Autisme et emploi : enfin une sortie de secours ?

Des modèles d’intégration réussis 

Avec l'aide de plusieurs invités, le directeur général d'Akkanto France a mis en lumière avec acuité les défis et les perspectives de l'emploi pour les autistes. « Il y a des milliers de dispositifs, c’est aussi pour ça qu’il y a des doutes. », a-t-il observé, soulignant la nécessité d'une approche plus structurée et accessible. Cependant, Florent Chapel a mis en avant les progrès qu’a faits la France dans l’insertion professionnelle des autistes. « Il y a 15 ans, presque aucune entreprise ne recrutait de personnes avec un TSA. Aujourd'hui, bien que les changements soient lents, le monde est en train de changer sous nos yeux. » Il a ainsi souligné l'importance de la sensibilisation et de l'accompagnement dans ces processus d'intégration, affirmant que le principal obstacle est souvent le manque de connaissances sur la façon d'aborder l'autisme en milieu professionnel. Ce constat est partagé par Laure Alertini, conseillère en politiques inclusives à la Délégation interministérielle Autisme et TND. Elle a abordé la nouvelle stratégie nationale pour les troubles du neurodéveloppement, y compris l'autisme, annoncée par le président de la République. « Cette stratégie rassemble des compétences diverses pour faciliter l'accès aux droits et l'inclusion des personnes autistes, quelle que soit la diversité de leur profil », a-t-elle expliqué. Elle s'est montrée optimiste quant aux changements sociétaux en cours en donnant la parole à des acteurs ayant imaginé des situations d’insertion professionnelle innovantes. Parmi elles, on peut citer Muriel Lefebvre, architecte du projet d'insertion professionnelle de Yannick, dans un environnement de travail complexe comme chez L'Oréal. « Nous devons constamment nous adapter aux besoins sensoriels et organisationnels des jeunes », a expliqué Muriel. Elle a mis en lumière le rôle crucial des parents : « Les familles jouent un rôle pivot dans la réussite de ces jeunes, notamment en les aidant à s'adapter aux exigences d'hygiène et d'autonomie requises par des entreprises comme L'Oréal. » Elle a décrit les multiples facettes de l'accompagnement offert – allant de l’hygiène à l'aménagement assez lourd des grands postes de travail – et a insisté sur l'importance d'une approche personnalisée pour chaque participant. « Chaque admission d’un autiste sur le marché de l’emploi est un vrai défi, et notre objectif est de garantir que ces jeunes puissent non seulement s'orienter mais aussi s'épanouir dans leur environnement professionnel », a-t-elle conclu.  

Priorité à l’éducation et l’emploi

Laure Alertini a souligné l'importance des efforts du gouvernement pour promouvoir l'emploi des personnes autistes. « Dans le cadre de la conférence nationale du handicap, le gouvernement a défini quatre priorités : l'école, l'emploi, l'accessibilité universelle et l'accès aux droits. Concernant l'emploi, nous visons le plein emploi pour tous, y compris pour les personnes handicapées », a-t-elle affirmé. Pour mettre en place une stratégie de plein-emploi pour les autistes, Laure Alertini a évoqué le dispositif France Travail, visant à améliorer la coordination entre Pôle Emploi, Cap Emploi et les missions locales. « Cette réforme vise à simplifier l'accès à l'emploi et à l'insertion professionnelle pour tous. Il est crucial que les jeunes, y compris ceux ayant des troubles du neurodéveloppement, s'inscrivent à Pôle Emploi ou passent par Cap Emploi », a-t-elle conseillé. D'autres dispositifs de formation et d'insertion professionnelle innovants ont été présentés. Parmi eux, on peut citer ceux mis en place par Olivier Tran, papa d’un enfant autiste et fondateur de Biscornu, une initiative pionnière dans l'emploi des personnes autistes. « Nous avons expérimenté une nouvelle approche qui consiste à décomposer le travail en tâches spécifiques plutôt que de viser un poste complet. Cela permet d'adapter l'emploi aux compétences uniques des personnes autistes », a-t-il expliqué. Selon lui, cette méthode d'apprentissage, nommée 'Futé', utilise des fiches universelles de tâches élémentaires, représentées par des dessins pour surmonter la barrière linguistique et rendre le processus accessible.  

Le Défi de l'Inclusion Professionnelle

Lors de sa prise de parole, Laure Alertini a aussi insisté sur le rôle de Pôle Emploi dans la mise en œuvre de ces politiques. « Pôle Emploi joue un rôle crucial en fournissant des services spécialisés pour les personnes autistes, tels que l'orientation professionnelle, la formation et le soutien à l'emploi », a-t-elle déclaré. Elle a mentionné que des efforts ont été faits, dans le cadre du dispositif France Travail, pour renforcer la formation des conseillers de Pôle Emploi au handicap, afin qu'ils puissent mieux répondre aux besoins spécifiques des demandeurs d'emploi autistes. Un constat que ne partage pas Sébastien Peytavie, un député de La Nupes, estimant que son groupe a dû « batailler pour que l’amendement facilitant la formation des agents de Pôle Emploi au handicap soit adopté. » Néanmoins, tous les groupes politiques interrogés affirment que le dispositif France Travail, mutualisant les services de Pôle Emploi, Cap Emploi et les missions locales, simplifiera l'accès à l'emploi pour les personnes autistes. « Ce dispositif offre un soutien personnalisé et adapté aux besoins spécifiques des personnes autistes, jouant un rôle crucial dans leur insertion professionnelle », affirme la conseillère ministérielle. Laure Alertini a également évoqué l'engagement du gouvernement à développer des modèles d'emploi plus innovants, même pour celles ayant les profils les plus sévères, afin de leur permettre d'accéder à un emploi en milieu ordinaire. Une tâche compliquée au vu de la lourdeur des troubles sociaux présentés par certains autistes, comme Lali Dugey.

Une gestion difficile des troubles du comportement

Aujourd'hui, les dispositifs mis en place par Pôle Emploi et le Ministère du Travail pour combler la déficience sociale des autistes restent assez flous, en particulier pour les femmes comme Laly ou Florence Mendez ayant subi du harcèlement sexuel. « En tant que femme autiste, il est souvent difficile de décrypter les signaux sociaux et les intentions cachées, ce qui peut rendre encore plus compliquée la gestion de situations inappropriées au travail », a-t-elle expliqué. Elle a décrit comment, en raison de sa condition, elle a parfois manqué les signaux d'alerte ou mal interprété les intentions des autres, ce qui l'a placée dans des situations vulnérables mal comprises par les conseillers de Pôle Emploi et les collègues dans le milieu professionnel. Laly Dugelay a également évoqué la nécessité d'une meilleure sensibilisation et formation au sein des entreprises pour créer des lieux de travail plus inclusifs et protecteurs. « Les employeurs doivent être conscients des défis uniques auxquels les femmes autistes sont confrontées et prendre des mesures proactives pour les soutenir. Cela inclut la mise en place de politiques claires sur la formation des employés sur la manière d'interagir respectueusement avec leurs collègues autistes », a-t-elle ajouté. En conclusion, Laly Dugay a exprimé l'espoir que son témoignage contribue à sensibiliser davantage à l'importance de l'inclusion et de la sécurité pour les femmes autistes au travail. Elle a souligné que des changements significatifs sont nécessaires pour garantir que les environnements professionnels soient non seulement tolérants, mais véritablement accueillants et sécurisants pour tous, indépendamment des différences neurologiques.