Réponse à Florence Débarre, Directrice de recherche au CNRS (4)
Quand la science « sauve c’qui peut » (l’être encore)
Accusé, levez –vous… Le chien viverrin, coupable idéal ?
Depuis trois ans, le vide entre l’hôte initial – la chauve-souris- et l’humain, laisse l’hypothèse de la fuite du laboratoire à l’affut d’un enlisement de l’hypothèse zoonotique. Le 18 mars dernier, dans différents quotidiens, Florence Débarre propose de combler ce vide en nous ramenant sur le marché de Wuhan.
En 2020, il avait pourtant été écarté comme lieu de l’origine du virus car plus d’un tiers des premiers cas recensés de Covid -19 à Wuhan n’étaient pas associés au marché Huanan. L’introduction du virus sur ce lieu de brassage de population avait donc pu se faire par une personne infectée à l’extérieur, le marché servant de « super propagateur ».
C’est la piste qui a été suivie par la biologiste Virginie Courtier du CNRS. Elle a publié, en novembre 2022, dans la revue Environmental Research, une analyse qui soutient « que les transmissions s’y sont plus probablement opérées entre humains, dans des lieux clos du marché, comme les salles de jeu de mah-jong, les toilettes ou les cantines, plutôt qu’à partir des animaux infectés ».
Auparavant, deux études parues dans Science en juillet 2022, avaient déjà remis le marché au centre des débats de l’origine de la pandémie.
La première allait plutôt dans le sens de la biologiste du CNRS en validant le marché en tant qu’épicentre précoce, mais pas comme lieu d’origine. Elle indiquait, premièrement, que les prélèvements positifs du marché semblaient d’origine humaine puisqu’ils présentaient les mêmes séquences virales que celles retrouvées chez les patients que les premiers cas de contamination. Et deuxièmement, ils occupaient des étals trop dispersés pour imaginer leur contamination directe à partir d’une source animale.
Mais la seconde, menée par Michael Worobey - Chef de département, écologie et biologie évolutive de l’Université de l'Arizona, affirmait l’inverse. Elle avançait – avec une précision étonnante semble-t-il - que deux contaminations animal-humain distinctes avaient eu lieu sur le marché de Wuhan dans les premières semaines de novembre 2019, à environ une semaine d'intervalle. Elles s’étaient produites dans l’aile qui commercialise des animaux vivants. Et plus particulièrement, elle pointait un stand pour lequel on disposait de preuves photographiques que des chiens viverrins y avaient été enfermés.
« Coïncidence hallucinante, il s’agit de la même zone du marché que le scientifique Edward Holmes avait photographié en 2014. Il avait pris en photo un chien viverrin dans une cage à cet endroit précis » ? s’est exclamé Florence Débarre.
Cette coïncidence est-elle aussi « hallucinante » que celle « extraordinaire » qui a fait atterrir le SARS-Cov-2 à Wuhan, Florence ? Car pourquoi Edward Holmes - coauteur de « Proximal origin... », a-t-il alors proposé le pangolin comme hôte intermédiaire à Kristian Andersen pour cet article en mars 2020 ? L’avait-il aussi pris en photo ?
Dans la liste des candidats, « le chien viverrin était très haut », nous dites-vous. Cette affirmation n’est pas tout à fait exacte. Le tiercé gagnant de l’infection en 2020 était : chauve-souris – pangolin – civette. Et récemment, vous auriez pu nous proposer le rat-bambou cendré ou le hérisson de l’amour qui ont, eux aussi, laissé des "traces" génétiques retrouvées sur le marché en janvier 2020.
Mais vous avez porté votre choix sur les chiens viverrins, car ils « ont surtout la particularité d’être des mammifères susceptibles d’être infectés par le Sars-CoV-2. Ils peuvent avoir été des hôtes intermédiaires entre les chauves-souris - réservoirs du virus - et les humains » avez-vous souligné sur France-Info le 14 avril.
Voyons ensemble comment vous en êtes arrivées à faire ce choix ?
« L’aventure », pour vous, a commencé en février 2022, lorsque George Gao - ancien directeur du Centre chinois de contrôle des maladies (CDC chinois) – a publié sur Research Square, une étude préliminaire exploitant partiellement des données issues des toutes premières analyses menées sur le marché début 2020. C’est à partir de ces informations brutes que Michael Worobey a construit son étude publiée dans Science. Ces données ont ensuite été rendues inaccessibles.
