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Billet de blog 29 février 2012

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Prostitution piège à c.. !

Après avoir lu tous les commentaires à l'article d'Ellen Salvi « La prostitution refait un passage à l'Assemblée » du 6 décembre 2011, j'avais le choix entre aller noyer mon désespoir dans le premier beuglant venu (mauvais pour le foie et pour les tympans), casser la gueule à tous les machos (pas le temps et pas assez musclée), ou tenter une contribution au débat – qui n'est décidément pas le plus vieux débat du monde tant le consensus semble grand – sur la prostitution.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Après avoir lu tous les commentaires à l'article d'Ellen Salvi « La prostitution refait un passage à l'Assemblée » du 6 décembre 2011, j'avais le choix entre aller noyer mon désespoir dans le premier beuglant venu (mauvais pour le foie et pour les tympans), casser la gueule à tous les machos (pas le temps et pas assez musclée), ou tenter une contribution au débat – qui n'est décidément pas le plus vieux débat du monde tant le consensus semble grand – sur la prostitution.

Y a pas de putain ici on baise gratis

A vrai dire, la fouriériste dépravée que je suis ne saisit pas le puritanisme reproché aux pourfendeurs de la prostitution. Les 'abolitionnistes' (terme très mal choisi) font l'amour messieurs dames, et pas qu'un peu ! Mais voilà ils préfèrent baiser d'égal à égal, que la bagatelle soit une fin en soi et pas un moyen de permettre à son partenaire de payer ses factures d'Ô.

Alors, comment répondre à Marcel Séjour qui peste contre un débat « stupide et frustré » ? « Ras-le-bol de ces jean-foutre et jeanne-foutresse qui se posent en pères/mères la droiteur tout en étant complices de la détérioration accélérée de la situation des petits, des gens simples, des sans défenses. Que je vende mes muscles à l'exploiteur esclavagiste ou que je vende mon sexe c'est de mon corps dont je dispose et je revendique le droit d'en disposer à ma guise ou selon mes besoins. »

Ni la droiture ni la frustration n'ont grand-chose à voir là-dedans. Il n'est pas question d'interdire la prostitution pour empêcher les individus de s'envoyer en l'air. Qui promeut d'interdire le sexe ? On peut baiser hors du cadre prostitutionnel Dieu merci (façon de parler).

Systèmes d'exploitations

Le problème de la prostitution est qu'elle repose sur un système d'exploitation – que Marcel décrit maladroitement – d'une partie de la population par une autre (en l'occurrence, très majoritairement, les femmes exploitées par les hommes, c'est un fait). Or, il semblerait que Marcel accepte la prostitution en ce qu'elle n'est qu'une déclinaison du système d'exploitation « esclavagiste » capitaliste, lequel brime « les petits », et sa conclusion semble être : alors pourquoi ne brimerait-il pas les prostituées… l'exploitation des masses appliquée aux putes, exploitées par les prolétaires, eux-mêmes exploités par les capitalistes : épatant !

Y a rien à faire, j'ai du mal à imaginer Karl Marx aller au bobinard entre la rédaction de deux chapitres du Capital...

En réalité, le système d'exploitation prostitutionnel relève d'une domination, une domination sexiste, une domination phallocratique : des hommes qui veulent avoir des relations sexuelles avec des femmes (pour des raisons x ou y !) et/ou qui ne veulent pas se contenter d'être onanistes acceptent d'exercer leur domination sexuelle sur des femmes matériellement nécessiteuses (les exceptions, qui existent, ne doivent pas nous détourner de notre analyse systémique sur les 99 % “restantes”).

Parmi toutes les critiques qu'on peut formuler contre ce système très contestable, la plus pertinente est selon moi que notre société ne dit pas aux clients des prostituées qu'ils sont des exploiteurs. Elle laisse faire, pire elle pénalise les victimes du système prostitutionnel (délit de racolage passif) !

