Depuis l’État tergiverse. Dès 2020 et durant 11 mois, la publication du rapport TET fut reportée de mois en mois, jusqu’à ce qu’il fuite dans la presse le 18 mai 2021. Dès le lendemain le gouvernement publie une version réduite... avec 31 pages en moins. Le 27 novembre 2022 le chef de l’État confirme l'objectif, mais avec une ambition diminuée de moitié. Il annonce « en 2030 notre pays comptera une dizaine de lignes de trains de nuit », ce qui correspond à une commande de 300 voitures.
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La commande a depuis tendance à se réduire encore et par ailleurs à se reporter dans le temps. Les déclarations des ministres des Transports successifs en font l'écho : en 2018, la ministre des Transports Élisabeth Borne fut la première à déclarer « Oui les trains de nuit ont de l’avenir ». En 2021 le ministre Djebbari annonce : « Les procédures pourraient être lancées début 2022, pour de nouvelles lignes de nuit à partir de 2026 ». En 2022, le ministre Clément Beaune reporte à « courant 2023 », puis à « fin 2023, sans doute dans le PLF [budget de l’État] pour 2024 ». En 2023 il reporte ecnore : « d'ici la fin de l'année 2024, début d'année 2025 » [vidéo]. Le Conseil d'Orientation des Infrastructures (COI) dans son rapport de déc. 2022 a pourtant rappelé qu' « il y a urgence à statuer dès 2023 », car construire du matériel neuf prend de 5 à 8 ans... Par ailleurs il serait idéal que les trains de nuit pour les Alpes arrivent pour les JO 2030.
Résultat : l'Autriche inaugure déjà son matériel neuf en 2024, alors que la France ne l'a toujours pas commandé...
En juin 2024, l’État a recruté plusieurs cabinets de conseil. Il s'agit de faire construire le matériel roulant via des intermédiaires, ce qui renchérira le coût des trains de nuit. Le budget de l’État pour 2025 prévoit effectivement environ 500 millions d'euros pour faire construire puis louer des trains de nuit neufs [voir programme 203 action 44-06, p53]. L’ambition est divisée par 4, pour construire, de manière minimaliste, seulement de l'ordre de 150 voitures, uniquement pour les lignes existantes : donc créer ZÉRO nouvelle ligne. Le réseau 2030 annoncé par le chef de l’État resteraient donc à financer... au prochain quinquennat. Effet collatéral, en 2024, la communication change : 5 trains de nuit sont en service, avec 8 branches au total. L’État considère désormais que chaque branche est une ligne : ce tour de passe-passe permet d'affirmer qu "il existe actuellement 8 lignes Intercités de nuit. L’État en souhaiterait 2 de plus d'ici 2030".
Le succès des trains de nuit dépasse les prévisions
D'après la SNCF, la fréquentation est passée de 350 000 voyageurs en 2019 à 700 000 en 2022, soit un bond de +100% en 3 ans (et 770 000 voyageurs en 2023). Elle est toujours en forte hausse depuis, avec +45 % au premier semestre 2024 par rapport à 2023. De son coté l'Italie atteint déjà 2 millions de voyageurs par an (+25% en un an) et a commandé du matériel neuf. Le rapport TET prévoit 5,6 millions de voyageurs sur la France en 2030, à condition que les 600 voitures soient construites. Or certaines prévisions du rapport TET sont d'ores et déjà surpassées : le rapport TET tablait sur un taux d'occupation autour de 65% en 2030, or il a atteint déjà 70% en moyenne dès 2022.