Et voici que le 4 mars 2023, elles le sont redevenues pour vous, Florence ; beaucoup plus complètes. Dedans, vous avez trouvé du matériel génétique humain, viral, bactérien et animal ; des séquences d'ADN mitochondrial presque complètes - chacune d'environ 16 000 paires de bases, pour cinq espèces - dont le chien viverrin - dans six échantillons provenant de deux stalles. Sur un chariot utilisé pour déplacer des cages, ont été trouvés, du génome de Sars-Cov-2, du génome de chien viverrin, mais très peu de génome humain.
C’est à partir de cette particularité – le peu de génome humain et l’abondance des deux autres, virus et chien - que le Professeur de santé publique à l'Université de Hongkong, Leo Poon, s’est empressé de conclure que « l'hypothèse la plus logique est que les chiens viverrins ont été infectés par le SRAS-CoV-2 et ont excrété le virus », et qu’« il y a eu une transmission interhumaine sur le marché au début de 2020 ».
Peut-être Mr Poon, mais le problème est que votre collègue dans cette étude, Michael Worobey, a daté précédemment, les premières infections humaines entre le 23 octobre et le 8 décembre 2019 ( un moment, il faudra vous mettre d’accord).
Le résultat de votre travail collectif de deux semaines sans sommeil à vitesse grand V - nous avez-vous dit, Florence - c’est une étude publiée sur ZENODO le 20 mars en pré-print- c’est-à-dire sans validation de pairs. Ensuite Kristian Andersen, Edward Holmes - déjà coauteurs de « Proximal origin.. » (et d’autres chercheurs), ont été chargés de rapporter cette nouvelle version – sans pangolin - auprès de l’OMS.
La réponse de Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a dû vous paraître décevante : « ces données ne fournissent pas de réponse définitive à la question de savoir comment la pandémie a commencé », a-t-il déclaré.
Comment peut-on expliquer cette prudence alors que votre équipe s’est tellement empressée de proposer ce nouveau « suspect à l’origine de … » ?
Parce que ni l’analyse faite sur ZENODO ni celle du CDC chinois - finalement parue le 5 avril dernier dans Nature - à partir des mêmes écouvillons prélevés dans l’environnement du marché après sa fermeture, n’apportent de réelles révélations. Celle de Nature affirme toujours qu’aucun virus n’a été détecté sur les animaux testés.
Ce qui a obligé Maria van Kerkhove - responsable du Covid-19 au sein de l’OMS - à déclarer qu’« il faut être clair, le virus n’a pas été identifié dans un animal présent sur le marché et on n’a pas trouvé l’animal qui aurait infecté les humains ». Ces génomes de Covid-19 trouvés « pourraient tout aussi bien provenir d'une personne infectée », a rajouté Justin Kinney, biologiste quantitatif au Cold Spring Harbor Laboratory à New York.
Et Étienne Decroly sur France-Inter, le 13 avril, a complété ce propos en citant cet exemple : “Si vous êtes malade du Covid et que vous toussez sur des poissons, en faisant un prélèvement sur les poissons, on va trouver du matériel génétique de poisson mais aussi du Covid. Cela ne prouve pas pour autant que les poissons étaient porteurs du Covid et qu’ils l’ont transmis dans la poissonnerie.”
Le chien viverrin, c’est 14 millions d’individus élevés en Chine. Qu’il y en ait eu au marché de Wuhan, ce n’est pas une surprise. Mais est-ce qu’on en vendait issus de la faune sauvage ? S’ils provenaient d’élevage, comment ont-ils été infectés par la chauve-souris fer-à-cheval ? Y a-t-il eu des abattages de chiens viverrins en 2020 qui prouveraient l’existence de populations infectées ? Ces informations sont toutes manquantes.
Par ailleurs, dans un article de Nature Briefing, certains autres experts interrogés, soulignent « des incohérences dans la publication de Nature du CDC chinois, notamment le fait que l’article identifie le matériel génétique des pandas, des rats-taupes et des chimpanzés. Or, tuer un panda entraîne la condamnation à mort en Chine et il n’y a pas de trace de panda sur le marché. Cette bizarrerie pourrait provenir d’une contamination d’échantillons en laboratoire ou d’un mauvais traitement de données ».
