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Billet de blog 9 mars 2018

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Haine des médias ou Médias de la haine?

les quelques mots de JLM à propos de la "haine des médias" ne cesse de produire des ondes de choc qui se traduisent par divers articles exprimant la douleur de la victime (les médias) outragée par une accusation excessive, violente et illégitime. je propose de préciser certains points et de répondre à cette campagne tellement prévisible et hélas soutenue par une mauvaise foi certaine et avérée.

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Ce texte se veut une réponse à un communiqué de la CGT/SNJ dont je donne le lien : https://snjcgt.fr/2018/03/08/jean-luc-melenchon-et-les-journalistes-des-propos-choquants/
Lorsque JLM évoque les médias, de quoi, de qui parle-t-il? La cible est-elle le pigiste précarisé travaillant pour 600 euros mensuels dans un organe de la PQR? Cette charge s'adresse-t-elle à un grand reporter qui risque sa vie en Afghanistan ou en Syrie? JLM pense-t-il au travail remarquable et risqué dont nous gratifie Élise Lucet sur le service public?
Tout le monde sait bien que non. Lorsque JLM évoque les médias, il entend par cela ce petit monde de l'éditocratie qui officie dans des quotidiens nationaux, des hebdomadaires, des radios ou des chaînes télévisuelles, et (pur hasard sans doute), trop souvent et presque systématiquement les mêmes que l'on voit et que l'on peut lire dans les quotidiens nationaux, des hebdomadaires, des radios ou des chaînes télévisuelles. Cette sphère autocentrée, égotiste et bornée sur ses intérêts dont les discours et les propos sont observés et analysés par Acrimed depuis des années.
Un exemple (parmi des centaines) d'article pointant une dérive manifeste d'une certaine presse, la dominante: http://www.acrimed.org/France-5-BFM-TV-et-France-Inter-recoivent-une-economiste-d-HSBC-mais-ne-l
Cette critique qui porte fondamentalement sur non pas le manque d'objectivité, mais sur l'uniformité du discours le quel est toujours et seulement en faveur du pouvoir économique et politique en place. En clair ce qui est reproché aux médias mainstream et à leurs acteurs les plus engagés (enragés?) c'est de s'arroger le rôle de porte parole officieux des gouvernements en place pour défendre et justifier des choix et des stratégies politiques toujours orientées vers davantage de libéralisme, davantage de privatisation et dé-ligitimation du rôle de l'État et de son interventionnisme régulateur.
Cette critique est-elle nouvelle?
Non. https://www.monde-diplomatique.fr/1995/01/RAMONET/6069
Encore une fois une inversion du réel : le monde diplo publie un édito à charge contre les médias mainstream dominants et les éditorialistes enragés qui font le tour des écrans et des chaînes télés, édito intitulé : "La Pensée Unique". Date . 1er janvier 1995... 23 ans...
S. Halimi publie deux ans après son best seller : "les nouveaux chiens de garde" qui sera mis en film par Gilles Balbastre quelques années plus tard... Et rien n'a changé
Donc cela fait au moins 23 ans qu'a été noté la caractère propagandaire brutal de l'information dominante en France. Cette propagande se traduit entre autre par l'acceptation de la population de choix politiques d'une rare violence à l'égard des plus fragiles de notre société : réduction des services publiques, désengagement d'un État providence, pénalisation de la pauvreté, régression sociale et politique qui traduit l'insécurité économique et sociale qui touche de plus en plus de monde...
Mais la presse se défend en accusant Mélenchon sur deux mots "La Haine"...

Or cette presse est d'abord haineuse par la manière dont elle disqualifie depuis 2007 et la naissance du parti de Gauche, toute tentative pour réinstaller dans l'espace politique français un authentique parti de gauche anti libéral et réellement écologique au delà des discours d'intention lénifiants et fondamentalement inoffensifs des gouvernements en place. Elle est haineuse à l'image du parti fn dont elle a en partie construit et justifié la dédiabolisation et la légitimation politique. Plutôt Le Pen que Mélenchon, la campagne de 2017 a été exemplaire sur ce sujet : https://opiam.fr/2015/12/10/midi-2/
Il fut un temps aux USA où les journalistes rappelaient leur rôle par cet aphorisme : "Réconforter les affligés; Affliger les puissants"
Ceux que JLM avec Ramonet ou Halimi pointent sous le feu de leurs critiques exercent leur métier en s'escrimant à légitimer (au nom du réalisme, de la liberté etc...)  la domination. Elle a repris le rôle de justificateur de l'infamie que l'Église s'était arrogé durant des siècles pour faire accepter le pouvoir de l'aristocratie sans se soucier des conséquences mortelles sur la vie des serfs de l'époque...

Quand un salarié meurt faute de soins décents dans un hosto en pleine déréliction, tout ce petit monde de l'éditocratie libérale va s'empresser de rappeler le coût des services publics et appeler à la compréhension du public. L'État ne peut pas tout faire, c'est un refrain connu depuis Jospin. Et tant pis si entre 2000 et 2017, notre système de santé a dégringolé de la 1ère à la 24 ème place grâce à la catastrophe sociale et sanitaire des T2A et de la tarification de l'activité soignante.

Quand un cheminots se suicide (une dizaine en 2017 à ma souvenance) et que TOUTE la presse unanime (hormis L'huma, Politis, Médiapart et le monde diplo) se déchaîne contre les "privilèges" des cheminots, n'est-ce pas une manière de tuer une deuxième fois ces salariés à 2300 euros mensuels en produisant une fable qui fera phantasmer les français qui vont soutenir une réforme inique, alors qu'un homme d'affaire français célèbre vient de se hisser au 4ème rang des fortunes mondiales tout en déménageant en Belgique pour ne pas participer à l'effort national par l'impôt.
A-t-on un mot de tout cela dans le communiqué du SNJ/CGT? Aucun, pas une esquisse d'une autocritique réelle qui dépasserait la langue de bois convenue et habituelle. Pourtant il n'est vraiment pas difficile de le constater  : http://www.telerama.fr/television/la-reforme-de-la-sncf-jugee-salutaire-a-lunanimite-des-editorialistes,n5504569.php

Aveuglement total sur leurs pratiques... Le méchant c'est toujours l'autre et ici en l'occurrence, celui qui les met devant cette contradiction fondamentale: peut-on considérer un porte-parole officieux du pouvoir comme un journaliste?
La réponse est négative.
les journalistes tirent à vue. Nous n'aurions pas le droit de vendre la mèche. Et de fait, même si les journaux écrits comme l'im-Monde ou l'Aberration ne vivent que grâce à nos impôts, la foule sentimentale continue a croire TF1 et BFM...
La lutte sera longue, le contrôle des esprits puissants mais l'Histoire reste indécise...

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