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Billet de blog 17 juin 2024

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Sans arrière-pensée: le Front Populaire

Battre le Rassemblement National, changer la vie des gens. C’est le mot d’ordre impératif du Nouveau Front Populaire. Toute autre considération doit être subordonnée à ce mot d’ordre.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

J’ai exprimé mes désaccords avec la France Insoumise durant ces derniers mois. J’ai notamment dit souvent le malaise que suscitait en moi ses discours sur Israël. C’était avant la dissolution. Alors que l’accusation d’antisémitisme est la pièce maîtresse de la campagne contre le Front Populaire, je précise encore une fois mon propos. Je n’ai jamais dit que la France Insoumise était un parti antisémite, accusation magistralement réfutée aujourd'hui dans un autre texte. J’ai dit qu’Israël est un fait historique complexe, torturé, torturant, qui fait partie de mon histoire et de celle de tant d’autres, et qu'on ne peut le réduire à une idéologie maléfique sans produire de dangereux effets de sens. Mais au-delà de ces effets de sens, la position de la France Insoumise sur le massacre à Gaza est en tout-à-fait modérée : exercer sur Israël toutes les pressions pour obtenir un cessez-le-feu est un minimum. La solution à deux Etats n’a d’autre intérêt que son fondement juridique, et je suis pour ma part pour la solution à un Etat, comme Rima Hassan dont j’ai fait ici l’éloge.

Ceci posé, quelque blessure que m’aient infligé les propos de certaines figures de la France Insoumise, l’important est ailleurs. Que nombre de Juifs se soient sentis blessés par les déclarations des Insoumis est indéniable - blessure causée pour partie par les propos réellement tenus et beaucoup par leur amplification déformante dans tous les médias du pays. Mais les Juifs sont d’abord brutalisés par Israël qui, par la violence qu’il déchaîne à Gaza, ne permet plus de s’aveugler sur sa longue violence envers les Palestiniens : on ne peut plus prétendre qu’en définitive, l’Etat hébreu serait un Etat comme un autre, qu’il serait injuste de juger plus sévèrement qu’un autre. Contraints de regarder Israël en face, bien des Juifs souffrent, se tordent et détestent ceux qui le combattent – leurs mots sont scrutés, pesés sévèrement. J’ai fait cela. Cependant il est insensé de prétendre, comme le font Yonathan Arfi, les membres de la majorité, les éditorialistes, que la France Insoumise ferait peser le moindre danger sur les Français de confession juive.

Imagine-t-on un instant un gouvernement composé d’Insoumis promulguer des lois antijuives ? Imagine-t-on un instant un ministre insoumis ne pas offrir aux Français de confession juive la protection due à tout citoyen ?

Je ne reviens par sur mes écrits précédents. Je ne suis plus un militant de la France Insoumise et j’assume pleinement d’exprimer mes désaccords, sans me sentir empêché par une quelconque loyauté. Mais quand, avec la dissolution, vient le moment de la question à choix multiples, quand il ne faut cocher qu’une seule case, il est évident que des critiques portant sur l’épaisseur des propos, les inconscients qu'ils réveillent, les échos qu’ils rencontrent, cèdent aussitôt contre la puissance des actes. Je voterai dans deux semaines, avec enthousiasme et sans hésitation, pour le candidat du Front Populaire de ma circonscription.

Critiquer aujourd’hui, de l’extérieur, le fonctionnement interne de la France Insoumise est puéril. La France Insoumise a toujours eu les défauts de ses qualités. Elle ne peut être jugée qu’à l’aune de ses résultats. Machine de guerre rangée autour de son chef, elle a sauvé la gauche face au tsunami néolibéral. Ce n’est pas sans raison que les Insoumis affirment avoir évité à la gauche française le sort de la gauche italienne. Sans la stratégie de la conflictualité qui leur est aujourd’hui tant reprochée, les idées qui sont au cœur du programme du Front Populaire auraient depuis longtemps disparu du débat public, comme en Angleterre où la gauche n’ose même plus évoquer le partage des richesses, encore moins prononcer le mot « capital ». Des critiques émises pour servir des ambitions personnelles, comme s’il fallait tuer le général au cœur de la bataille, seraient d’une effarante irresponsabilité.

Ces critiques ne pèseront rien face au mouvement populaire qui a contraint les partis à l’union dans l’urgence. Ce mouvement populaire est la plus belle des choses. Un parti est un vaisseau dont le gouvernail tombe souvent entre de mauvaises mains. Quand la force du mouvement populaire outrepasse celle des pilotes, le vaisseau peut aller à bon port.

Demain le repos pour les corps meurtris. Bientôt les quatorze tranches d’impôt, le respect pour les enseignants et les infirmiers, la fin de la police du vêtement dans les lycées, la refondation de la police, l’assainissement de l’alimentation, la fin des grands projets écocides – bientôt les jours heureux ! Vive le Front Populaire !

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