Il y a donc un grand pas encore à franchir pour faire du chien viverrin - comme vous l’avez proposé Florence - le candidat au chainon manquant entre l’homme et la chauve-souris.
Pour les coronavirus précédents, on a trouvé rapidement les hôtes intermédiaires : la civette et le chameau, eux-mêmes infectés par le SRAS et le MERS, avec des séquences génomiques très proches du virus initial. Trois ans après, malgré vos efforts récents – dont nous vous tenons grée - nous sommes obligés de constater que ce candidat manque toujours à l’appel pour expliquer l’origine du Covid-19.
Pour démontrer une origine naturelle du virus, la science n’a en fait pas le choix que de trouver un virus aussi proche dans ses séquences que celles du SARS-CoV-2, avec la particularité de pouvoir faire comprendre à quel moment de son histoire évolutive, est apparu le site de clivage par la furine.
La preuve absolue, « ce serait la découverte d’un virus génétiquement proche à plus de 99,8 % de celui qui a circulé chez l’humain », nous explique dans Libération, Decroly. « Si un proche virus est trouvé dans une chauve-souris, un chien viverrin…ou un laboratoire, cela dira l’origine du Covid-19 » rajoute-t-il.
Tout récemment, pour espérer le découvrir dans un laboratoire, nous avons une piste toute neuve qui se présente. Elle pourrait se révéler plus fructueuse que la « trace » laissée par le chien viverrin sur un chariot de marché.
Après l’annonce de Joe Biden, Avril Haines, la Directrice du renseignement national américain, a 90 jours pour déclassifier toute information sur les liens potentiels entre l’Institut de virologie de Wuhan et l'origine du Covid-19.
Cependant, le Président américain, qui a été poussé à cet acte par les Républicains du Congrès, a déjà prévenu qu’on ne toucherait pas à celles classées « Secret Défense ». Et qui l’imaginerait pointer du doigt la Chine pour les risques inconsidérés qu’elle aurait pris. Xi Jinping ne serait-il pas en droit de lui rétorquer : « mais comment cela se fait-il que vous ayez financé chez nous des expériences à gain de fonction jugées dangereuses dans votre pays ? »
Par ailleurs, pour que Joe Biden nous ouvre les portes des relations entre les USA et Wuhan, une information publiée le 26 mars dernier par le New York Post, tombe très mal. La manchette débute en ces termes :
« L'affirmation de la Russie selon laquelle le fils du président Biden, Hunter finançait . . . des laboratoires biologiques en Ukraine » était basé sur la vérité… »
Si cette information se révélait exacte, elle « pourrait ouvrir sur le plus grand scandale du siècle », écrit-on déjà, et reléguer loin derrière… celui du financement du laboratoire de Wuhan.
Pourtant, d’une manière ou d’une autre, pour que l’hypothèse de la fuite de laboratoire ne reste pas en suspens et cesse de « polluer » celle – privilégiée - par nombre de scientifiques et de politiques - la version zoonotique - n’avons-nous pas besoin que les services secrets américains nous disent une fois pour toutes ce qu’ils savent de ce qui s’est pratiqué à l’Institut de virologie ?
La vérité est, que s’il était prouvé que la responsabilité de la pandémie était chinoise, américaine, et scientifique, la tempête d’indignation ébranlerait sur leur piédestal, la Chine et les USA. Par ricochet, elle toucherait les virologues du monde entier. Elle ferait voler en éclats l'édifice de la recherche de haut en bas.
Comprenez-vous alors pourquoi toutes ces personnes ont besoin de croire au chien viverrin ?
Les autorités pourraient être obligées de cesser de subventionner des expériences en virologie trop dangereuses, d’arrêter de soutenir celles menées pour la guerre bactériologique. Un moratoire pourrait être décidé. Un organisme de contrôle sur le modèle de l’Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) crée.
Qui alors, parmi les personnes qui savent, fera sienne la devise de Geoges Orwell dans 1984 : "En ces temps d'imposture universelle, dire la vérité est un acte révolutionnaire"
Qui aura le courage de provoquer ce tremblement de terre ?