La liberté de chacun ne dépend pas du libre arbitre de chacun

La liberté revendiquée par plusieurs commentateurs est souvent invoquée pour légitimer le système prostitutionnel. Or, « vendre ses muscles » ou « vendre son sexe », ça n'est pas tout à fait la même chose. Le législateur a son mot à dire sur l’utilisation que chacun de ses membres fait de son corps. Nous ne nous appartenons pas complètement, notre liberté n'est pas infinie. Sinon, pourquoi ne pas légaliser la vente d'organes ? Le droit ne cesse d'encadrer notre liberté ou de la définir pour mieux la préserver. Une liberté absolue, sans barrières ne peut s'exercer qu'au détriment des plus vulnérables et glisser immanquablement vers la loi du plus fort.

Ainsi le droit à disposer de son corps ne me semble pas recouvrir celui de vendre son cul ; et je ne crois pas que la marchandisation des corps constituerait un progrès sociétal. Le législateur est donc le plus légitime à pénaliser le système prostitutionnel, et plus précisément ceux qui se placent du côté des exploiteurs complices de la pérennité de ce système délétère qui - de surcroît - instille de l'inégalité sexuelle dans toute notre société. Mais ce législateur, sera-t-il assez couillu ?

« Papa, qu'est-ce qu'elle fait la dame sur le trottoir ? »

Par ailleurs, d'un point de vue strictement éducatif, le modèle véhiculé par la prostitution est calamiteux. Les garçons intègrent qu'ils pourront toujours se payer une fille s'ils ne trouvent aucune partenaire sexuelle.

Les défenseurs du système prostitutionnel colportent ce modèle d'apprentissage auprès des plus jeunes, qu'ils en soient conscients ou non. Qu'ils ne s'étonnent donc pas si les inégalités – quelles qu'elles soient – perdurent et s'ancrent dans les mentalités. Comment porter un discours égalitaire quand une société tolère un tel déséquilibre entre les hommes et les femmes ?

De la frustration

Quant aux commentateurs paumés qui s'interrogent sur les alternatives à la prostitution, je leur conseille très amicalement la branlette ou, plus délirant, l'apprentissage de la séduction, du dialogue, de l'ouverture vers l'autre aux fins d'échanger, de batifoler, de folâtrer pour entrevoir la possibilité d'une idylle-éclair ou d'une fulgurante partie de jambes en l'air ou, et c'est malheureusement le cas le plus fréquent, d'un râteau monumental ! Car le problème de la prostitution touche aussi à la question de la frustration, problématique que nos sociétés consuméristes étouffent.

Je m'aventure dans un parallèle : le consommateur qui veut à tout prix une nouvelle télé ne va pas se soucier de la condition de l'ouvrier étranger exploité mais grâce auquel son téléviseur a été fabriqué. Sans lui, pas de télé et comme l'envie du consommateur prime sur la condition de l'ouvrier mal payé et sans couverture sociale, tant pis pour le droit social !

Le client d'une pute décide aussi que son envie prime sur toute autre considération : il veut copuler, il veut assouvir son envie, il loue une femme. Personne ne désapprouve son action (mis à part quelques courageuses fouriéristes prêtes à en découdre !), comme dans le cas du gars qui est soulagé d'avoir acheté sa nouvelle télé. Au contraire, la consommation dans les deux cas est encouragée puisque d'une part, plus on consomme, plus la croissance augmente (et il paraît que c'est une bonne chose... mais puisqu'on vous l'dit !), d'autre part, aucune pénalisation des clients n'est appliquée en droit français ; pire, c'est la prostituée qui est pénalisée et stigmatisée !

Ce n'est pas en pénalisant les esclaves qu'on aurait mis fin à l'esclavagisme.

Chauffe Marcel !

Pour finir en musique – parce qu'elle adoucit les mœurs et parce qu'elle rachète l'homme - voici une liste de chansons à propos :

La complainte des filles de joie, Georges Brassens

Le mauvais sujet repenti, Geroges Brassens

Me llaman calle, Manu Chao

PIMP, 50 Cent

Au suivant, M

Roxanne, The Police

Prosper (Yop la boum), Maurice Chevalier

Milord, Edith Piaf

..... et une chanson d'amour pour Marcel

..... et pour ceux qui ont encore une vision romantique de la prostitution

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