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Billet de blog 27 août 2022

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Politique : L’Amérique du Sud bascule nettement à gauche

Depuis le 7 août 2022, la Colombie connaît le premier président de gauche de son histoire, au nom de Gustavo Petro. On le voit, ces dernières années, l’Amérique du Sud bascule nettement à gauche.

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Investiture du président colombien Gustavo Petro sur la place Bolivar, à Bogota, le 6 août 2022. © RAUL ARBOLEDA / AFP

Au Chili, Gabriel Boric l’a emporté. En Bolivie, Pérou, Argentine et même peut être le Brésil si Lula venait à être élu prochainement, de nouveaux gouvernements s’installent au pouvoir. Mais quelle est la politique de ces nouveaux dirigeants ? Gauche radicale, gauche libérale, sociaux démocrates, qui sont les nouveaux présidents à gauche d’Amérique du sud ?

COLOMBIE : L’arrivée de Gustavo Petro est historique

Il est le premier président de gauche à la tête du pays et le dirigeant le mieux élu de toute l’histoire de la Colombie avec 58,1% au second tour. Son élection fait suite à 20 ans de politique de droite et porte donc l’espoir de nouvelles avancées sociales et économiques. 
Issu de la gauche radicale, on peut le classer entre le président chilien Gabriel Boric (gauche radicale et collation de gauche) et son homologue mexicain Andrés Manuel López Obrador (socialiste). En d’autres termes, il représente une gauche moderne, progressiste et soutient les revendications des populations natives et historiquement déplacées comme les amérindiens et les descendants africains. Une des actions fortes de Petro, c’est la nomination de la première ministre Francia Marquez : activiste écologique, militante féministe et première femme afro-colombienne à occuper ce poste. 
Mais par certains aspects, Gustavo Petro reste l’héritier d’une vieille gauche du XXème siècle. « Il a un pied de chaque côté » déclare Sandra Borda, politologue colombienne. (Source : Courrier International).  
Élu très récemment, il est encore trop tôt pour juger le début de son mandat. La question sera de savoir s’il mènera une politique de rupture avec les gouvernements précédents et s’il arrivera à instaurer des changements majeurs pour les populations colombiennes. À suivre. 

CHILI : Gabriel Boric et sa gauche radicale bouleverse les codes

Gabriel Boric devient le plus jeune président de l'histoire du pays. Élu depuis 2021, tout juste l’année dernière, il incarne surtout le retour d'une gauche plus radicale après trente ans d'alternance entre des partis historiques de centre gauche et de centre droit. Issu de l’extrême gauche, il sera élu autour d’un rassemblement très large des partis de mouvement de gauche. Boric porte alors un programme social démocrate. Autrement dit, l’aile droite de la gauche : une sorte de NUPES chilienne. Des changements importants sont à prévoir, à commencer par le projet de création d’une nouvelle constitution pour le pays. Le référendum qui se déroulera prochainement pourrait cependant être rejeté par la population. C’est en tout cas ce que prédisent les premiers sondages. Si tel est le cas, il faudra « tout recommencer à zéro » annonce Gabriel Boric. 

BOLIVIE : Luis Arce, nouveau visage du socialisme bolivien

À 57 ans, Luis Arce est élu dès le premier tour le 18 octobre 2020 avec 55% des voix. Président socialiste, il fait suite à Evo Morales, président du même parti de 2006 à 2019. À cette date, Luis Arce arrive dans un vrai contexte d’instabilité politique. Depuis un an, le pays était dirigé par Jeanine Áñez, présidente intérimaire après la démission d’Evo Morales, et placée à droite sur l’échiquier politique. L’ancienne présidente a cependant été condamnée à 10 ans de prison pour non-respect de la Constitution et manquement à ses devoirs, pour s’être installée à la présidence sans en avoir le droit. En Bolivie, trois président.e.s se sont donc succédé en un an. Luis Arce porte avec lui le souhait d’un retour au fonctionnement normal des institutions du pays. 
Durant le précédent mandat, le président actuel, alors Premier ministre, aura participé à l’augmentation du PIB bolivien de 340%. L’extrême pauvreté aura aussi chuté 38 à 17% et le pays connaîtra une croissance moyenne de 4.6% par an. Un chiffre cependant en baisse depuis la pandémie. 

