avantage ; son énergie se tournera en haine et en désespoir ; son âme se soulèvera contre l’injustice atroce dont il est la victime ; il deviendra l’ennemi secret de la société qui l’opprime : heureux s’il ne finit pas par mériter la peine qu’il a d’abord injustement subie et si les lois ne punissent pas un jour en lui des crimes auxquels la barbarie de ses concitoyens l’aura conduit !

(…) Ce n’est ni la raison, ni la vérité, mais l’éclat des distinctions extérieures qui détermine l’estime de la multitude. Voyez comme partout elle considère la vertu moins que les talents, les talents moins que la grandeur et l’opulence ; voyez comme le peuple se méprise lui-même à proportion du mépris qu’on a pour lui.

Partout la splendeur des titres et des dignités attire le respect, l’admiration des hommes ; de là ce penchant impérieux qui les porte à copier les manières et les idées de ceux que leur rang élève au-dessus du vulgaire. Considérez surtout le caractère des peuples soumis au gouvernement monarchique, ne semble-t-il pas que cet esprit d’imitation soit le ressort universel qui les fait mouvoir ? Voyez comme les provinces imitent la ville, comme la ville imite la cour ; comme la manière de vivre des grands devient la règle des peuples, fixe ce qu’on appelle le bon ton, espèce de mérite auquel chacun prétend, et qui est en quelque sorte la mesure de la considération qu’il obtient dans le commerce du monde. Que dis-je ? telle est l’influence de leur conduite, qu’elle efface souvent aux yeux du vulgaire les principes les plus sacrés, et forme presque son unique morale. N’est-il pas des vertus viles et bourgeoises, parce qu’ils les abandonnent au peuple, des ridicules qu’ils mettent en vogue, des vices qu’ils ennoblissent en les adoptant ? Ils pourraient ramener un peuple entier à la vertu, si la vertu d’un peuple n’était point une chimère dans les vastes empires où le luxe irrite sans cesse toutes les passions. »

Maximilien Robespierre, Discours sur les peines infamantes, 1785.

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