Pour "Oui au train de nuit" les 600 voitures sont donc une première marche d'escalier. Les trains affichent souvent complet et il sera probablement nécessaire de dédoubler des lignes : jusqu'à 5 trains de nuit circulaient l'un derrière l'autre sur Paris-Nice par le passé. Dans le scénario probable d'un renchérissement des mobilités plus énergivores, comme l'avion et la voiture individuelle, il serait pertinent de prévoir extension optionnelle de commande jusqu'à 1200 voitures. Cela correspond au parc dont disposait la France au 20ème siècle, à l'époque où les européens se déplaçaient moins. Cela permettra d'éviter une nouvelle crise sociale due au renchérissement des mobilités et de garantir à toutes les classes sociales une mobilité longue distance décarbonée et peu énergivore.
Le ministère des Finances retire les moyens à SNCF Réseau pour que les trains circulent la nuit
Pour faire des économies, le « contrat de performance » [non public] négocié entre le ministère des Finances et SNCF Réseau semble obliger à réduire la masse salariale chaque année. Il manque désormais des agents de circulation. Pour économiser des postes de travail, de nombreuses voies ferrées sont fermées à la circulation la nuit. Lors des travaux sur les itinéraires principaux, les trains de nuit et les trains de fret n’ont plus accès aux itinéraires bis qui leur permettraient de traverser l’Hexagone de manière fiable au quotidien.
Autre économie : SNCF Réseau ne réalise plus guère des travaux sur une voie, pour laisser les trains circuler sur la voie contiguë. (SNCF Réseau tente de reprendre cette pratique de manière minimaliste, sans pour l'instant l'appliquer aux trains de nuit). Au final sur 10 ans, jusqu'en 2032, les trains de nuit sont fortement impactés : 126 nuits de circulations sont supprimés sur le Paris-Latour de Carol dès 2025. Les trains de nuit Paris-Toulouse/Rodez/Aurillac voient leurs horaires dégradés [voir comité de ligne p 45-45]. L’ensemble des autres trains de nuit et de fret sont fréquemment impactés également.
Le ministère des Transports (Direction Générale des Mobilités - DGITM) a déclaré aux élus locaux et aux usagers lors du comité de ligne du 24 mai 2023 : « SNCF Réseau n'a pas de pistes pour des itinéraires de substitution. La DGITM a néanmoins commandé une étude à SNCF Réseau pour étudier des itinéraires alternatifs. » Or ce rapport est resté secret, malgré la promesse en mai 2024 de le publier. Sa publication est nécessaire pour éclairer le débat public et contribuer à faire évoluer ce "contrat de performance" considéré comme insuffisant par de nombreux acteurs. Le PDG de DB Cargo France a ainsi déclaré "le contrat de performance a été signé en catimini [...]. Il est entre mains d'un certain nombre d'initiés. Ça a l'air tellement secret se document qu'on n'arrive pas à l'avoir dans son intégralité. " [voir vidéo min 34']. Cette situation n'est pas admissible pour un document qui détermine l'avenir du ferroviaire national. C'est le bon moment d'agir, car ce contrat est en cours de renégociation, d'ici l'été 2025. Le ministre des Transports a promis d'inclure le Parlement dans les négociations [vidéo min 2h08'].
Pour inverser la tendance Oui au train de nuit lance un appel à la mobilisation citoyenne
Alors, en coupant les budgets, le ministère des Finances va-t-il tuer dans l’œuf la renaissance des trains de nuit ?
Le retour des trains de nuit est au contraire une bonne occasion pour motiver l’État à remettre la priorité sur le financement du réseau ferré existant, en convergence avec les objectifs de doubler le trafic fret, de cadencer les TER à la demi-heure, de relancer les Intercités de jour et de déployer les RER en région.
Au 20ème siècle 500 gares étaient desservies par les trains de nuit. Le collectif "Oui au train de nuit" a appelé à des actions dans toute la France (voir l'historique des actions ici). D'autres vagues d'actions sont régulièrement lancées.
Pour participer ? Je signe la pétition ici. Je m'inscris dès maintenant pour être informé des prochaines actions sur ma ville. Et si je suis très motivé, je regarde ici le webinaire pour apprendre à coordonner et lancer une action sur mon territoire.
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