ARGENTINE : Alberto Fernández face à l’extrême inflation

Alberto Fernández fait son entrée à la Casa Rosada, siège du gouvernement argentin, en 2019 dans un contexte lui aussi de crise. 40% de la population vit sous le seuil de pauvreté et 30 à 40% d’inflation annuelle sont annoncés. L’année de son investiture, l’inflation atteindra 53.8%, un record depuis 1991. La deuxième inflation la plus élevée d’Amérique Latine, derrière le Venezuela. Pour le moment, le contexte n’a pas changé, le peso argentin s’est fortement dévalué et l’inflation, en conséquence, s'est poursuivie.

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11/08/2022 - Flora Genoux, journaliste correspondante en Argentine. (TV5 Monde, Le Monde, Le Parisien).

    
Alberto Fernández est un homme politique de centre gauche. Libéral de gauche ou libéral progressiste, il est assez difficile de le situer précisément. Une sorte de PS à l’argentine, à gauche mais à tendance “droite droite”. Son investiture marque le retour du Peronismo au sommet de l’État argentin, mouvement populaire de gauche très important dans l'Histoire de l’Argentine, notamment pour la classe ouvrière et pour les droits des femmes et de l’humain. 

PÉROU : Pedro Castillo, économiquement d’extrême gauche, socialement d’extrême droite

Élu l’année dernière en 2021, le cas Pedro Castillo n’est pas vraiment commun sur l'échiquier politique français. Le président se classe d’abord d’extrême gauche sur les questions économiques.  Parmi ses mesures souhaitées, une forte hausse des budgets liés à l’éducation et la santé. On note aussi la nationalisation des entreprises notamment du secteur énergétique. Autrement dit, une reprise du contrôle de l’État sur les richesses énergétiques du pays. Son projet de nationaliser les grandes entreprises minières s’est cependant retrouvé contraint par les grands patrons et les pays occidentaux achetant à bas coût les ressources.
C’est un début de mandat désorganisé et un aveu de faiblesse de la part de Pedro Castillo de ne pas tenir tête au grand capital. Le système qu’il souhaite profondément changer l’a absorbé et l’extrême dépendance du pays aux grandes puissances économiques et à ses pays voisins le contraint de revoir ses objectifs à la baisse. 
La politique radicale et progressiste de Pedro Castillo s'arrête cependant quand il s’agit de traiter les questions sociales. Les femmes et les personnes LGBTQI+ n’obtiendront pas plus de droits lors de son mandat, bien au contraire. Pedro Castillo est de confession évangéliste et est donc opposé aux mariages pour toutes et tous et anti-avortement. Il refuse tout cours d'éducation sexuelle dans les écoles, prônant l'abstinence comme vision éducative. Ses convictions religieuses impactent sa politique et il le revendique. On notera aussi le souhait de rétablir la peine de mort et une hostilité à l’immigration. Voir article Orsinos L'échec Pedro Castillo.

BRÉSIL : La gauche de Lula remplacera-t-elle l’extrême droite de Bolsonaro ?

La campagne présidentielle brésilienne 2022 est lancée avec au bras de fer deux favoris : Jair Bolsonaro, président d’extrême droite en poste depuis 2019 ; et Lula, président de 2002 à 2010,  figure de la gauche brésilienne et du parti des travailleurs. D’après un récent sondage de l’institut ipec, la victoire serait donnée au président socialiste avec 44% des intentions de vote au premier tour, contre 32% pour Bolsonaro. Alors peut-être. Le Brésil pourrait suivre la “vague rose” que connaît aujourd’hui l’Amérique du Sud et même l’Amérique Latine ces dernières années. Premier tour le 2 octobre. (Prochainement un portrait de Lula à venir).

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Couleur politique de l’Amérique du Sud - 2019 © AFP
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Couleur politique de l’Amérique du Sud - 2021


Si nous résumons, en Amérique du Sud : Colombie, Pérou, Chili, Argentine et Bolivie sont tous passés à gauche depuis 2018. À cela s'ajoute l'Amérique centrale avec le Mexique et le Honduras qui ont suivi la même approche. La couleur politique de l’Amérique Latine change catégoriquement et c’est aujourd’hui la seule région du monde ayant pris réellement position contre le néolibéralisme au cours de ce siècle. Là-bas, près de 300 millions de personnes vivent actuellement sous la gauche. Si le Brésil venait à élire le candidat Lula cette année, ce chiffre dépasserait les 500 millions. 

Rédaction François Perdriau, Orsinos. 

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